Les Etats-Unis ont une nouvelle fois subi lundi la bronca de pays européens visés par leur opérations d’espionnage, au moment où la dirigeante d’une puissante commission sénatoriale américaine annonçait un “réexamen” de telles pratiques.
Jour après jour, pays par pays, l’affaire est nourrie par de nouvelles révélations sur l’ampleur des mesures de surveillance des données électroniques par l’agence de sécurité nationale (NSA). Lundi, l’Espagne était en première ligne.
Selon le quotidien espagnol El Mundo, la NSA a récemment espionné plus de 60 millions d’appels téléphoniques en un mois en Espagne, qui s’ajouterait ainsi à la longue liste des pays européens espionnés, tels que la France et l’Allemagne.
“Ces pratiques, si elles sont avérées, sont inappropriées et inacceptables entre pays alliés et amis”, a réagi le ministère espagnol des Affaires étrangères, où a été convoqué lundi l’ambassadeur des Etats-Unis à Madrid.
Au cours de cet entretien, le secrétaire d’Etat espagnol pour l’Union européenne, Iñigo Mendez de Vigo, a “sommé les autorités des Etats-Unis de fournir toutes les informations nécessaires sur les écoutes supposées réalisées en Espagne”.
Pendant ce temps, une délégation du Parlement européen est arrivée pour trois jours aux Etats-Unis, pour des discussions portant sur “l’impact des programmes de surveillance sur les droits fondamentaux des citoyens de l’UE, en particulier le droit à la vie privée”.
Merkel écoutée depuis 2002
“Notre confiance est ébranlée”, a déclaré l’Allemand Elmar Brok, président de la commission des Affaires étrangères du Parlement européen, à l’issue d’une rencontre avec des élus américains. “Il n’est pas acceptable, par exemple, que la chancelière (allemande Angela) Merkel et d’autres aient été espionnés pendant plus de 10 ans”, a-t-il poursuivi.
La Maison Blanche a assuré pour sa part lundi que les opérations de surveillance devaient avoir pour but la sécurité des Américains, et démenti que les activités de la NSA aient eu des visées de renseignement économique.
“Il nous faut aussi faire en sorte que nos ressources de renseignement soient consacrées à soutenir notre politique étrangère et nos objectifs de sécurité nationale, que nous estimions les coûts et les bénéfices de nos activités, et que nous nous concentrions avant tout sur les menaces contre les Américains”, a déclaré le porte-parole de l’exécutif américain, Jay Carney.
Choc en Allemagne
La dirigeante de la puissante commission du Renseignement du Sénat américain, Dianne Feinstein, est allé plus loin en annonçant le lancement d'”un réexamen majeur” des opérations américaines d’espionnage.
“En ce qui concerne la collecte de renseignement sur les dirigeants des alliés des Etats-Unis –dont la France, l’Espagne, le Mexique et l’Allemagne– je le dis sans équivoque: j’y suis farouchement opposée”, a affirmé Mme Feinstein, alliée politique du président Obama.
Selon un document présenté comme émanant de l’ex-analyste de la NSA en fuite Edward Snowden, reproduit lundi par El Mundo, cette agence a “espionné 60.506.610 appels téléphoniques” en Espagne entre le 10 décembre 2012 et le 8 janvier 2013.
“L’ami écoute”
Vendredi déjà, le journal El Pais affirmait que la NSA avait espionné des responsables espagnols, dont l’ancien Premier ministre socialiste José Luis Rodriguez Zapatero.
En Allemagne, où les révélations sur l’espionnage présumé d’un téléphone portable de la chancelière ont créé un choc, les députés se réuniront le 18 novembre en séance extraordinaire pour discuter de cette affaire.
Le magazine Der Spiegel, qui avait révélé les soupçons du gouvernement fédéral à cet égard, a fait de nouvelles révélations ce week-end, écrivant que Mme Merkel était en fait écoutée depuis 2002, soit avant même qu’elle ne devienne chancelière (2005) et lorsque George W. Bush était à la Maison Blanche.
Der Spiegel a en outre assuré que le président Barack Obama était au courant depuis 2010 de ce programme d’écoute. Dans un communiqué envoyé dimanche soir à l’AFP à Washington, la NSA a démenti ces dernières accusations.
Lundi, le Wall Street Journal affirmait quant à lui que les Etats-Unis avaient mis fin aux écoutes de la chancelière et d’autres dirigeants étrangers après que Barack Obama eut appris l’existence d’un tel programme. M. Carney a refusé de commenter ces informations.
Pour le moment, l’Allemagne compte envoyer cette semaine aux Etats-Unis une délégation de hauts représentants de ses services de renseignement afin d'”avancer dans les discussions avec la Maison blanche et la NSA sur les allégations récemment évoquées”, selon le porte-parole adjoint de la chancelière, Georg Streiter.
SOURCE:AFP