Le principal groupe djihadiste égyptien a prêté allégeance lundi à l’organisation “Etat islamique”, au moment précis où les ONG craignent que le régime limite leur marge de manoeuvre. Un nouveau coup dur pour les libertés dans le pays.
L’organisation “Etat islamique” a dorénavant une succursale en Egypte. Lundi matin, le principal groupe djihadiste, Ansar Beit al-Maqdis [les Partisans de Jérusalem], basé dans la région du Sinaï, a prêté allégeance au prétendu “califat”. La déclaration de ralliement, souvent démentie dans le passé, est cette fois-ci confirmée. Cette nouvelle n’augure rien de bon pour les libertés individuelles.
Par un fâcheux hasard de calendrier, en effet, l’ultimatum donné aux ONG pour s’enregistrer auprès des autorités, comme le prévoit une loi adoptée sous la présidence d’Hosni Moubarak, a expiré le même jour. Or, de nombreuses organisations voient dans cette législation une occasion pour le pouvoir de contrôler leurs activités, et de restreindre un peu plus leurs libertés.
A présent que l’ultimatum est passé, beaucoup de membres craignent d’être poursuivis par la justice ou même arrêtés. “Comment une société libre peut-elle réellement exister si les gens ne sont pas libres de fonder des organismes indépendants du gouvernement?”, s’interroge Geoffroy Mock sur un blog d’Amnesty International.
Les ONG vues comme des “agents” de l’étranger
L’indépendance passe par des financements, souvent étrangers, qui devront désormais être approuvés par les autorités. Parmi les militants des ONG comme parmi les artistes, l’angoisse est palpable: “Nous attendons de voir comment les autorités vont réagir”, confie Dina Riyad, actrice de théâtre.
Comme en Russie, alliée de l’actuel régime, l’air du soupçon règne: les associations de défense des droits de l’homme sont vues comme des “agents” de l’étranger, ce qui justifie, aux yeux du pouvoir, un contrôle drastique de leurs activités. “La guerre contre le terrorisme joue contre nous”, déplore l’artiste.
De fait, l’annonce du groupe Ansar Beit al-Maqdis s’inscrit dans un contexte de recrudescence des attaques contre les forces de sécurité: le 24 octobre dernier, l’armée a essuyé de lourdes pertes, avec au moins trente soldats tués dans le Sinaï. C’est l’agression la plus meurtrière depuis l’été 2013.
“Le groupe égyptien envoie des signaux à l’Etat islamique depuis dix mois”, analyse Romain Caillet, chercheur et consultant sur les questions islamistes. Fort de 2000 à 3000 combattants, Ansar Beit al-Maqdis a revendiqué la plupart des attaques perpétrées depuis la destitution du président islamiste Mohamed Morsi, le 3 juillet 2013, qui ont fait des centaines de morts parmi les forces de l’ordre.
Examiné début novembre par le Conseil des droits de l’homme à Genève [comme tous les quatre ans], Le Caire a été épinglé sur la situation des droits de l’homme. Parmi les 300 recommandations du rapport final figure notamment la loi sur les organisations non-gouvernementales, et toutes les entraves à la liberté d’expression.
Source: lexpress.fr