Le projet du gouvernement de la transition relatif à la rédaction d’une nouvelle constitution d’ici mars 2022 pourrait être sérieusement contrarié en raison du caractère » illégitime » du Conseil National de Transition (CNT), dénoncé par le professionnel de droit Me Abdourahamane Ben Mamata Touré. L’éminent avocat, très actif sur les réseaux sociaux, soutient que cet organe législatif n’est pas » inclusif » pour pouvoir mettre la main sur la loi fondamentale malienne.
Dans sa présentation du Programme d’action gouvernemental aux membres du Conseil National de Transition, le vendredi 19 février 2021, le Premier ministre Moctar Ouane a dévoilé six axes prioritaires dont le changement de Constitution. Le chef du Gouvernement avait notamment plaidé pour l’adoption d’une nouvelle constitution » par voie référendaire « . Et cela, d’ici mars 2022.
Respectueux du droit et à cheval sur la Constitution, Me Abdourahamane Ben Mamata Touré a étalé le caractère indu du Conseil National de Transition à adopter une nouvelle Constitution. » A ce jour, nous ne pouvons ni réviser la constitution (article 118) ni rédiger une nouvelle constitution. Le CNT, dans sa composition actuelle, n’est pas suffisamment légitime pour mettre la main dans notre Constitution (il n’est pas inclusif). Soit il s’ouvre aux forces vives représentatives soit il s’autoproclame assemblée constituante. Cela est techniquement envisageable, mais politiquement suicidaire. Nous avons le choix « , a déclaré l’avocat. Mise sur la table à plusieurs reprises, la question de la révision de la loi fondamentale malienne de 1992 a toujours suscité de la polémique avant d’être abandonnée à cause des agitations politiques et sociales. Sa refonte, qui induirait la quatrième République, semble encore plus » audacieuse qu’irréalisable » pendant la Transition, selon de nombreux observateurs.
Aussi faut-il rappeler que la réforme constitutionnelle s’inscrit dans le sillage de l’accord de paix de 2015 par la création d’un Sénat. Elle est aussi une exigence de la Convention de l’UEMOA qui requiert la création dans chaque Etat membre d’une Cour des Comptes pour apporter transparence et rigueur dans la gestion des ressources financières publiques. En fin la nécessité de conférer une réelle indépendance à la Cour constitutionnelle par la modification du mode de désignation de ses membres (six de ses neuf membres sont désignés par le président de la République et celui de l’Assemblée nationale) et la prolongation de la durée de leur mandat (de cinq à sept voire neuf ans) implique, elle aussi, une relecture des dispositions actuelles. Déjà, avant Me Touré, la Coalition des Forces Patriotique (COFOP) avait récemment indiqué que » la Transition ne peut ni refonder l’Etat encore moins réviser la constitution… « . En dépit de ce rappel à l’ordre, les autorités de la Transition sont dans la logique d’élaborer et d’adopter une nouvelle constitution.
Sory Ibrahima COULIBALY
Source : l’Indépendant