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Exploitation des enfants dans l’orpaillage et le coton au Mali : Des révélations accablant les décideurs publics

Lors de la dernière statistique élaborée le 6 décembre 2011, il a été noté qu’au moins 20.000 enfants travaillaient dans des mines d’or artisanales au Mali et cela dans des conditions extrêmement dures et dangereuses, avait déclaré Human Rights Watch. Même constat dans le secteur du coton où, notre pays figure en tête du classement Ouest-Africain. Des milliers d’enfants sont exploités dans des champs comme main d’œuvre bon marché. Bien qu’interdit par le code du travail en vigueur dans notre pays, le phénomène perdure de plus belle parfois sous le regard impuissant de l’Etat.

Le Mali reste l’un des pays d’Afrique où le taux de travail des enfants est le plus élevé, et où les progrès dans l’élargissement de l’accès à l’éducation de base sont les plus lents. La dernière enquête nationale sur le travail des enfants dans le pays estime qu’il y a plus de 2 millions d’enfants âgés de 5 à 14 ans astreints au travail des enfants. L’année 2021 a été déclarée par les Nations-unies années de lutte contre le travail des enfants. Au Mali, ils sont au moins 2 millions d’enfants à travailler dans plusieurs domaines tels que l’agriculture qui occupe au moins 80% des maliens en âge de travailler. Le taux d’enfants exploité dans les mines artisanales n’est pas officiel mais le constat est amer selon les différentes enquêtes menées sur le terrain. Avec une production de plus de 700.000 tonnes, l’or blanc du Mali emploie plus de la moitié des 80% du monde rural. Cependant, le travail des enfants est de plus en plus constaté dans les champs, toute chose qui nuit à leur scolarité. Le monde éducatif et les ONG tentent de ramener les élèves dans les classes à travers des campagnes de sensibilisation.

Enquêtes

A la frontière guinéenne, à 160 Km de Kita, la commune de Koulou comporte plusieurs hectares de champs de coton. La production de cette matière première dans cette localité est très élevée car elle est la deuxième après le maïs. Au moment des récoltes entre janvier et février, des centaines d’enfants occupent les champs. La plupart âgés entre 14 ans ou moins. Travaillant pour leurs familles respectives ou parfois payé à la tâche (remplissage d’un sac de 50 kg coutant 100F), ces enfants inondent les champs à perte de vue. Pour certains écoliers, on stoppe leur cours pendant la saison des récoltes pour les reprendre cinq mois plus tard. Un facteur qui freine nettement la progression des enfants scolarisés.

Interrogé sur la question, Adama Kamissoko, agriculteur  raconte : « pendant les récoltes, les enfants travaillent beaucoup dans les champs surtout quand il s’agit du coton. La récolte du coton est un travail très lent dans notre contrée. Une famille disposant de 4 hectares de coton sans assez de main d’œuvre ne finira jamais à temps, raison pour laquelle on fait appel aux enfants de gré ou de force. On leur donne chacun un petit sac qu’ils doivent remplir deux à trois fois par jour. Souvent certains enfants sont blessés par les tiges de coton » soutient-il. Toujours selon son témoignage, ‘’dans les familles où il n’y a pas assez de monde, les chefs de familles payent les mains d’œuvre pour leur culture. C’est dans ce cadre qu’on rencontre une mère et ses enfants travaillant dans des champs toute la journée sous un soleil ardent pour gagner de l’argent ». Une situation qu’il trouve déplorable ! Par ailleurs, Adama dira que ces femmes ont avoué ne pas avoir le choix quant à ce destin réservé à leurs enfants.

L’or, un autre secteur où les enfants par milliers travaillent dans des sites non protégés exposés aux aléas climatiques et à la toxicité des produits utilisés par les orpailleurs. Un tour dans la petite commune de Sollan située à 110 km de Kéniéba.

Mamadou Kané, ouvrier dans une mine artisanale raconte le calvaire des enfants sur les lieux. Selon lui, ils sont des centaines dans ce site et cela n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Dans son témoignage, il a laissé entendre que la plupart de ces enfants n’ont qu’entre 8 et 12 ans mais tous travaillent au même rythme que les adultes c’est-à-dire du matin au soir. « Ce qui est pire, c’est qu’ils sont exposés aux dangers. Sur notre site, aucun enfant n’a perdu la vie où n’a subi d’accidents graves mais parfois, nous avons échos des accidents dans lesquels les enfants sont impliqués » raconte notre témoin.

A la question de savoir si les autorités sont informées de ces abus, il dira que ce phénomène n’est nullement caché. « Ces enfants travaillent au vu et au su de tous. Tout le monde sait que les enfants sont exploités dans des sites d’orpaillages mais il n’y a jamais eu d’arrestation dans ce sens. » Raconte-t-il. En outre, tout comme dans les champs de coton, il dira que ces enfants n’ont pas de salaire car ils travaillent tous pour leurs familles ou parfois certaines familles font louer les services de leurs enfants contre une maigre rémunération. A noter que selon les estimations, entre 20 000 et 40 000 enfants travailleraient dans le secteur de l’exploitation aurifère artisanale (orpaillage) au Mali. La plupart commencent à travailler dès l’âge de six ans. Ces enfants sont soumis à quelques-unes des pires formes de travail des enfants, qui entraînent des blessures, une exposition à des produits chimiques toxiques, voire la mort. Ils creusent des puits et travaillent sous terre, extraient, transportent et concassent le minerai, et ils le lavent lors de l’opération de panage.

Faible implication des autorités

Selon la loi 189-14 du Code du travail, il est interdit d’employer les enfants de moins de 18 ans à des travaux excédant leurs forces, présentant des causes de danger ou qui, par leur nature et par les conditions dans lesquelles ils sont effectués, sont susceptibles de blesser leur moralité. Cette interdiction s’applique aux établissements agricoles, commerciaux ou industriels, publics ou privés, laïques ou religieux, même lorsque ces établissements ont un caractère d’enseignement professionnel ou de bienfaisance, y compris les entreprises familiales ou chez les particuliers.

En dépit de cette interdiction formelle émise par les autorités judiciaires, le phénomène continue de plus belle parfois au nez et à la barbe des autorités compétentes. Le constat est glaçant tant les conséquences pour les enfants concernés sont désastreuses.

Lutte contre ce fléau

La FAO œuvre depuis plusieurs années à un vaste programme qui vise à aider les États Membres à lutter contre le travail des enfants dans l’agriculture et à promouvoir le travail décent dans les zones rurales, a expliqué Modibo Touré, conseiller spécial de la FAO au Mali. Le travail des enfants dans l’agriculture est un problème mondial et une violation des droits de l’homme qui nuit aux enfants, perpétue la pauvreté rurale et porte préjudice au secteur agricole. L’Organisation des Nations Unies a proclamé 2021 Année internationale de l’élimination du travail des enfants, et la FAO est fière du travail de longue haleine qu’elle a entrepris avec ses partenaires en vue de s’attaquer aux causes profondes de ce problème.

Sur le plan national, le gouvernement du Mali a mis en place un cadre juridique sur le travail des enfants. Le Code du travail prévoit que l’âge minimum légal d’admission à l’emploi est de 15 ans. En outre, le gouvernement a établi une liste des formes dangereuses de travail qui sont interdites aux personnes de moins de 18 ans. Le Mali a également adopté un Plan d’action national pour l’élimination du travail des enfants (PANETEM).

Développé par la Cellule nationale de Lutte contre le Travail des Enfants et d’autres parties prenantes, le PANETEM a été adopté en juin 2011 et vise à éliminer les pires formes de travail des enfants au Mali en 2015 et toutes les formes de travail des enfants d’ici 2020. Il propose des mesures pour identifier et retirer les enfants employés dans les formes dangereuses de travail, les réinsérer dans l’éducation et la formation professionnelle, et soutenir les familles au moyen d’activités génératrices de revenus. La «Cellule nationale de lutte contre le travail des enfants» a été créée par la Loi n° 10050 du 23 décembre 2010. Elle mène des recherches pour obtenir des statistiques sur le travail des enfants et a développé la liste des formes dangereuses de travail des enfants.

Ahmadou Sékou Kanta

Source: L’Observatoire

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