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Entretien avec Nancoma Keita : « IBK a été trahi par certains de ses collaborateurs »

Dans l’entretien qu’il nous a accordé, l’ancien  ministre Nancoma Kéita, secrétaire  politique du RPM et secrétaire exécutif de la Mouvance présidentielle, parle, sans fard, de ses relations avec IBK, de la gestion du régime, de la crise Mali-FMI, de celle du nord et d’autres sujets brûlants de l’actualité.

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Quelle est la situation actuelle de votre parti, le RPM, en termes de députés, de maires et de conseillers ?

 

Aujourd’hui, le parti à une présence assez confortable à l’Assemblée avec 75 à 80 députés, selon les sensibilités. A la base, nous sommes en train de renouveler les structures dans la perspective du congrès. Plusieurs sections et sous-sections ont déjà été mises en place. Nous avons 900 à 1000 conseillers à travers le pays. Nous n’avons pas à nous plaindre de notre représentativité sur l’échiquier politique.

 

Pourquoi le parti n’a-t-il pas présenté de candidat aux législatives partielles de Yorosso, région de Sikasso ?

 

Cela relève plus de l’éthique que du jeu politique.  Le député sortant a été arraché à notre affection; il appartenait à une famille politique (l’ADEMA). Il n’est écrit nulle part que nous devions renoncer à présenter un candidat mais des données socio-cultuelles nous l’ont imposé. Un député en moins ou en plus pour le RPM ne dérangeait pas outre mesure le parti. Politiquement, nous ne voulions pas exploiter la mort d’un élu ami. Les autres partis auraient pu faire comme nous, mais ils ne violent pas non plus le jeu politique en présentant des candidats.

 

Le RPM est-il satisfait de la composition de l’actuel gouvernement ?

 

Le RPM ne peut pas en être mécontent car, historiquement, il n’a jamais eu autant de ministres. Le parti a aujourd’hui 10 ministres; donc, il n’a aucune raison de croire qu’il n’est pas bien servi.

 

Et les bruits qui courent sur une tentative d’éviction du Premier Ministre Mara par le RPM?

 

Le président IBK a fait confiance à un citoyen pour mener à bien la mission dont le peuple l’a investi. Nous, au RPM, nous avons l’obligation de soutenir ce choix, sous réserve qu’il réponde à l’attente que les Maliens ont de la gestion de la chose publique. Ce n’est pas nous qui devons combattre le Premier Ministre. Il y a des subtilités d’appréciation qui peuvent faire dire à certains que le RPM est dans une logique de déstabilisation du Premier Ministre. Mais en réalité, quel intérêt le RPM aurait-il à déstabiliser le Premier Ministre ? On ne peut souscrire à la politique d’un homme et combattre les stratégies mises en place par cet homme pour mener à bien sa politique ! Toutefois, quoique membre de la majorité, le RPM n’est dans une position de suiviste: il s’assume. Les gens qui pensent qu’en s’assumant le RPM veut déstabiliser Mara, cela n’engage qu’eux ! Notre but, c’est de collaborer en vérité avec le Premier Ministre.

 

Vous avez toujours représenté le RPM dans les gouvernements précédents; pourquoi ne figurez-vous donc pas dans les différents gouvernements nommés par IBK?

 

Pourquoi croire que quelqu’un qui a été déjà ministre doit forcément le rester ? Nous sommes 14 millions de Maliens. Personne ne se désigne ministre; c’est quelqu’un d’autre qui vous nomme suivant des critères objectifs que tout le monde peut constater, mais aussi d’autres critères qui relèvent de la discrétion de celui qui choisit. Le président IBK a ses critères. Il faut laisser le temps au temps et éviter les supputations. Tout le monde ne pas être dans le gouvernement et on peut défendre des valeurs du président sans être ministre.

 

On vous dit en froid avec le président…

 

Ceux qui le pensent ne sont pas bien informés. Il n’ y a aucun froid entre le président et moi. Il faut tenir compte des réalités du moment. Au moment, où, il n’était pas investi de ses grands pouvoirs, j’entrais chez lui comme dans ma maison. Aujourd’hui, j’ai conscience que le président a un agenda très chargé et qu’il est entouré d’un dispositif sécuritaire très important. Pour ces raisons, je ne peux pas me permettre de venir tout le temps me blottir à sa porte dans l’espoir de le rencontrer. Les nouvelles technologies aidant (email, téléphone, etc.), nous gérons beaucoup de choses à distance. Je n’ai pas besoin  de venir passer la journée devant le domicile présidentiel et m’entendre dire que le président n’est pas en mesure de me recevoir.

 

Quel jugement faites-vous de l’an 1 d’IBK ?

 

Cette première année a été marquée par une gestion très difficile à cause de la crise qui est imposé au Mali depuis quelques années. Très difficile, parce que l’environnement politique n’était pas serein après une Transition tumultueuse. Le président IBK a bénéficié d’un plébiscite car les dégâts à réparer étaient très importants. Il ne doit pas se laisser chanter, mais toujours se demander s’il est en phase avec ses objectifs et les attentes du peuple.

 

Lorsque la Mouvance Présidentielle demande à IBK de se débarrasser de certains de ses collaborateurs, à qui fait-elle allusion ?

 

Nous n’avons pas à citer des noms. Quand les institutions de Bretton Woods critiquent un pays, c’est au nom de certaines règles d’orthodoxie et de certains intérêts. Quand des institutions nationales de contrôle émettent un avis, publié et lu par l’opinion publique, on se fait une idée. Objectivement, chacun doit s’en tenir à la lecture du rapport des institutions de contrôle et nous n’avons pas à désigner des individus à sanctionner. Aujourd’hui, IBK récolte les fruits de son parcours politique impressionnant; il a été desservi, dans sa volonté de servir le Mali, par des  gens dans lesquels il avait placé sa confiance; ils n’ont pas été transparents avec lui. Je le répète, nous n’avons pas à donner des noms, mais les fonctions autour desquels les critiques se sont cristallisées doivent être revues par qui de droit pour sauvegarder l’essentiel pour notre pays. Nos déclarations avaient pour seul but d’être en communion avec le président IBK. Nous n’avons pas échangé avec les autorités pour savoir leur vérité, mais nous avons présumé objectifs les rapports établis par des institutions assermentées. Le président a été victime d’un abus de confiance; il faut qu’il prenne des mesures contre tous ceux qui ont fauté.

 

Que propose le RPM au sujet du nord ?

 

Depuis 2005, le point de vue du RPM n’a pas varié sur ce sujet. Aujourd’hui, les problèmes se sont amplifiés et mettent en danger le pays. Les armes ne suffiront plus à rétablir l’ordre au nord. L’application de nos lois ne doit pas nous empêcher d’interroger nos relations culturelles. Il faut impliquer les institutions et toutes les communautés pour qu’au nom de l’unité nationale, chacun livre ses appréciations. Par manque de communication et de relations suivies entre communautés du nord et du sud, il y a eu des quiproquos. La solution du problème du nord ne consiste pas seulement à se fonder sur l’insuffisance de développement économique et social. En effet, les autres localités maliennes ne sont pas mieux loties. A Kéniéba par exemple, le Mali exploite de l’or depuis des lustres, mais il n’y a ni routes, ni électricité, ni assez d’écoles: pis, l’eau polluée de cyanure circule dans les agglomérations sans qu’aucune mesure de protection soit prise en faveur des populations. La question de Kidal est à la portée du Mali, quelle que soit sa complexité. Avec les efforts conjugués de tous les pans de la société et l’accompagnement des médiateurs, le Mali peut mettre fin à la crise. Ce que le Mali vit aujourd’hui se vit dans d’autres pays comme l’Ukraine; de même, le cas Corse, en France, n’est pas réglé.

 

Le pouvoir est accusé d’être trop proche des religieux…

 

Je ne partage pas ce point de vue. Ce sont les religieux plutôt qui s’intéressent à la vie politique. Quel que soit celui qui est au pouvoir, il sera accusé d’être proche des religieux. Aujourd’hui, les religieux forment des groupes organisés au sein desquels la communication passe bien. Comme ils ne se contredisent pas sur les questions de fond, on a l’impresse, quand ils prennent fait et fait pour une idée politique, que la politique se sert d’eux. En fait, c’est la religion qui est en train de devenir démocratique et se rapproche de la politique. Les religieux deviennent des partenaires stratégiques des hommes politiques. Cela peut contribuer à sauver la République.

 

Comment avez-vous ressenti la récente bagarre entre le député de Ouélessébougou et le juge de cette localité?

 

Avec beaucoup d’amertume. Pour la simple raison qu’elle mettait aux prises deux importantes institutions de la République qui, d’ailleurs, constituent le socle de notre démocratie. Dans ce conflit, personne ne gagne.   A un moment ou un autre, le président de la République, première institution,  aurait été obligé de trancher; mais comment vous voulez-vous qu’il choisisse entre deux institutions ? Pour en revenir aux faits, le magistrat était dans son bureau, c’est vrai; mais sachant que la procédure à suivre dépendait de ses pairs, il n’avait pas à s’adresser hâtivement à la presse. Moi, je préfère renvoyer tout le monde à l’histoire du prophète Youssouf et de la femme du roi. On nous a dit que le juge était blessé à la main et le député au visage. Dieu est le seul témoin des faits. Au-delà, il est regrettable que deux représentants de la nation n’aient pas pu se retenir. La loi est faite de telle sorte qu’on puisse se passer d’elle car la même Constitution qui parle de flagrant délit dit aussi que l’Assemblée Nationale peut demander la suspension des poursuites. Si ceux qui appliquent la loi ne peuvent pas comprendre cela, alors la République n’est pas en sécurité. J’estime qu’il faut privilégier la médiation dans ce dossier.

 

Que pensez-vous de la presse malienne ?

 

La presse à le devoir de la restituer le vécu quotidien. Elle ne doit pas jouer le jeu de l’opposition, ni celui de la majorité. L’opposition est une chance car sans elle, on ne pourrait jamais connaître les qualités de la démocratie. Elle est dans son rôle lorsqu’elle dénonce les erreurs du pouvoir. Le devoir de la majorité est de poser des bons actes, même en prenant des risques, l’essentiel étant d’être de bonne foi.

Source: Autre presse

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