« Selon que vous serez puissant ou misérable, Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir », disait Jean de La Fontaine. La République du Mali est en train de tanguer dangereusement vers l’injustice. Une justice à double vitesse, une politique du deux poids deux mesures. Après sa sortie le week-end dernier, au cours de laquelle il a appelé à la révolte et à l’insurrection populaire, l’imam Mahamoud Dicko a été convoqué par le Procureur du Tribunal de grande instance de la commune V de Bamako. Seulement voilà : avant que l’ancien président du Haut conseil islamique du Mali ne déplace pour être écouté par le Procureur, ses fidèles ont pris d’assaut le tribunal. Du coup, ils ont empêché l’arrivée de leur guide pour être entendu.
Face à cette mobilisation populaire, le Gouvernement du Mali a, semble-t-il, capitulé. La convocation du leader religieux a tout simplement été abandonnée, a-t-on appris. Aussi, nous est-il revenu que le ministre des Affaires étrangères, Tièbilé Dramé, s’est rendu au domicile de Dicko. Objectif de sa visite : présenter les excuses du Gouvernement. Alors question : sommes-nous encore dans une République ? Cette question vaut son pesant d’or, d’autant plus que le mercredi 19 février dernier, un autre prêcheur, Bandjougou Doumbia, a été placé sous mandat de dépôt pour presque les mêmes propos reprochés aujourd’hui à l’imam Dicko.
Par cette réaction, le Gouvernement malien démontre que dans notre République, il y a les uns et il y a les autres. Il y a des gens qui sont soumis à la justice et d’autres sont au-dessus des lois. Cette attitude met toute la République en danger. Car, tous les jours, des gens sont souvent jetés en prison pour des faits moins graves. La loi doit s’appliquer à tous : pauvres ou riches, puissants ou faibles. Nul n’est au-dessus de la loi, fut-il un leader religieux. Si la justice estime que des faits ou des propos de Dicko sont attentatoires aux lois de la République, pourquoi ne devrait-il pas répondre devant la justice ?
On se rappelle encore l’affaire Ras Bath, dont les supporters avaient incendié le Tribunal de grande instance de la commune IV de Bamako. Il avait, lui aussi, bénéficié en son temps des largesses du régime. Conséquence, le ministre de la Justice d’alors avait démissionné, estimant que le régime s’est sauvé au détriment de la République. Vraisemblablement, le pouvoir en place n’a rien appris de cette erreur. Si la rue doit guider la justice dans notre pays, on n’est donc pas à l’abri de la jungle et de l’anarchie. Qu’à Dieu ne plaise ! C’est au Gouvernement de donner les moyens à la justice pour qu’elle s’exerce en toute légalité ou avec équité. Cette fois-ci, le régime pourra-t-il se sauver sans la République ? Attendons voir vendredi.
Youssouf Diallo
Source: la Lettre du Peuple- Mali