L’Association malienne des expulsés (AME) a organisé, le mardi 31 octobre dernier à la Maison de la presse, une journée de rencontre et d’échange entre les parlementaires, les organisations de la société civile et les décideurs politiques sur la protection des migrants maliens.
La rencontre était animée par Ousmane Diarra, président de l’AME, Mohamed Chérif Haïdara, président du Conseil supérieur de la diaspora malienne (Csdm), Makan Oulé Traoré, député élu à Bafoulabé, Boubacar Sissoko, député élu à Kénieba, Thiérno Hady Thiam, membre de la Commission nationale des droits de l’Homme (Cndh), Mohamed El Béchir Sanagré d’Amnesty International-Mali, ainsi que plusieurs expulsés. Cette journée de rencontre et d’échange se proposait de trouver des réponses à un certain nombre de questions : qu’est-ce qui peut être fait pour protéger les migrants maliens dans les pays de transit et d’accueil ? Comment rendre humaines les conditions d’expulsion et de rapatriement de nos compatriotes ? Quel dispositif pour faire face au problème de réinsertion ? Quels sont ou doivent être les rôles des parlementaires, des décideurs politiques et les organisations de la défense de droits des migrants au vu de tous ces enjeux ?
Premier à s’exprimer sur le sujet, Boubacar Sissoko, député élu à Kéniéba et vice-président du groupe parlementaire Rpm à l’Assemblée nationale. Il a expliqué que la migration est une préoccupation majeure des députés. “Moi-même je suis un ancien migrant et je sais de quoi je parle. Je suis enseignant de formation. En 1986, j’ai signé un contrat avec l’Etat gabonais pour aller enseigner au Gabon. Mais, il fallait payer 150 000 Fcfa dans un réseau malien et comme je n’avais pas cette somme, je n’ai pas pu faire partie du contingent qui est parti au Gabon. Déçu, je me suis jeté sur les pistes migratoires à destination de l’Europe et je me suis même retrouvé en Algérie, avant de revenir au pays. C’est pour dire que je sais comment les migrants maliens souffrent “, a-t-il précisé.
Après son intervention, Thiérno Hady Thiam, membre de la Commission nationale des droits de l’Homme a expliqué que les difficultés auxquelles les migrants maliens sont confrontés aujourd’hui est une réalité et il est important que les Maliens interviennent pour trouver une issue heureuse à ce phénomène. “Notre organisation est à la disposition de tous les Maliens qui sentent leur droit violé. Pour la migration, je pense que personne ne peut empêcher le phénomène migratoire et la mobilité des personnes dans le monde. Mais il est nécessaire de réglementer cette migration que cela soit en Afrique ou en Europe “, a-t-il ajouté.
Une solidarité envers ces migrants
Quant à M. Bane du Haut conseil des Maliens de l’extérieur, il a précisé qu’étant donné que chaque famille malienne à un ou plusieurs membres ou proches qui vivent à l’étranger et qui contribuent pleinement au développement socioéconomique du pays en envoyant des fonds pour renforcer l’économie, si aujourd’hui ces personnes se retrouvent expulsées, les Maliens doivent être très solidaires autour d’eux.
Selon lui, l’apport des migrants dans l’économie du pays d’accueil est très important. “Après tout cela, les migrants ne méritent pas le traitement qu’on leur réserve. J’invite les autorités maliennes à être au cœur de l’action pour assister les Maliens dans les pays de transit ou d’accueil lorsqu’ils ont des difficultés. Certains de nos fonctionnaires dans les missions diplomatiques ne jouent pas pleinement le jeu dans la protection de leurs compatriotes”, a-t-il précisé, avant d’interpeler l’Organisation internationale pour les migrants (OIM) qui, selon lui, parachute des projets sans connaitre dans quels domaines ces migrants doivent être orientés dès leur retour au pays.
Mohamed Chérif Haïdara, président du Conseil supérieur de la diaspora malienne (Csdm), a expliqué que toutes les difficultés dans la gestion de la migration au Mali commence au ministère des Maliens de l’Extérieur, parce que le Ministre n’attache pas un grand intérêt aux Maliens de l’Extérieur. “Le ministère des Maliens de l’Extérieur ne joue pas pleinement son rôle d’accompagnement des migrants comme il faut. Je propose de changer même le nom de ce ministère en ministère de la migration et de l’émigration et c’est en ce moment que ces rôles seront bien définis. Je profite de l’occasion pour plaider que l’Etat du Mali vole au secours des organisations de défense de droits des migrants, ces organisations jouent un rôle important dans l’accueil des expulsés au pays”, a-t-il conclu.
De témoignages forts des expulsés
Au cours de cette rencontre sur la protection des migrants, certains Maliens récemment expulsés de l’Algérie, de la Libye, de l’Estonie, ainsi que des Etats-Unis ont effectué des témoignages importants sur leur parcours. A travers leurs propos, ils ont indexé le manque de considération des agents consulaires et de certains ambassadeurs. Adama Diallo, expulsé récemment de l’Estonie, a expliqué qu’il a été chassé de l’Estonie par la faute de l’ambassadeur du Mali en Allemagne, Toumani Djimé Diallo.
“Les agents des représentations diplomatiques maliennes à l’Extérieur ne font rien là-bas. On se demande souvent si ceux-là qui représentent le pays en Europe savent pourquoi le pays les a désignés”, a-t-il précisé.
Mahamadou TRAORE
Aujourd’hui-Mali