Il a fallu que les partis politiques haussent le ton et bombent les muscles pour faire réfléchir le gouvernement à ne pas suivre les injonctions de ses thuriféraires qui lui demandaient d’attenter à la démocratie et à la République en dissolvant immédiatement les partis politiques.
Utilisant le subterfuge il a renoncé à la dissolution pour tenter l’abrogation de la charte des partis politiques. Si les deux concepts ne sont pas les mêmes, in fine, ils aboutissent au même résultat, à savoir mettre entre parenthèses la démocratie avec elle les partis politiques pour instaurer un régime totalitaire et anticonstitutionnel. Pour éviter la personnalisation du pouvoir et pour le respect de la Constitution de juillet 2023, les partis politiques et tous les démocrates doivent interpeller le CNT, la dernière étape d’une manœuvre démocraticide et anticonstitutionnelle tendant à abroger la Charte des partis politiques. Pour rappel le projet de loi passera devant le CNT, cet organe supplétif du gouvernement sur qui nul ne pourrait fonder le moindre espoir, en effet, après le projet de loi pris en conseil des ministres, le CNT est la prochaine étape pour adopter et voter la loi ou amender ou bien rejeter le projet de loi. Le CNT, censé être un haut lieu des débats démocratiques, trancherait- il pour sauver la Démocratie ?
Après plus de quatre ans de somnolence et de léthargie, les partis politiques ont désormais décidé de prendre leur destin en main et celui de la démocratie et de la République. Ils sont vent debout et n’entendent plus se laisser marcher dessus. Ayant eu échos de la volonté du gouvernement de dissoudre les partis politiques comme ce fut le cas au Burkina Faso et au Niger, les leaders des partis politiques ne sont pas passés par mille chemins pour s’opposer à ce projet qu’ils ont jugé démocraticide et anticonstitutionnel. Ils ont multiplié conférences de presse, point de presse et meeting pour dire non à la dissolution des partis politiques et surtout pour demander le respect de la Constitution. Ne dit-on pas que seule la lutte libère ? On peut affirmer sans risque de se tromper que leur lutte a porté fruit car le gouvernement a reculé d’un pas sans renoncer totalement à son projet, car en lieu et place de la dissolution, il a proposé au CNT un projet de loi abrogeant la Charte des partis politiques. A analyser de près, la démarcation entre la dissolution et l’abrogation est infime, car leur finalité demeure la même. La balle est désormais dans le camp du Conseil National de Transition, CNT, celui qui fait office d’organe législatif de la transition.
Que faut-il attendre du CNT ?
La réponse coule de source, car cet organe, au lieu d’être la bouche et l’oreille du peuple, s’est mué en supplétif du gouvernement en devenant sa caisse de résonnance. Sans oublier la récente violente et nauséabonde diatribe du Président de cette institution de transition contre la classe politique, pourrait-on réellement espérer sur un organe dont les membres venus de nulle part, ont été nommés sur la base de leurs affinités avec les princes du jour. Pourrait-on compter sur un organe dont certains de membres zélés font office de porte-parole du gouvernement, celui-là même qu’ils doivent contrôler et auquel ils doivent proposer. Pourrait-on avoir confiance en des conseillers du CNT qui se transforment en nervis pour empêcher la libre expression d’un droit constitutionnel qui est celui de manifester. Pour rappel certains membres du CNT étaient face au Palais de la Culture pour empêcher les militants des partis politiques d’exercer leurs droits de manifester. Nonobstant ces écueils, le CNT est interpellé pour donner vie à la démocratie et pour empêcher des dérives autoritaires aux conséquences gravissimes pour le Mali. Les Conseillers du CNT ont désormais du pain sur la planche. La préservation des acquis démocratiques, le respect de la Constitution, la sauvegarde de la République sont désormais entre leurs mains. Leur attitude déterminera l’avenir de notre démocratie. Ils doivent empêcher l’abrogation de la Charte des partis politiques pour préserver la paix sociale et épargner le pays des remous aux conséquences incommensurables. Pour ce faire une minutieuse lecture du projet de loi portant abrogation de la Charte des partis politiques est nécessaire, voire indispensable. Il sera demandé aux conseillers du CNT, à défaut de rejeter purement et simplement ce projet, ce qui serait l’idéal, d’amender, d’améliorer et de le rendre utilisable au grand bonheur du peuple malien qui n’aspire qu’à la démocratie et à la paix sociale, gages de stabilité. Tout autre stratagème pour plaire à l’exécutif serait synonyme de complicité et l’histoire et le peuple malien leur jugeront.
Les membres du CNT ont un rendez-vous important avec l’histoire, il leur revient d’écrire une page de cette histoire ou de trahir le peuple par leur complicité avérée avec l’exécutif
Youssouf Sissoko
Source : L’Alternance