Ce nom Aminata Pédro Kouyaté ne vous évoque certainement pas grand-chose. Et pourtant, il devrait car il s’agit du vrai nom de « Awa » ou encore « Amion ka Awa » dans la célèbre série télévisée « Walaha » du réalisateur Djibril Kouyaté, dans laquelle elle joue avec virtuosité le rôle de la femme méchante. Au-delà du cinéma qui l’a révélée au monde, Aminata est une styliste connue au Mali et à l’étranger pour son esprit créatif. Elle est la promotrice de la marque Mimi Pédro. Fille de l’ancien publicitaire de l’Ortm, Pédro Mamadi Kouyaté, Mimi Pédro a été mannequin pendant 7 ans avant de faire le saut dans la mode et le cinéma. Dans un entretien qu’elle a bien voulu nous accorder, Aminata revient sur sa carrière dans ces différents domaines. Elle nous parle aussi de Kana masque, une marque de masques lancée en guise de contribution à la lutte contre la Covid-19.
Aujourd’hui-Mali : comment êtes-vous devenue styliste ?
Mimi Pédro : Je dirais que mon arrivée dans le cinéma est un fait du hasard car rien de tout ça n’était prévu dans ma vie. J’ai été mannequin pendant 7 ans et c’est ma toute première sortie internationale en tant que mannequin qui m’a ouvert la porte du Cinéma. C’était en 1998, quand nous avons représenté le Mali au festival de mode du nom d’Africa Nova en Côte d’Ivoire. J’étais avec la Miss Ortm à l’époque, Adiaratou Nènè Tall et Mama Camara. Nous avons pu remporter le deuxième prix du festival et à notre retour au Mali, nous avons été accueillies sur le plateau de l’Ortm dans l’émission Samedi Loisirs, alors présentée par Adama Kouyaté.
A notre arrivée à la télé pour l’émission, nous avons remarqué que le réalisateur et scénariste de ma future série Walaha, feu Djibril Kouyaté, et son équipe, nous y attendaient. Il était à la recherche de personnages pour son film. Il s’était donné comme défi de ne pas figurer des têtes connues dans son film. Donc il lui fallait trouver de nouveaux oiseux rares, selon lui. Le réalisateur avait été attiré par le feeling des mannequins de notre agence qui s’appelait Agence Déesse, la toute première agence de mannequinat au Mali créée par Vieux Sambou Fané. Pour cette présentation de prix, l’agence nous avait fait accompagner à l’Ortm par une vingtaine de filles mannequins. L’occasion était donc bonne pour le réalisateur de faire ses choix. Après notre émission, il a pris nos contacts.
Quelques jours plus tard, il appelle chez nous sur le téléphone car à l’époque il y’avait pas de portable, mais j’étais à ma boutique de produits de beauté. Informé de cela, il a envoyé le chauffeur de l’Ortm me chercher pour le casting. Après ma prestation, j’ai été ovationnée et le réalisateur n’a pu retenir ses larmes de joie. Il venait, enfin, de trouver le personnage idéal pour le rôle d’Awa la femme méchante de sa série, celle qu’il cherchait depuis une semaine. En plus de Walaha, j’ai joué dans plusieurs autres films comme Kokadjè et le Duel à Daffa.
Peut-on savoir comment vous êtes devenue mannequin ?
De nature, j’aime être coquette. Je m’habillais bien et généralement je créais mes propres modèles. Et beaucoup de personnes m’ont dit que je pouvais faire du mannequinat. J’avais un teint naturel noir et une grande taille. Les gens me disaient que j’avais tout pour faire carrière dans le mannequinat. Certains m’ont proposée d’aller à l’Agence Déesse chez Vieux Sambou Fané. L’idée m’a plu et j’ai suivi leurs conseils. Quand je me suis présentée pour le casting, j’ai été retenue pour la première fois. Mais j’avoue que le début n’a pas été facile pour moi. Il a fallu que je me batte pour gagner ma place. Je dirais que rien n’est facile dans la vie et quand nous on commençait le mannequinat, on nous voyait comme des prostituées donc on avait beaucoup de choses à gérer. Mais tout cela ne m’a pas empêchée de suivre mon chemin dans le mannequinat qui était devenu une passion pour moi. Je me rappelle encore de mon tout premier défilé à l’Ambassade de France où notre agence était invitée pour une soirée. On n’avait défilé en tenue traditionnelle. C’était incroyable pour moi.
Pouvez-vous nous parler un peu de créations de Mimi Pédro ?
Mon combat en tant que styliste a toujours été la promotion du textile malien, à ma manière. Dans cette lutte, j’ai habillé beaucoup d’artistes maliens comme Doussou Bagayako, Baou Tounkara, Cheick Tidiane Seck, les choristes de Tounkagouna et de Salif Keita, entre autres. Dans mes créations, j’utilise le bogolan, les tissus traditionnels maliens, le pagne tissé, le pagne dogon, le lin touareg, entre autres. Je touche également à des tissus traditionnels importés comme le pagne Baoulé de la Côte d’Ivoire et des tissus du Ghana.
Nous sommes en pleine période de pandémie liée au coronavirus, alors dites-nous ce que vous apportez ou comptez apporte à cette lutte contre la Covid-19 en tant que styliste ?
En tant que styliste, j’essaie d’apporter ma modeste contribution à cette lutte à travers ma marque de masques dénommée « Kana masque ». Le mot Kana veut dire protection en français. Le masque est conçu à base du textile de la Comatex, c’est du coton pur. Avant de trouver le nom, nous avons consulté plusieurs couches de la société, à savoir les médecins, les hommes de culture, les porteurs d’uniforme, les enseignants, entre autres.
Et après trois jours d’exerce, nous avons constaté que le mot Kana apparaissait dans 12 réponses sur 14 candidats et la meilleure appellation, Kana masque, a été délivrée par le colonel Nèma Sagara comme personne ressources.
L’objectif de cette initiative de démarcher les Maliens était de faire en sorte que le masque soit adapté à nos réalités. C’était pour avoir l’opinion des maliens dans la conception des masques pour répondre à leur besoin. Chez Kana Maques, il y a différentes catégories de masques, à savoir le XXL, XL, S et la taille minime. Ce qui démarque Kana masque des autres, c’est d’abord le style. J’ai essayé de cacher les côtés pandémie du masque. Il est aussi lavable. Je veux dire aux gens qu’on peut se protéger avec son masque en étant coquet. Il y a le tissage et la légèreté à prendre en compte aussi chez Kana masque. Il est léger et ne dérange pas la respiration. Le prix unitaire détaillant est à 500 francs Cfa et le prix en gros est fixé à 450 francs Cfa à partir de 200 pièces et la livraison se fait partout à Bamako.
Beaucoup de Maliens vous ont pris pour cible suite à votre rôle de « femme méchante » dans la série « Walaha ». Comment avez- vous vécu ce regard de la société malienne ?
La série Walaha m’a ouvert beaucoup de portes. Elle m’a donné le respect et la visibilité. Quand on arrive à se mettre dans la peau du personnage que nous incarnons dans un film, cela veut dire que nous avons gagné. Je suis fière de réussir mon rôle d’Awa dans cette série. Le cinéma, c’est pour transmettre des messages, éveiller des consciences et marquer les esprits. Je pense que nous avons réussi cela avec la série Walaha. J’ai été agressée physiquement et verbalement suite à mon rôle dans cette série. C’est dommage que certains Maliens ne comprennent pas que le cinéma est juste l’interprétation d’un rôle et que ce n’est pas forcément notre caractère. Par contre, il y a beaucoup qui ont compris car il y a des personnes qui me demandent en ville pourquoi j’ai arrêté le cinéma ? Mais je n’ai pas arrêté. Si j’ai l’occasion de revenir sur la scène, je le ferai. Et si le rôle de Awa est à refaire, je le referai.
Quel regard portez-vous aujourd’hui sur le monde de la mode au Mali ?
Un regard positif. Je suis présidente de jury dans plusieurs évènements de la mode au Mali et je constate à chaque fois que les jeunes stylistes maliens ont du talent et ils osent. Pour réussir dans la mode, il faut d’abord oser. En plus, ils valorisent le tissu traditionnel malien. Cependant, ce qui handicape le domaine, c’est qu’il ne bénéficie pas de l’accompagnement des autorités, contrairement à d’autres pays de la sous-région. Je suis sure que quand les stylistes maliens auront de l’accompagnement politique, ils pourront faire beaucoup de belles choses encore. N’oubliez pas que la mode est une industrie qui peut contribuer au développement d’un pays.
Quels sont vos projets ?
J’ai toujours des projets de créations, mais vous verrez au moment opportun. Mon autre projet qui me tient vraiment à cœur actuellement c’est mon livre. Je suis sur un livre autobiographique, c’est-à-dire un livre sur ma vie que je compte immortaliser. Un livre qui pourrait aider les cinéastes dans l’avenir.
Un message à l’endroit des Maliens par rapport à la lutte contre le Covid-19 ?
Je crois qu’au Mali, nous avons dépassé l’aspect « je crois et je ne crois pas au coronavirus » car il y a eu des morts et ce sont des Maliens. Donc, je demande à chacun d’être le soldat contre cette pandémie. A chaque guerre ses guerriers et ses soldats. Nous pouvons ensemble combattre cette pandémie en respectant les mesures-barrières.
Réalisée par Youssouf KONE
Source: Aujourd’hui Mali