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Essais cliniques des médicaments : Un passage obligé avant la mise en vente

Les produits thérapeutiques sont soumis à une série de tests, suivant une procédure rigoureusement scientifique. Notre pays en a les capacités. Mais pour l’instant, aucun test n’est entrepris sur un quelconque vaccin contre le coronavirus

La rumeur d’un éventuel essai clinique d’un vaccin contre le coronavirus a récemment fait souffler un vent de panique dans notre pays. Beaucoup de gens ont avalé facilement cette contrevérité. La fausse information a dû faire sourire les scientifiques, notamment les chercheurs qui savent que les essais cliniques partout dans le monde répondent à des procédures bien déterminées.
Il est clair que pour l’instant, il n’y a pas de traitement codifié contre le Covid-19, mais des essais cliniques sont en cours à l’échelle planétaire afin de riposter contre une épidémie partie de la Chine et déclarée pandémie par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
Dans notre pays, il n’y a pas d’essais cliniques pour le moment. Il est utile de préciser que nous avons les ressources nécessaires et les centres de recherche compétitifs pour le faire. Le Centre universitaire de recherche clinique (UCRC) représente un motif de fierté à cet effet. Cette structure de recherche, très performante, dispose de la technologie de pointe et du personnel, rompus aux méthodes de recherche. Elle a été créée en 2006 pour réaliser des tests de résistance aux antituberculeux (les médicaments contre la tuberculose). C’était à l’initiative conjointe des ministères de la Santé et des Affaires sociales, de l’Éducation, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche scientifique, mais aussi de l’Université des sciences, des techniques et des technologies de Bamako (USTTB), ainsi que des Instituts nationaux de la santé (NIH) des États-Unis à travers l’Institut national des allergies et des maladies infectieuses (NIAID).
Logé à la Faculté de médecine et d’odontostomatologie, le centre dispose de cinq unités de réalisation des observations et expériences scientifiques. Il s’agit du laboratoire P3 de mycobactériologie et des fièvres hémorragiques, du laboratoire d’immunologie (immuno coreLab), du laboratoire de biologie moléculaire, de celui de biologie clinique et d’une unité de recherche clinique.
Selon le directeur de l’UCRC et doyen de la Faculté de médecine et d’odontostomatologie, Pr Seydou Doumbia, nous avons la capacité de faire des essais cliniques sur le Covid-19, car tous les mécanismes sont sur place au Mali. Il a levé toutes équivoques sur les essais du vaccin contre le coronavirus dans notre pays. «Ils n’ont pas encore commencé», a-t-il expliqué. Des essais commandités par l’OMS sont en cours dans plusieurs pays. Mais ces essais se font sur des médicaments contre le virus de la pandémie et sur des vaccins qui sont en phase de développement.
Les essais sur les médicaments s’attachent à prouver leur efficacité à réduire la charge virale, d’induire ou de booster l’immunité pour lutter contre la maladie. Le scientifique de l’UCRC souligne que l’École de médecine d’alors a participé aux essais cliniques de l’ivermectine pour le traitement de l’onchocercose. Ces essais ont fortement contribué à la réduction voire à l’élimination de cette pathologie dans notre pays. C’était aussi le cas pour le paludisme, Ebola et bien d’autres. «Actuellement, nous participons à la lutte contre la pandémie en accentuant les efforts sur le diagnostic», a dit Pr Doumbia, tout en indiquant que le centre peut faire 60 tests par jour pour une capacité qui peut aller à 180 tests quotidiennement. Le centre accompagne le département en charge de la Santé avec l’élaboration des guides et avis scientifiques sur le Covid-19.
Les essais cliniques, rappelle le directeur de l’UCRC, sont soumis à un processus. Il faut tout d’abord un protocole qui soit approuvé par le comité d’éthique et avoir l’approbation du ministère en charge de la Santé. Le même département doit délivrer un permis permettant d’importer les médicaments à tester.
Avant de donner ce permis, le ministère fait évaluer toute la documentation. Il faut ensuite des infrastructures qui répondent aux normes internationales. «Nous devons participer à ces essais parce que les contextes ne sont pas les mêmes», a t-il souligné avant d’ajouter qu’il faut contextualiser chaque essai puisque les pays sont différents. Il est important qu’on mène des essais dans nos contextes et éviter qu’on soit des colonies qui reçoivent tout, a indiqué Pr Doumbia. «Nous avons des atouts et de l’expertise locale qui n’ont rien en envier aux experts d’ailleurs», a-t-il renchéri. Mieux, il pense que l’Afrique doit participer aux essais pour que la recherche sur ces médicaments puisse informer nos décideurs par rapport à leur efficacité.

DIFFÉRENTES ÉTAPES- Selon le directeur de l’UCRC, ce sont des essais des médicaments ou des produits qui ont pour objectif de déterminer la tolérance et l’efficacité des médicaments. Il a précisé que le produit peut non seulement être des médicaments, des vaccins mais aussi autres choses. Ces essais ont, en effet, une visée thérapeutique.
«Pour des essais cliniques, il faut passer par plusieurs étapes avant d’arriver à l’homme. Tout cela pour s’assurer  de la sécurité du médicament ou du vaccin. Ce sont des phases appelées précliniques qui se font chez l’animal comme les souris ou les chimpanzés. C’est lorsqu’il y a suffisamment de preuve et qu’on arrive à démontrer son efficacité  qu’il faut passer à la phase humaine. Cette phase comporte quatre étapes. La première a pour objectif de déterminer la tolérance aux médicaments», a expliqué Pr Seydou Doumbia. Il a précisé que c’est pendant cette phase que le médicament est donné à un petit groupe de volontaires, maximum 5 personnes dans des structures bien déterminées. Ce sont des personnes qui n’ont pas encore la maladie qui vont recevoir le médicament pour permettre d’évaluer la dose maximale. C’est pendant cette phase que la pharmaco-synectique est évaluée. Ceci permet d’évaluer la dose maximale acceptée, l’absorption ou l’élimination du médicament par l’organisme.
La deuxième phase se fait aussi sur un nombre limité, mais sur des personnes malades. Celle-ci permet de déterminer la posologie, de contrôler la tolérance et les effets secondaires. La troisième phase est réalisée sur un grand échantillon de malades et sur plusieurs sites. C’est après cette phase qu’on procède à la mise sur le marché du médicament. La 4è phase est celle de la mise en œuvre, notamment «la pharmacovigilance». C’est ce qui permet de détecter tous les effets secondaires qui n’ont pas été retrouvés lors de la mise du médicament sur le marché.
Après le suivi, si on découvre que le médicament peut entraîner des effets secondaires non connues comme les malformations congénitales, il peut être retiré du marché. Toujours dans l’essai, Pr Doumbia a souligné que le médicament test est toujours comparé à un médicament déjà existant. Par contre, s’il n’y a pas de médicament alors il est comparé à ce qu’on appelle le placebo. Ceci est comme le médicament, mais il n’a pas le principe actif.
Cette comparaison selon, le toubib permet d’avoir le vrai effet du médicament comparé à rien. Il ajoutera qu’il y a aussi les essais à «double insu». C’est une méthode qui consiste à donner un médicament de façon aléatoire. Celui qui donne ignore ce qu’il est en train  de donner, celui qui reçoit ignore également. Il a rappelé que les phases 1 et 2 ne se faisaient que dans les pays développés parce que l’Afrique ne disposait pas d’infrastructures. C’était seulement la phase 3 qui était effectuée sur notre continent.
Pour faire des essais cliniques, le directeur de l’UCRC dira que cela demande des infrastructures bien adaptées et du personnel bien formé pour conduire le protocole. C’est un protocole bien détaillé qui permet d’informer le patient sur tous les risques qu’il peut avoir. Il doit suivre tous les principes de l’éthique et être accepté par des comités d’éthique. Enfin, le scientifique a précisé que ces comités ont pour fonction d’examiner le protocole pour voir quels sont les bénéfices ou les risques pour la population. Ils doivent également s’assurer que les règles d’éthique sont respectées.

Fatoumata NAPHO

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