Le président de la République et ses partisans manquent toujours le bon réflexe face au Parti pour la renaissance nationale (Parena). Tiébilé Dramé a l’art d’énerver Ibrahim Boubacar Kéita.
Entre le président de la République et le leader du Parti pour la renaissance nationale (Parena), c’est une relation en dents-de-scie pour ne pas dire qu’il n’y a pas beaucoup d’atomes crochus. Ibrahim Boubacar Kéita et Tiébilé Dramé ont parfois cheminé ensemble, comme ce fut le cas lors de la présidentielle de 2007 dans le cadre du Front pour démocratie et la République (FDR).
Mais de 2007 à l’élection d’IBK à la magistrature suprême en passant par les accusations de soutien au putsch, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts. A la complicité politique a succédé un rapport assimilable chien-chat.
La faute au « Bélier blanc » dont l’engagement politique met le chef de l’Etat hors de lui-même ? Ou le blâme vient-il d’un IBK aujourd’hui plus enclin à recevoir les dithyrambes et réprimer les critiques même les plus pertinentes ? En tout cas, le débat est une partie inhérente à la démocratie. Chacun doit y jouer sa partition tout en apportant des éléments d’éclaircissement. Sans que cela soit un scandale.
A ce train, le pays sortira grandi et la démocratie vainqueur dans un environnement où le manque de culture démocratique doit désormais laisser la place à un véritable éveil de conscience populaire. Aucun échange politique n’a d’ailleurs sa raison d’être que s’il vise à assurer la bonne gouvernance et le bien-être des mandants que sont les Maliens, d’où la nécessité d’encadrer les multiples passes d’armes entre IBK et Tiébilé.
Le président du Parena titille régulièrement IBK et le Rassemblement pour le Mali (RPM). Le premier heurt entre Tiébilé et le cercle restreint du président de la République remonte à avril 2014. A l’époque, le Parena avait publié un pamphlet intitulé « IBK, sept mois après : le Mali dans l’impasse ».
Dans ce document satirique de 9 pages, qui a fait mouche, Tiébilé et ses camarades politiques disent « avoir décidé de prendre la parole pour alerter, s’il en était besoin, car la nouvelle gouvernance montre ses limites et risque de conduire le pays tout entier dans une impasse irrémédiable et dangereuse ». Le parti du « Bélier blanc » s’était offusqué de la transformation « d’immenses espoirs » en déceptions.
En témoignent, selon le Parena, les menaces terroristes, les périls sur l’intégrité territoriale et l’unité nationale, la vie chère, les atteintes à la morale publique, notamment l’influence de la famille dans les affaires de l’Etat, le contrat de 108 milliards de la Guo-Star, le projet d’acquisition du nouvel avion présidentiel… Il n’en fallait pas plus pour que les poulains d’IBK sortent de leur mutisme.
Incommodités
Le RPM avait sorti l’artillerie lourde non pas pour soutenir son champion avec des arguments convaincants mais pour le desservir. Dans la réponse du parti présidentiel à Tiébilé, les Maliens avaient vainement cherché des contre-arguments au tableau noir dressé par le parti de l’opposition.
Finalement, le temps avait donné raison au Parena dont les responsables s’étaient retrouvés sur le devant de la scène grâce au bien-fondé de leurs accusations et aux exigences des partenaires du Mali, qui avaient fait irruption dans la gestion économique et financière du pays.
Dans sa dynamique d’animation de l’opposition, le Parena vient de révéler le scandale des 1000 tracteurs. Le président de la République a officiellement remis le 22 septembre dernier ces engins au monde paysan. Cependant, derrière cette initiative d’IBK, le Parena, après investigations, a dénoncé des détournements massifs de l’argent public.
« L’opération des 1000 tracteurs aux paysans est l’histoire d’une transaction opaque, d’un marché passé illégalement de gré-à-gré déguisé entre l’Etat et un fournisseur sélectionné », dénonce le parti de l’opposition.
A en croire le Parena, l’Etat aurait déboursé le double du prix d’un tracteur, qui ne coûterait en réalité que 6 millions de F CFA. Après un silence de mort, le gouvernement a finalement répondu à la formation de Tiébilé, à travers un communiqué laconique, mais sans fournir de preuves.
« Il n’y a jamais eu de pot-de-vin versé. La procédure d’appel d’offres a été scrupuleusement respectée, et non seulement le fournisseur qui a obtenu le marché était qualifié pour le faire, mais la direction générale des marchés publics (DGMP) a validé l’opération », a répliqué l’Etat. A ce niveau aussi, le gouvernement a mordu la poussière face au Parena, à cause de ses réponses inappropriées, lesquelles seraient liées à une gestion loin d’être irréprochable.
L’on pensait que le président IBK avait tiré les enseignements des réactions inadaptées de ses partisans face au Parena en particulier et à l’opposition en général. Mais, IBK s’est planté le week-end dernier comme ses courtisans. En voulant faire la morale à Tiébilé, IBK s’est mélangé les pédales devant son opposant.
L’intervention présidentielle fait les affaires de l’ex-ministre des Affaires étrangères, qui est désormais sous les feux de la rampe. Faute de preuves, le président renforce la position de son challenger et fait douter plus d’un sur son efficacité à la tête de la nation.
En ces temps de vaches maigres, les Maliens ont soif de bonne gouvernance, qui aurait un impact significatif sur le panier de la ménagère, la crise du Nord, les menaces terroristes, la mainmise de la famille présidentielle sur l’appareil d’Etat, le clanisme, la corruption…
Comme quoi, les « actions parlent plus que les mots ». Tiébilé est dans son rôle. A IBK de jouer le sien en concrétisant ses promesses de paix et de bonheur à ses compatriotes. Alors les faits parleraient d’eux-mêmes et M. le président ne se ferait plus enquiquiner.
Ogopémo Ouologuem
Source: lesechos
