Ce jour 22 mars porte la marque de deux importants événements de l’histoire politique du Mali post indépendance. Deux événements à ne pas comparer. « Comparaison n’est pas raison », dit-on souvent. Le dénominateur commun de ces deux événements est leur appartenance au registre très sombre de ce passé mouvementé.
Le vendredi 22 mars 1991 appelé « vendredi noir », de nombreux jeunes gens tombaient sous les balles de la soldatesque du régime dictatorial du général Moussa Traoré. Quatre jours après cette tragédie, le général Moussa Traoré et ses compagnons étaient arrêtés par le lieutenant-colonel Amadou Toumani Touré alias ATT. Ainsi, l’aile républicaine de l’armée parachevait l’insurrection populaire née du refus du Secrétaire général du parti unique, l’Union Démocratique du Peuple Malien (UDPM), de procéder à l’ouverture démocratique. En hommage aux martyrs du vendredi noir, une marche funèbre est organisée chaque année par les acteurs du mouvement démocratique afin de rappeler que de nombreuses victimes de la répression du « grand républicain » reposent quelque part à Niaréla, dans le « Carré des martyrs ».
Du fond de leurs tombes, ces victimes qui ont offert leurs poitrines aux balles d’un régime corrompu, étaient loin d’imaginer que leur idéal serait perverti par une poignée d’individus qui n’a jamais hésité à construire un ilot de bonheur dans un océan de désespoir.
Sans aucun doute, la victoire des martyrs du 22 mars 1991 et jours suivants, a été volée avec la complicité du peuple. Le pays se développe pour une minorité qui tourne au sommet de l’Etat. Au même moment, l’écrasante majorité baigne dans une misère noire avec comme lot quotidien la précarité, le chômage et autres travers. Présentée comme un remède aux maux du pays, la démocratie a donné naissance à une véritable oligarchie, des générations spontanées de milliardaires dont la seule attache est leur cordon ombilical avec les deniers publics.
La gestion mafieuse et clanique des affaires publiques exacerbée après la chute du dictateur, a exposé le Mali à tous les risques devenant une proie facile pour les prédateurs de tout acabit. C’est pourquoi, 21 ans après le « vendredi noir », la République des menteurs, des voleurs et des corrompus s’est écroulée comme un château de cartes le 22 mars 2012 sous les coups de canon des mutins de Kati dirigés par un illustre inconnu du nom du capitaine Amadou Haya Sanogo. Dans une démocratie exemplaire vantée à travers le monde, peu de gens pouvaient croire qu’un général de corps d’armée, de surcroit Président de la République, fuirait son palais dans des conditions mystérieuses pour échapper aux petits soldats dont le plus haut gradé était un capitaine. Ce coup de force militaire qui a mis à nu le mensonge de plusieurs années, a précipité la descente aux enfers du Mali avec l’occupation des 2/3 du territoire national par une horde de forces obscurantistes. Les cris de joie aux premières heures de l’opération Serval ont vite cédé la place à un désespoir total.
Ceux qui ont encore le moindre doute sur la mise sous tutelle internationale de notre pays, doivent se rendre à l’évidence, vu toutes les tracasseries qui ont entouré la visite que le Premier ministre, Soumeylou Boubèye Maïga, doit entreprendre à partir de ce jeudi 22 mars dans la région de Kidal. Tout se passe comme si certains magiciens ou apprentis sorciers guidés par la sauvegarde de leurs petits intérêts veulent nier l’évidence de la gravité de la situation en tentant de cacher le soleil avec leur doigt.
Chiaka Doumbia
Source : Le Challenger