Plusieurs villes du Mali ont été secouées la semaine dernière par des manifestations violentes. Parmi les auteurs de ces guérillas urbaines, à la fois spontanées et perlées, il y a ceux qui sont furieux contre l’arrêt de la Cour Constitutionnelle portant proclamation des résultats définitifs du second tour de l’élection des députés à l’Assemblée nationale. Il y aussi ceux qui expriment leur ras-le-bol de l’application du couvre-feu instauré dans le cadre de la prévention de la maladie à Coronavirus.
Çà et là sur plusieurs artères publiques, des pneus ont été enflammés, des barricades érigées pour exiger la levée du couvre-feu. L’âge des adolescents qui protestent contre le couvre-feu et le caractère spontané des manifestations ne permettent pas de soupçonner une manipulation politicienne. La manière dont les manifestations se sont propagées à travers le pays donne du fil à retordre aux pouvoirs publics. C’est de la même manière que les manifestations de Kayes contre la dégradation de la RN 7 ont contaminé d’autres régions du pays. Les citoyens ont le droit de manifester pacifiquement. Mais l’exercice de ce droit ne doit pas les pousser à s’attaquer aux édifices publics ou à dégrader les voies publiques. Ces infrastructures n’ont pas été réalisés avec l’argent du président de la République ni du Premier ministre mais avec les sous du contribuable. De telles dérives sont inacceptables !
L’arrêt des neuf (9) sages est de plus en plus critiqué. Les contestations sont nombreuses, multiples et variées. C’est la première fois qu’un arrêt de l’institution fasse aussi l’objet d’une si vigoureuse remise en cause de la part d’une partie des électeurs qui crient au vol de leurs suffrages. Avec les images circulant sur les réseaux sociaux, il y a incontestablement eu à Sikasso l’usage disproportionné de la force de la part de ceux qui étaient chargés de maintenir l’ordre. Cela est inacceptable. Une enquête indépendante est indispensable pour situer les responsables.
L’attitude de la Police agace d’autres corps qui pointent du doigt le manque de professionnalisme et de discernement des éléments dépêchés sur le terrain pour le maintien de l’ordre. La Police a la gâchette facile et contribue à envenimer une situation déjà précaire. Dans certaines vidéos, on voit des jeunes manifestants en train d’applaudir une équipe de patrouilles de la Garde nationale. Des responsables syndicaux de la Police critiquent, à travers des messages vocaux, d’autres corps de forces de sécurité. L’escalade verbale a même poussé la direction générale de la Police nationale à envoyer des messages appelant à la retenue et au respect strict du droit de réserve.
Des manifestations anti-couvre-feu aux contestations de l’arrêt de la Cour Constitutionnelle, il y a eu des dérives inacceptables de part et d’autre. Mais ce qui s’est passé à Sikasso et ailleurs est suffisamment révélateur de la crise de confiance entre l’Etat et le citoyen. Le peuple dans son ensemble ne croit plus en ses dirigeants. La parole des officiels n’a pas plus de valeur qu’un pet d’âne aux yeux du citoyen lambda. Dans un tel contexte, il n’est pas évident que les manœuvres d’intimidation et de répression en cours puissent imposer le silence.
Chiaka Doumbia
Le Challenger