Les événements dramatiques s’enchaînent dans notre pays, depuis quelques mois, à un rythme effrayant. Pas étonnant que l’inquiétude monte au sein de l’opinion. Avec son corollaire d’interrogations sur les causes de ces développements sanglants et même sur les raisons profondes de la tourmente dans laquelle notre pays se trouve plongé.
Pas étonnant, non plus, que les frustrations prennent le pas sur une démarche froide de recherche de solution dans un contexte marqué par des pertes importantes au sein de nos forces armées. Les esprits, en surchauffe, ont tendance à désigner rapidement un ou des coupables, en guise de bouc émissaire.
Nos partenaires étrangers semblent être les parfaits coupables. Surtout quand nous doutons de leur sincérité. C’est le cas en l’occurrence de la politique française dans notre pays. L’ex-puissance colonisatrice est largement impliquée dans la gestion de la crise malienne, depuis ses premières heures, en 2012. Personne n’a oublié son intervention, in extremis, pour stopper les hordes obscurantistes lâchées contre la République. Pas plus que son équipée à travers les immensités désertiques du pays, aux côtés de nos soldats, pour la reconquête des régions occupées. Comment passer, aussi, sous silence l’épisode malheureux qui a vu les soldats français interdire l’entrée de nos troupes dans la capitale de la 8è Région administrative ? Sous des prétextes peu convaincants.
Après la période de reconquête, avec l’opération Serval, la France a mis en place la force Barkhane, un nouveau dispositif militaire dont l’ambition est d’appuyer les pays sahéliens dans la lutte contre le terrorisme. La France a beaucoup œuvré, aussi, pour la mutualisation des moyens des pays sahéliens, donnant naissance à la force du G5 Sahel.
Sur le plan diplomatique, la France joue les premiers rôles dans le renouvellement des mandats de l’ONU, permettant à une mission internationale de s’installer sur notre sol pour la stabilisation, par le biais de la gestion de l’Accord pour la paix et la réconciliation, issu du processus d’Alger. La France est, également, la tête de pont de la mobilisation de l’Union européenne (UE) pour la mise sur pied de l’EUTM pour la formation de nos soldats et de l’EUCAP Sahel pour celle des forces de sécurité.
Si la France déploie un tel trésor d’efforts, c’est pour la sécurité des pays du Sahel. C’est, aussi, pour sa propre sécurité car elle est menacée par les groupes terroristes sur son propre territoire. Mais ce n’est pas tout. Sa présence au cœur de la sécurisation de nos pays permet à la France d’asseoir sa stature de puissance capable d’avoir un rayonnement mondial et de peser sur la vie politique et économique de nos pays. Même si le terme de pré carré est en train d’être abandonné, à cause de ses relents coloniaux, l’Hexagone continue d’œuvrer pour conserver un pied dans son ancien empire. Rien de plus normal que ses médias, sa puissance militaire, ses capacités financières, sa diplomatie soient tendus vers cet objectif.
Notre partenaire de premier plan ne perd pas de vu ses objectifs. Il nous appartient de faire avancer les nôtres, en travaillant avec lui pour nous faire valoir. Quoiqu’en proie à une crise, qui nous affaiblit aujourd’hui, nous pouvons imposer le respect par notre comportement. Cela passe par une gestion vertueuse et irréprochable de nos affaires militaires.
La bonne gouvernance doit être renforcée tant au niveau de la gestion des troupes que des équipements militaires, afin de favoriser la montée en puissance de notre propre armée. Beaucoup l’ont répété, elle est la seule capable de l’engagement indispensable pour faire face à la situation. Nous y arriverons, difficilement, tant que nos soldats continueront de balancer des complaintes sur les réseaux sociaux sur leurs conditions difficiles. Dans le même temps, on entend très peu d’exhortations sur les devoirs, l’obligation du sacrifice, du don de soi, de l’abnégation, indispensables dans le contexte que nous vivons.
La culture du sacrifice et du résultat doit être imprimée par la hiérarchie militaire à qui l’opinion devrait commencer à demander des comptes, en termes de résultats de la gestion rigoureuse des ressources mises à sa disposition. Les hauts gradés sont tenus de gérer par l’exemple, pour en imposer à la troupe. On se fait entendre, difficilement, si ses propres turpitudes sont beaucoup plus bruyantes.
Une gestion vertueuse éteint, forcément, les critiques, force les partenaires au respect et favorise le rassemblement des citoyens autour de l’essentiel. Quel que soit l’agenda de nos partenaires étrangers, ils prêteront attention à nos desiderata si nous montrons que nous sommes sérieux et que nous travaillons, réellement, à sortir le pays de l’ornière.
S’il est convaincu de son efficacité, le citoyen lambda fait bloc derrière l’outil de défense, notre seule planche de salut. La classe politique n’aura d’autre choix que de laisser au vestiaire, pour un temps, ses stratégies de conquête du pouvoir afin de donner une chance au salut national.
Ce scénario, largement à notre portée, doit beaucoup à notre engagement car il faudra garder présent à l’esprit que pour les étrangers, le Mali n’est qu’un pion sur l’échiquier géopolitique. En tant que Maliens, nous vivons la crise au plus profond de notre être.
B. TOURÉ
Source: L’Essor-Mali