A quatre mois et 28 jours du 1er tour de l’élection présidentielle, le Président de la République, Ibrahim Boubacar Kéïta, maintient un mystère total sur sa candidature à un second mandat. Après Koutiala où l’annonce n’a pas été faite, tous les regards sont fixés maintenant sur la cérémonie d’inauguration de l’échangeur de Ségou. L’appel des entités du Rassemblement pour le Mali (RPM) et d’autres associations pour une candidature de celui que l’on appelle le président fondateur, inonde les médias publics. Le Président sortant est le piège des pressions.
Le Takokélé ou la victoire dès le 1er tour est plus que difficile dans ces conditions en dépit d’importants moyens dont dispose l’équipe sortante. Déjà, une large partie de l’opinion estime que ce qui n’a pas pu être réalisé en 2013 avec la grande ferveur populaire autour de l’homme, ne peut l’être en 2018. A l’heure actuelle, le Président Kéïta ne dispose pas de ressort politique solide pouvant lui permettre de résister à un tsunami postélectoral.
A l’exception de quelques formations politiques (RPM, RDR, PS Yelen Coura, ASMA CFP), ils sont nombreux les membres de la Convention de la majorité présidentielle à mettre en délibéré, pour une date ultérieure, l’annonce de leur soutien à la candidature du Président sortant, présenté comme le porte-étendard naturel de la majorité. Il s’agit là visiblement des signes prouvant que les cadres politiques ne se sentent pas du tout rassurés par le Chef de l’Etat. S’ils ne le disent pas officiellement, certains leaders de la majorité présidentielle estiment que le Président ne leur accorde pas autant d’importance qu’aux leaders religieux. Ce sentiment est accentué par le fait que ces partis se voient concurrencer par des mouvements créés pour soutenir la candidature d’IBK.
La visite le week-end dernier du Premier ministre Soumeylou Maïga au siège de l’ADEMA-Pasj, n’a pas permis de voir clair dans la direction que prendra une éventuelle décision sur le cas de ce parti au sein duquel les soutiens à la candidature du Président IBK ont été mis en minorité, même s’ils ne se sont pas résolus à déposer définitivement les armes. Le Président de la République et son Premier ministre ne souhaitent pas mettre sur leur dos un allié comme l’ADEMA dont le soutien peut être décisif en cas de second tour. Ils pensaient, peut-être, que le maintien des quatre ministres ADEMA au sein de l’équipe gouvernementale fragiliserait davantage les abeilles. Cela peut être un couteau à double-tranchant.
Dans les conditions actuelles, c’est le Président IBK qui se trouve dans l’obligation de courtiser ses alliés dont certains se font désirer. Cela est presque inédit. En 1997, le boycott du Collectif des partis politiques de l’opposition (COPPO) avait mis le Président Alpha Oumar Konaré dans une situation démocratiquement confortable, c’était la ruée vers le général Président Amadou Toumani Touré. D’ailleurs, ce sont les actions de certains leaders politiques comme l’actuel Chef de l’Etat IBK, Tiébilé Dramé du Parena, Blaise Sangaré de la CDS-Mogotiguiya et Soumeylou Boubèye Maïga de la convergence 2007, qui ont permis de sauver la démocratie.
Dans la réponse du Président IBK à une question posée par les journalistes du « Monde Afrique » relative à l’intention prêtée à son homologue français sur sa candidature, on sentait un certain agacement. S’il ne fait l’ombre d’aucun doute que le Président Kéïta a perdu l’estime de certains milieux occidentaux, il serait exagéré de présenter l’homme sous la bannière d’anti-français. Les pressions internationales qui viseraient à amener le Président IBK à se retirer de la course peuvent difficilement être exploitées par ses supporteurs comme argument de campagne afin de mobiliser les électeurs. L’homme, il faut le reconnaître, avait haussé le ton aux premières heures de son quinquennat, mais il a vite été freiné par les révélations d’affaires douteuses qui planent encore sur sa tête et celles de certains de ses proches.
En un mot, IBK est tenu par la France et doit se préparer avec son entourage, à vivre encore plus d’ « IBK-phobie » sur la scène internationale. Et probablement avec des conséquences sur le Mali.
Par Chiaka Doumbia
Par Le Challenger