Le 12 octobre, la Cour Constitutionnelle a rendu un avis favorable à la prorogation pour six mois du mandat des députés à l’Assemblée nationale du Mali suite à une saisine du Président du Parlement, l’honorable Issaka Sidibé. Aussitôt, l’avis a été publié au Journal Officiel du Secrétariat général du gouvernement. La prochaine étape va consister en la prise d’une loi organique en conseil des ministres pour la soumettre à l’Assemblée Nationale. Les préparatifs des élections législatives sont donc suspendus. En termes clairs, le gouvernement du Premier ministre Soumeylou Boubèye Maïga n’est pas en mesure d’organiser les élections des députés à l’Assemblée Nationale.
L’avis de la Cour Constitutionnelle, qui n’a aucune valeur juridique contraignante, faut-il le rappeler, passe difficilement au sein de l’opinion. Le parti Yèlèma Le Changement de l’ancien Premier ministre Moussa Mara, la Convergence pour le Développement du Mali (Codem) de Housseini Amion Guindo ont fait part de leur ferme opposition à cette initiative. On peut ainsi tirer plusieurs leçons de ce report controversé des législatives.
Première leçon : le Premier ministre a péché en optant pour une démarche qui a exclu en amont toute concertation avec les forces politiques et la société civile. Sa démarche unilatérale est en train de produire des conséquences. La prorogation du mandat, qui signe de facto le report des législatives, semble être perçue comme un deal entre le gouvernement, l’Assemblée nationale et la Cour Constitutionnelle. La visite du chef du gouvernement au siège de l’EPM, le 8 octobre dernier, a révélé au monde entier que la principale force de soutien au chef de l’Etat et à son gouvernement n’a guère été associée à la démarche. Pourquoi le gouvernement a-t-elle refusé de chercher un consensus autour de cette question ?
Deuxième leçon : la Cour s’est encore discréditée. En début septembre, la même institution avait, dans un autre avis, opposé une fin de non-recevoir à la requête du Premier ministre, chef du gouvernement, qui demandait une prorogation de neuf (9) mois de la Vème législature. Deux avis contraires en l’espace de quelques semaines sur la même question. Avec cette décision, l’institution est devenue une girouette. Sa décision donne raison aux gens qui n’ont cessé de remettre en cause sa partialité et qui pensent qu’elle n’est digne d’aucune confiance. Des acteurs politiques et de la société civile sont fondés à réclamer la dissolution pure et simple d’une institution qui dit une chose et son contraire en un laps de temps assez court.
Troisième leçon : le collectif des neuf candidats obtient le report mais pas les concertations. Le collectif est-il tombé dans le piège du gouvernement ? Où c’est plutôt le gouvernement qui est tombé dans le piège de ce collectif qu’on soupçonne de recourir à la rue pour empêcher le Président IBK de gouverner ? La conférence de presse du Front pour la Sauvegarde de la Démocratie (FSD) prévue ce jeudi 18 octobre 2018 nous permettra de connaître la position de ce regroupement.
En manœuvrant pour obtenir la caution de la Cour Constitutionnelle sur la prorogation du mandat des députés, le Président de la République et son Premier ministre ont manqué de courage politique. Ce n’est pas une Assemblée nationale illégitime et illégale qui peut statuer sur des réformes aussi importantes que la révision de la Constitution et le découpage territorial. Il est alors illusoire de croire qu’un pouvoir à la légitimité fortement contestée, puisse procéder à des réformes dans un tel contexte. L’absence de consensus politique autour du mandat des députés prépare le nid à une autre contestation dont personne ne peut prédire la forme et l’ampleur. Bonjour les temps de braise si le Président de la République et son Premier ministre continuent de fermer les yeux et de boucher les oreilles. Il faut avoir le courage de poser les vrais problèmes et les résoudre. C’est ce qui manque le plus dans ce pays, surtout sous IBK et SBM.
Par Chiaka Doumbia
Le challenger