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Embargo: pourquoi la CEDEAO a reculé

La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) a levé ce dimanche 3 juillet 2022, à l’issue de son 61e sommet ordinaire, les sanctions économiques et financières drastiques qu’elle avait prises contre notre pays le 9 janvier 2022. Au terme de six mois environ d’épreuves de force économique, l’organisation sous régionale avait-elle vraiment le choix ? Entre des jérémiades vertueuses sur un prétendu engagement à promouvoir la paix, la sécurité, la stabilité, la démocratie et la bonne gouvernance dans l’espace communautaire et le péril certain qui se profilait à l’horizon de voir la sous-région se métastaser suivant en cela l’exemple BMG (Burkinabé-Malien-Guinéen), pour ne pas dire boomerang, les caciques du club des chefs d’État ont vite opté pour l’alternative qui les maintient encore aux affaires. Mais pendant combien de temps ?

 

En effet, la CEDEAO, qui n’a rien d’une officine humanitaire, savait au fil des six (6) mois, que l’embargo contre le Mali qui a fortement impacté l’équilibre économique de l’espace communautaire était devenu une patate chaude dont il faillait se débarrasser. Pour l’intérêt du Mali ? Pour préserver la Communauté ? Les Chefs d’État ont choisi de ne pas prendre le risque de se faire balayer à leur tour.

Loi électorale, AIGE

La CEDEAO estime, sans sourciller, que « la promulgation, le 24 juin 2022, d’une nouvelle loi électorale mettant en place, entre autres, un organe unique de gestion des élections, dénommé Autorité indépendante de Gestion des Élections (AIGE) » constitue une grande avancée sur la voie d’un retour à l’ordre constitutionnel.

Oublions que cette promulgation est anticonstitutionnelle (article 51 de la Constitution) et que telle qu’adoptée cette loi est impraticable, elle ne peut servir de base à l’organisation d’élections crédibles et apaisées.

Arrêtons-nous simplement à la bourde monumentale de la CEDEAO, qui apparemment n’a pas lu cette loi qu’elle brandit comme un trophée. À ces importants messieurs de la CEDEAO (parce qu’il n’y a pas femmes dabs leur club), faut-il faire remarquer que notre organe unique de gestion des élections ne s’appelle pas «Agence Indépendante de Gestion des Élections (AIGE)» , comme cela ressort du communiqué final, mais organe unique de gestion des élections, est indépendant et s’appelle : «Autorité indépendante de Gestion des Élections en abrégé « AIGE ».» (article 3 de la loi). Entre « Agence » et « Autorité », il y a une mer à boire. Mais la CEDEAO nous a laissés sur notre faim quant à la rigueur.

Délai de Transition

Le nœud gordien du problème entre les responsables de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) et les autorités de notre pays portait bien sûr la durée de la Transition. La CEDEAO fait bon cœur contre mauvaise fortune et feint d’oublier qu’elle n’était pas d’accord avec la publication du décret N°2022-0335/PT-RM du 06 juin 2022 qui avait fixé à 24 mois pour compter du 26 mars 2022 conformément à la Loi N°2022-001 du 25 février 2022 portant révision de la Charte de la Transition qui dit en son article 22 nouveau que «la durée de la Transition est fixée conformément aux recommandations des Assises nationales de la Refondation. La Transition prend fin avec l’élection présidentielle organisée par les autorités de la Transition, la prestation de serment et la passation des charges au nouveau Président élu. »

L’amnésique CEDEAO dans son communiqué final du sommet tenu le dimanche 3 juillet 2022 dit prendre « note du calendrier de la transition soumis par les Autorités de la Transition qui donnent une durée de 24 mois à compter du 29 mars 2022.

Ce chronogramme détaille les différentes étapes devant conduire aux élections et au rétablissement d’un régime civil, notamment la réforme constitutionnelle ».

Or, l’article 1er de ce décret 0335/PT-RM du 06 juin 2022 fixant la durée de la Transition à 24 mois, précise bien que c’est «pour compter du 26 mars 2022» et non du «29 mars » comme cela ressort du communiqué dont la version français à 24 heures dans le circuit avant d’être diffusée.

Le  7 juin dernier, pour qui se rappelle, la CEDEAO s’était fendu d’un Communiqué pour dire qu’elle regrettait «cette décision ait été prise à un  moment où les négociations se déroulent encore, en vue de parvenir à un consensus ». Mais au finish, elle entérine les 24 mois décrétés comme elle a endossé les 18 premiers mois lors du sommet du 15 septembre 2020 (Les Chefs d’État et de gouvernement ont pris note de la durée de la transition politique au Mali qui sera de 18 mois maximum, à compter de ce jour, 15 septembre 2020), et oublier l’exigence de la conduite de la Transition par les civils comme cela était l’exigence de départ. La CEDEAO, s’est-elle finalement résolue de coexister, faute d’alternative, avec l’ordre kaki ? On comprendre bien  dans ce cas que les militaires au pouvoir à Bamako aient bénéficié d’un bonus de 24 mois plus 3 jours…

Tensions diplomatiques

La levée de l’embargo n’est pas qu’économique et financière, elle est aussi diplomatique. En effet, outre les sanctions économiques prises le 9 janvier 2022, tel que détaillé dans le communiqué, la Conférence des Chefs d’État et de gouvernement a aussi demandé aux États membres de renouer leurs relations diplomatiques avec notre pays.

En effet, lors de cette même réunion où elle a eu la main lourde, la CEDEAO a décidé du «rappel pour consultations par les États membres de la CEDEAO de leurs Ambassadeurs accrédités auprès de la République du Mali ».

Le recours à cette extrémité était une bourde de la part de l’organisation sous-régionale. Car, elle n’était pas sans savoir que sans la compréhension du Mali et sa bonne volonté à maintenir le dialogue, elle pouvait induire, ajoutée aux autres sanctions politiques, économiques et financières, une sérieuse étape dans la rupture des relations diplomatiques.

En effet, après la convocation, le rappel pour consultation d’un ambassadeur dans son pays est le deuxième degré de gravité dans l’échelle des sanctions diplomatiques. Premier degré de sanction diplomatique, la convocation d’un ambassadeur au ministère des Affaires étrangères ayant pour but de protester officiellement auprès du pays représenté.

Le rappel pour consultations ne marque pas une rupture définitive des relations diplomatiques entre les pays concernés, mais elle se situe au-dessus de la simple convocation de l’ambassadeur au ministère des Affaires étrangères du pays plaignant.

Elle précède en cas d’aggravation des relations entre les deux pays l’expulsion de l’ambassadeur, comme celui récemment de l’ambassadeur de France de notre pays qui l’avait jugé persona non grata.

Dans le cas de l’expulsion, avant-dernier degré des sanctions diplomatique, l’ambassadeur ou le diplomate concerné dispose de quelques jours pour quitter le pays. Passé ce délai, il n’est plus protégé par son immunité et s’expose à des poursuites.

L’expulsion précède généralement la fermeture de l’ambassade dernier acte de l’escalade diplomatique. Elle signifie une rupture grave des relations diplomatiques.

Alors donc où en sommes-nous avec la CEDEAO ?

À l’issue du sommet d’Accra du 3 juillet 2022, la CEDEAO décide de « maintenir le dialogue avec les autorités de la Transition, à travers le Médiateur de la CEDEAO pour le Mali». Il s’agit donc d’un dialogue indirect comme on le voit, car notre pays, conformément au protocole additionnel de la CEDEAO, ne sera admis à la sainte table que lorsqu’il restaurera la légalité constitutionnelle. Donc dans deux ans encore. On comprend pourquoi la Conférence des chefs d’État et de gouvernement a décidé du maintien de notre pays dans des Instances de la CEDEAO et celles des sanctions ciblées contre des individus ou des groupes.

Mécanisme conjoint de contrôle et de suivi

CEDEAO ?

Pour faire aboutir ce dialogue indirect, la CEDEAO a décidé lors de sommet du 3 juillet 2022, de mettre « en place un mécanisme conjoint de contrôle et de suivi de la mise en œuvre du calendrier de transition, se fondant sur des critères de référence convenus, et dont les rapports sur les progrès réalisés détermineront les décisions à prendre ultérieurement par la Conférence sur la levée des sanctions restant en vigueur ». Une astuce pour mettre sous tutelle notre pays, nos autorités ayant abdiqué ? De quoi s’agit-il concrètement ?

Selon Jean-Claude Kassi-Brou, président de la Commission de la Cédéao, le « mécanisme de suivi qui a été mis en place (…) permettra de suivre de manière régulière avec, bien sûr, la partie malienne, mais avec les autres partenaires, tout le processus (…) Le sommet a demandé un chronogramme précis et détaillé de toutes les actions qui doivent être menées jusqu’en mars 2024. Les partenaires maliens ont vraiment fait ce travail, cela a été fait, cela a été discuté et revu. Nous avons donc pris connaissance de ce chronogramme. C’est évidemment cela que nous allons suivre ensemble : la Cédéao, la partie malienne et d’autres partenaires également. Et le sommet a souhaité également que tout le processus soit fait de manière inclusive avec toutes les parties prenantes au Mali, la classe politique, la société civile. Je crois que déjà, il y a eu de consultations dans ce sens… »

Mais à la vérité, derrière les balivernes diplomatiques, il n’y a rien de nouveau. Car un mécanisme conjoint de concertation existe bel et bien dans ce format entre notre pays, la CEDEAO et d’autres partenaires (notamment l’Union africaine et les Nations-Unies) depuis le 9 février 2022.

Pour rappel textuellement des dispositions du communiqué du gouvernement, « dans le cadre de la poursuite du dialogue avec la CEDEAO, l’Union Africaine et la Communauté internationale concernant la conduite de la Transition, le gouvernement de la République du Mali a mis en place un Mécanisme de Concertation pour soutenir cette dynamique. Ce mécanisme a pour but de rechercher une solution conciliant les aspirations du Peuple malien et les demandes de la Communauté internationale, notamment à travers l’adoption d’un chronogramme consensuel (…) Le Gouvernement de la République du Mali, à travers cette initiative, renouvelle son engagement pour le retour à un ordre constitutionnel normal et sa disponibilité constante au dialogue et au consensus pour la réussite de la Transition.»

Comme on le voit, rien de nouveau sous le soleil du Maliba. Il s’agit juste d’une continuation d’un mécanisme dont l’initiative revient à notre pays et non à la CEDEAO qui la présente comme un instrument de veille qu’il a concocté pour nous tenir en laisse.

Procès en sorcellerie

Pour justifier sa décision de lever les sanctions illégales qu’elle a prise contre notre pays, la CEDEAO a mis en avant la promulgation de la nouvelle loi électorale qui, dit-elle, met en place, entre autres, un organe unique de gestion des élections, qu’elle a rebaptisé « Agence Indépendante de Gestion des Élections (AIGE)». Elle a aussi fait de ses choux gras, le «calendrier de la transition soumit par les Autorités de la Transition qui donnent une durée de 24 mois à compter du 29 mars 2022. Ce chronogramme détaille les différentes étapes devant conduire aux élections et au rétablissement d’un régime civil… ».

Mais voilà, la nouvelle loi électorale dispose en son article 155 que «Tout membre des Forces armées ou de Sécurité qui désire être candidat aux fonctions de Président de la République, doit démissionner ou demander sa mise à la retraite au moins six (06) mois avant la fin du mandat en cours du Président de la République.

Toutefois, pour les élections pendant la Transition, les membres des Forces armées ou de Sécurité qui désirent être candidats aux fonctions de Président de la République doivent démissionner ou demander leur mise à la retraite au moins quatre (04) mois avant la date de l’élection présidentielle marquant la fin de la Transition ».

Pour le CEDEAO, il y a anguille sous roche, pour ne pas dire un boulevard devant le Colonel Assimi pour rempiler en 2024.

Aussi, s’empresse-t-elle de réaffirmer que « conformément au paragraphe 25 de la Charte de l’Union africaine, aux engagements pris devant la CEDEAO par les autorités de la transition et à la Charte de la Transition, aucune autorité de la Transition ne pourra participer aux élections devant conduire au retour à l’ordre constitutionnel ».

Pourquoi tant de panique ? Pourquoi tant d’ostracisme envers les autorités de la Transition ? Pourquoi la CEDEAO douterait-elle de la parole d’honneur des autorités maliennes ? Pourquoi douterait-elle des engagements pris par nos autorités devant elle et consigné dans notre Charte de la Transition ?

L’article 9 de la Charte de la Transition (Loi n°2022‐001 du 25 février 2022 portant révision de la Charte de la transition) dispose de manière claire et sans équivoque que «le Président de la Transition n’est pas éligible aux élections présidentielles et législatives qui seront organisées, pour marquer la fin de la Transition. La présente disposition n’est pas susceptible de révision ».

N’est-ce pas là un procès en sorcellerie intenté à Assimi Goïta et aux autres colonels ? « Il faut se faire confiance. La loi électorale telle que vous (l’accuser) existe dans pratiquement tous les pays. Les lois électorales dans la plupart de nos pays disent clairement que les hommes en uniforme, s’ils veulent se présenter à une élection, ils doivent démissionner à une certaine période avant de se présenter. Maintenant, il faut regarder ce qu’il y a dans la charte de la transition. La charte est très claire», estime Jean-Claude Kassi-Brou, président de la Commission de la Cédéao.

Par Abdoulaye OUATTARA

Source : Info-Matin

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