Le Mali a été doté d’une Constitution en 2023, la plus légitime, car ayant recueilli l’assentiment de plus 97 % des votants
Selon les autorités, elle est considérée par ses initiateurs comme étant la plus démocratique jamais élaborée en République du Mali, mais en même temps elle semble être la plus violée de toutes les constitutions que le Mali a connues, de l’indépendance à nos jours.
Deux exemples illustrent bien cette allégation, le premier est le maintien en place d’un régime qui n’est nullement issu des urnes comme le préconise si bien la Constitution. Autrement dit après la promulgation, par le Président de la transition, de la nouvelle Constitution, les autorités devaient sortir le Mali de la confusion, en dotant le pays d’institutions légitimes et légales et mettre fin à une si longue transition. La deuxième violation de la Constitution est caractérisée par les arrestations extrajudiciaires, les restrictions des libertés, la dissolution de certaines associations, la suspension des activités d’autres. Ce qui se profile à l’horizon, à savoir la dissolution ou la suspension des partis politiques, viendrait boucler la boucle de la série de violation de la loi fondamentale en République du Mali. Pour rappel la Constitution dont se glorifient nos autorités a mis des verrous à trois principes, la forme républicaine et laïque de l’Etat, le nombre de mandats du Président de la République et le multipartisme. Comment malgré l’inscription de ces principes intangibles dans le marbre de la constitution, les autorités maliennes voudraient elles dissoudre les partis politiques ? Si la décision venait à être prise elle n’aura d’autre qualificatif qu’un abus de pouvoir, une violation flagrante de la constitution.
La question fondamentale que l’on est en droit de se poser est celle de savoir si les auteurs de la violation flagrante de la Constitution mesurent réellement la gravité de leurs actes tant sur la stabilité que sur le respect que les autres sont censés avoir pour notre pays. S’ils le font par abus de pouvoir, ce serait un précédent très gravissime, qui ferait passer notre pays pour une République bananière, par conséquent non respectée dans le concert des nations. En effet, en violant de façon répétitive la constitution, on fragilise non seulement les institutions qui en sont issues, mais aussi et surtout on affaiblit la République. Faudrait-il rappeler que la qualité des institutions se mesure à l’aune du respect que les garants de ces institutions ont de la constitution ? En effet, nul besoin de faire un sondage pour savoir si la situation de violation flagrante de la constitution dans laquelle se trouve le Mali, fait de cet Etat un Etat envié ! Le Mali est devenu la risée des autres et pourtant ce beau pays était envié par tout le monde à cause de ses prouesses démocratiques, au respect des lois et règles qui régissent la République et surtout de la qualité des institutions, qui ont fait du Mali une bonne destination pour les investisseurs. Le pays de Modibo Keita était respecté à travers le monde et faisait des émules à cause de la qualité des hommes et des femmes qui animaient la vie publique. La première rupture constitutionnelle intervenue en 1968 a mis entre parenthèses les progrès dans tous les domaines. Vingt-trois ans après le peuple a pris son destin en mains en 1991 pour dire non au coup d’Etat et oui à la démocratie. Ce qui a permis de redonner espoir au peuple et d’amorcer un bon virage vers le développement. En 2012, une autre épreuve, plutôt un autre crime imprescriptible selon la constitution a été commis par d’autres militaires, replongeant le Mali dans un chaos désolant. A peine sorti de l’imbroglio militaire avec l’organisation des élections et le retour à l’ordre constitutionnel ; nous voici dans un autre chaos avec un autre coup d’Etat en 2020. Pour rappel toute la série de coups d’Etat a mis en mal la République et ses institutions, c’est pourquoi la violation de la constitution devient banale, car ses auteurs ont toujours été décorés pour leurs crimes que sont les coups d’Etat. La Constitution a cessé d’être la boussole, car ce qui devrait être la règle à savoir son respect strict est devenu l’exception sinon rien qu’en se basant sur la définition de la constitution on devrait comprendre que son application stricte est gage de stabilité et de paix pour un pays.
La portée juridique de la constitution d’un Etat varie selon le régime en place. Si tant est qu’on se soucie de la bonne marche de la République, alors l’on doit faire de la constitution la seule boussole de la gouvernance.
Youssouf Sissoko