La baisse des rancoeurs entre les parties en conflit représentées surtout par les ex-rebelles de la Séléka et les milices anti-Balakas montre que la Centrafrique se dirige vers un apaisement, a rapporté dans une récente interview avec Xinhua le général Noël Léonard Essongo, représentant spécial à Bangui du président congolais Denis Sassou Nguesso, médiateur de la crise.
“Tout à fait, les rancoeurs ont vraiment pris le dessus à un moment donné, mais je crois que de plus en plus les gens commencent à comprendre qu’il faudrait qu’ils aillent les uns vers les autres.C’est notre tâche ici, c’est ce que nous essayons de faire. Il y a moins de rancoeurs qu’avant”, a souligné le chef militaire congolais, plus d’un mois après l’accord de cessez-le- feu du 23 juillet à Brazzaville.
Question : En tant que représentant spécial du médiateur, donc facilitateur du processus de sortie de crise en République centrafricaine, est-ce que vous rencontrez régulièrement entre les différentes parties prenantes, à savoir les partis politiques, les autorités de transition, les groupes armés et la société civile ?
Réponse : En effet, je rencontre régulièrement tout le monde : les partis politiques, les groupes armés, l’administration locale, le gouvernement. Je travaille pratiquement avec tout le monde. Toutes les portes me sont ouvertes, il faut le reconnaître, c’est intéressant. Ça nous permet d’avoir la même compréhension pour tout le monde. Ce qui nous embête, c’est que la Centrafrique est quand même un pays de la sous-région et nous ne souhaitons pas voir ce pays être la cinquième roue de la charrette. Tous les autres pays d’Afrique centrale devraient avoir leur coeur qui bat à l’unisson pour nous permettre d’aller de l’avant. Nous sommes au 21e siècle, vous voyez nous sommes ici dans un très beau pays, malheureusement les institutions ne marchant pas. C’est vraiment un retard absolu alors que ces populations-là ne méritent pas ce qu’elles sont en train de vivre en ce moment.
Q : Les différentes parties elles-mêmes, notamment ceux qu’on peut appeler les irréductibles qui contestent le nouveau gouvernement, vous facilitent-elles la tâche ?
R : Bien sûr que lorsque c’est comme ça la tâche n’est pas facilitée, mais nous sommes bien obligé de leur demander d’aller vers un consensus, parce que sans la compréhension mutuelle, c’ estdifficile de pouvoir avancer. Ce n’est pas la peine que chacun se mette à tirer la couverture de son côté ; ça ne sert à rien. Il est bon que tout le monde s’asseye, que tout le monde s’entende de manière à ce qu’on puisse aller de l’avant.
Q : En toute franchise, les rancoeurs et les haines prennent-elles le pas sur la volonté de concorde ?
R : Tout à fait, les rancoeurs ont vraiment pris le dessus à un moment donné, mais je crois que de plus en plus les gens commencent à comprendre qu’il faudrait qu’ils aillent les uns vers les autres.C’est notre tâche ici, c’est ce que nous essayons de faire. Il y a moins de rancoeurs qu’avant. Ce que vous écoutez de temps en temps à la radio, oui c’est vrai, mais il y a un travail qui se fait en dessous.On n’est pas obligé de le dire tous les jours, c’est un travail qui porte. C’est ainsi que vous voyez qu’ aujourd’hui dans le gouvernement vous avez par exemple trois représentants de la Séléka. Le mouvement Séléka dit : ils ne font plus partie de notre mouvement. Mais hier,ils étaient capables de dire : écoutez, ces gars-là, nous ne voulons plus. Voyez-vous, là c’est radical. Le langage a quand même changé, il s’est amélioré et moi je crois qu’avec cette façon de faire nous allons gagner.
Q : Quels sont les responsables de la Séléka et des anti-Balakas que vous rencontrez ? Depuis la formation du gouvernement, les avez-vous rencontrés ?
R : Je rencontre tout le monde, j’ai des contacts avec tout le monde. C’est ça le plus important, parce que si je me mets à citer un,il y en a qui se verra lésé.
Q : Vous pouvez dire que nous allons vers un véritable apaisement dans les semaines, les mois à venir ?
R : Oui, dans les mois à venir, nous allons vers un apaisement. Déjà, voyez-vous il était impossible de circuler ici il y a quelques temps. Maintenant, on a l’occasion de circuler. On a l’ occasion de discuter avec les gens, quel que soit le fait que les uns et les autres ont des positions tranchées. Aujourd’hui, après une discussion,on peut pendre rendez-vous pour une prochaine rencontre dans deux ou trois semaines, dans un mois. Nous revenons de Brazzaville, tout le monde n’a pas été au forum de Brazzaville, mais tout le monde est conscient de ce qu’en quelques mois ici à Bangui, d’ici la fin de l’année, nous allons nous retrouver pour le forum de Bangui et là c’est avec toutes les entités, avec tout le monde. Nous sommes en train de nous préparer en conséquence.
Q : Les anti-Balakas, les ex-Séléka, vous les encouragez à se muer en partis politiques ?
R : A s’accepter d’abord. Ils ont commencé à s’accepter. Tout ne se passe pas de la même façon au même moment partout, simplement parce que les moyens de communication ne sont pas très développés. Sinon,ils ont commencé à s’accepter un peu, difficilement mais ça se fait. Q : Quelques exemples ?
R : Vous voyez par exemple le K5 que vous pouvez fréquenter aujourd’hui. Il y a quelques temps c’était impénétrable. Boy Rabe aujourd’hui est fréquentable. Aujourd’hui on parle de Bambari avec de grands mots. Nous sommes allé à Bambari entre-temps, on a vu que les camps sont divisés, c’est vrai, mais la circulation est au moins organisée pour quelques heures, etc. Je crois que dans quelques temps on arrivera à amener tout le monde à s’accepter et à sécuriser tout le pays, par les Centrafricains eux-mêmes.
Q : Pour vous, quels sont les obstacles qui subsistent ?
R : C’ est la mésentente, simplement. Tant que les gens ne s’accepteront pas, voilà le point d’obstacle que je trouverai. Nous sommes en train de travailler avec les Nations Unies pour vulgariser l’ accord (de Brazzaville), parce que l’accord n’est pas vulgarisé, il n’est pas bien compris de tout le monde. Nous allons nous mettre sur le terrain très bientôt. Quand il sera vulgarisé, à partir de ce moment-là on aura le forum de Bangui. Ça prend un peu de temps, c’est compte tenu des moyens de travail dont nous disposons, mais c’est utile, ce n’est pas du temps perdu. Un enfant, pour qu’il naisse, il faut neuf mois.