Depuis quelques jours l’expulsion d’un enseignant français par les autorités maliennes défraie la chronique. D’une supputation à une autre, se mêlent approbation et interprétations les plus absurdes. Après une enquête minutieuse, notre rédaction à mesure de vous relater les fais, rien que les faits comme cela convient dans tous les métiers qui se respectent.
En effet, le malheureux incident remonte au début du mois d’octobre 2017 quand un enseignant d’histoire-géo en service à l’Ecole française « Liberté A » de Bamako depuis 4 ans, a donné à ses élèves de CM2 un devoir à domicile des plus polémiques. Dans le recueil des 9 questions, la 7è est intitulée comme tel : qu’est-ce que l’Azawad ? Cette région appartient-elle au Mali ? Elle est traitée comme il suit : l’Azawad est un territoire du nord du Mali qui appartient complètement au Mali. Quant à la 8è question elle interroge les élèves sur la capitale de l’Azawad, sa démographie et sa superficie. La réponse à cette question se rapportant aux régions de Tombouctou, Kidal et Gao avec une superficie de 822 000 km² et variablement Tombouctou ou Gao pour capitale.
Tollé et indignation au sein de l’opinion publique nationale
Les réseaux sociaux locaux furent les premiers à se saisir de la bavure pédagogique et en faire leurs choux gras en s’insurgeant ouvertement contre ce terrible canular inculqué aux jeunes enfants de plusieurs nationalités. Ce fut ensuite la boucle des sujets dans la presse écrite et les radios avec des commentaires des plus acerbes surtout pour qui connait la sensibilité de la question, les récurrentes controverses sémantiques sur l’autonomie, le séparatisme ou le fédéralisme sans amnistier le débat ambiant de l’ingérence étrangère.
Prenant la mesure de la situation, il nous revient de sources généralement bien informées que le gouvernement fit convoquer l’Ambassadrice de France à Bamako afin de lui faire part de sa ferme protestation sans nullement remettre en cause l’excellente qualité de la coopération entre les deux pays. Il y a quelques mois de cela, un autre diplomate de la place et pas des moindres fut également rappelé à l’ordre et dans l’orthodoxie requise par le gouvernement suite à une sortie médiatique portant sur le Gatia.
Pour revenir à notre dossier, c’est seulement suite à cette convocation que la mission diplomatique française s’est empressée de produire une note verbale adressée au ministère des affaires étrangères et de la coopération internationale. Nous sommes le 18 octobre 2017. La mission diplomatique y relate les faits survenus à l’Ecole Liberté tout en envisageant des sanctions disciplinaires contre l’enseignant sans le nommer, mais en rappelant la position politique de la France sur le respect de l’intégrité territoriale du Mali qui n’est nullement remise en cause par ce manquement isolé. Dans le même courrier, l’Ambassade note noir sur blanc « qu’il n’y avait aucune intention malveillante de la part du professeur qui a rédigé le devoir, mais qui n’avait pas mesuré la portée politique du terme Azawad». S’agissait-il là d’un habile style tendant à banaliser l’affaire aux yeux des autorités ou de l’opinion malienne ?
Pour revenir sur les sanctions promises elles ne portaient que sur deux points : un rappel à l’ordre et aux obligations à Bamako puis prochainement à Paris, à l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) dont relève l’administration de l’Ecole Liberté. Dans tous les cas aucunes indications de dates ou de garanties ne sont données. Mieux, ces mesures n’ont aucune incidence sur le séjour professionnel de l’enseignant au Mali.
Réaction énergique du gouvernement
C’est dans ce contexte qu’interviendra le 23 octobre, la note verbale du Ministère des affaires étrangères et de la coopération internationale déclarant l’enseignant Robin Guiovanopoulos personae non grata au Mali avec un délai de séjour de 72 heures. Le gouvernement malien aurait lui-même entrepris ses propres réseaux de services pour pister l’identité de l’enseignant.
Au moment où cette mesure rarissime était transmise à l’Ambassade de France, M. Guiovanopoulos était encore à Bamako. Ce n’est donc que suite à la note des autorités maliennes que l’enseignant fut résolu à quitter le Mali afin de ne pas envenimer davantage une situation de plus en plus encombrante et inconfortable comme le confirment les services aéroportuaires. Les rumeurs qui soutiennent que l’enseignant aurait quitté le territoire malien avant la mesure d’expulsion et donc en congé de Noël anticipé sont donc complètement infondées.
L’établissement Liberté A de Bamako accueille des classes du cours préparatoire (CP) à la terminale et permet de passer le baccalauréat français dans de nombreuses filières (ES, L, S). Actuellement, 1300 élèves y sont inscrits représentant une trentaine de nationalités.
Dans la diplomatie, la procédure de déclaration «persona non grata» est une mesure exceptionnelle. Dans sa formule officielle elle vise un ou plusieurs individus dont une communauté ou une population ne veut pas. En vertu de l’article 9 de la Convention de Vienne sur les Relations diplomatiques de 1961 et de l’article 23 de la Convention de Vienne sur les Relations consulaires de 1963, un État accréditaire a toujours la possibilité, sans avoir à motiver sa décision, de déclarer «persona non grata» un agent étranger qui se trouve sur son territoire.
Cette décision lie l’État accréditant qui est alors tenu de rappeler la personne jugée indésirable et de s’assurer que son départ du territoire soit effectif. Si ce dernier refuse ou omet de mener à bien ses obligations dans un délai raisonnable, l’Etat d’accueil peut refuser de reconnaître la personne concernée en tant que membre de la mission.
Dans ce dossier dont on tente d’amplifier vainement la portée, l’opinion publique malienne est visiblement en phase avec les autorités si on en juge par le soulagement général perceptible en son sein et dans plusieurs media depuis l’annonce de la mesure prompte et courageuse prise par l’exécutif malien.
Ce n’est pas la première fois qu’un instituteur soit sévèrement sanctionné pour des dérapages pédagogiques au Mali. En juin 2007, l’enseignant Bassirou Kassim Minta du Lycée Nanaïssa Santara et cinq patrons de presse avaient été écroués puis jugés suite à un devoir de philosophie portant sur une simple fiction.
Bourlaye Diallo, Malikilé