La Chambre d’accusation de la Cour d’Appel de Bamako a annulé la procédure de l’affaire dite de déstabilisation des institutions de la Transition. Elle a ordonné par la même occasion la remise en liberté des personnes inculpées. Cette décision devrait ouvrir la voie à la remise en liberté de Mahamadou Koné, Trésorier payeur-général ; Vital Robert Diop, Directeur général de la Société du Pari Mutuel Urbain (PMU-Mali) ; Aguibou Macky Tall, Directeur général-adjoint de l’Agence de gestion du Fonds d’accès universel (AGEFAU) ; Youssouf Mohamed Bathily dit Ras Bath, chroniqueur-radio, placés en détention provisoire, depuis le 30 décembre 2020, par un juge d’instruction «pour complot contre le gouvernement, d’associations de malfaiteurs, d’outrage à la personne du chef de l’Etat et complicité».
Mais cette nouvelle fut suivie peu de temps après, à la surprise générale, par celle du pourvoi devant la Cour Suprême du Mali, du Procureur Général près la Cour d’Appel de Bamako. Une suite inattendue qui bloque du coup le processus de libération des personnes inculpées. Les partisans de Ras Bath et de Dr Boubou Cissé doivent donc patienter en attendant que la plus haute juridiction rejette le pourvoi du Procureur général ou casse la décision de la Chambre d’accusation.
Autant personne ne peut pas en vouloir à la partie poursuivante d’user de son droit légal de se pourvoir en cassation, autant le Procureur général ne peut pas échapper au procès d’intention : les motivations politiques, compte tenu de ses liens de subordination avec le Garde des sceaux. Déjà, une frange importante de la population reste dubitative sur les dénonciations faites par la Direction générale de la Sécurité d’Etat qui a enlevé les personnalités mises en cause pendant des jours avant de les mettre à la disposition du Procureur de la République près le Tribunal de grande instance de la Commune III du District.
Comme à l’audience du 23 février, le représentant du ministère public s’est nettement démarqué, avant-hier mardi 02 mars, du réquisitoire écrit du Procureur général pour requérir oralement l’annulation de la Procédure, donc la libération des inculpés. Cette démarcation de deux subordonnés du Procureur général près la Cour d’Appel de Bamako de ses instructions écrites constitue une parfaite illustration du grand malaise au sein du Parquet général mais aussi surtout de l’incapacité du Procureur général de convaincre ses collaborateurs du bien fondé de cette affaire.
Les arguments brandis par le Procureur général n’emportent pas la conviction des deux hauts magistrats du Parquet, de surcroît tous anciens Procureurs de la République près le Tribunal de Grande instance de la Commune III en charge du Pôle économique et financier. On a beau mettre en avant l’adage «la plume est serve, la parole est libre », l’accusation est à la peine dans ce dossier.
Le courage de deux magistrats du Parquet et celui des juges de la Chambre d’accusation sont à saluer. En procédant ainsi, ils prouvent à suffisance qu’ils ne se laissent pas influencer par des paramètres extérieurs dans la gestion de ce dossier. Les magistrats de la Cour suprême devraient avoir le même courage afin de conforter l’Etat de droit et l’exercice des libertés publiques. Ils doivent constater la nullité de la procédure en tirant toutes les conséquences de droit au profit des personnes victimes des pratiques inacceptables dans un Etat de droit.
Le Parquet général de la Cour suprême doit avoir ce courage qui a manqué au Procureur général près de la Cour d’appel de Bamako. «Je crois savoir que, dans l’exercice de sa fonction, le Magistrat, fusse-t-il le Procureur, n’obéît qu’à la loi et à sa conscience. Cela est et reste toujours ma conviction. Je préfère perdre un poste que de perdre mon âme ». Ces mots prononcés en 2014 par l’actuel ministre de la Justice Mohamed Sidda Dicko ont maintenant tous leurs sens. À l’époque, le Procureur de la République près le Tribunal de Grande instance de la commune III qu’il était a démissionné suite à des fortes divergences autour de l’affaire Adama Sangaré avec le ministre de la Justice de l’époque Me Mohamed Ali Bathily.
Par Chiaka Doumbia
Source : Le Challenger