Depuis plus de 20 ans, notre pays organise l’Espace d’interpellation démocratique (EID). Une tribune où les citoyens s’adressent directement aux dirigeants du pays à travers des interpellations sur des préoccupations bien précises. C’est un des symboles de la vitalité de notre démocratie. L’exercice est envié par le monde entier, notamment les militants des droits de l’homme, qui y voient un espace certain de promotion des droits humains. En effet, de plus en plus, il y a une réelle volonté de nos compatriotes d’exprimer leurs préoccupations. La preuve, la 21e édition de cette année a reçu 234 demandes d’interpellations contre 206 pour l’année dernière. Au-delà de l’existence de cet espace d’expression démocratique et de promotion des droits de l’homme, après 20 ans, l’EID a gagné en maturité et devrait dépasser cette symbolique.
Il est vrai qu’il y a déjà des avancées, avec le dessaisissement du ministère de la justice de son organisation et la création d’un Secrétariat permanent pour sa gestion. Ce changement de l’ancrage institutionnel de l’organisation de l’EID a permis de libérer le ministère de la justice. Lequel était embarrassé à faire la police entre ses collègues et les citoyens. La création du secrétariat permanent a permis la mise en place d’une structure pérenne pour suivre l’évolution des différentes interpellations après le 10 décembre. C’est ce cadre qui organise deux ateliers annuels pour mesurer les progrès réalisés concernant les réponses données par les différents départements ministériels. L’année dernière par exemple, sur les 1O3 interpellations retenues, 76 ont fait l’objet de réponses de la part des différents ministres. Sur 76 réponses, seulement 10 interpellations ont été entièrement satisfaites. Il s’agit notamment de l’intégration de 407 enseignants communautaires dans la fonction publique des collectivités territoriales en 2015, en plus de 500 autres en 2014, du financement de la formation du Collectif des bénéficiaires en embouche bovine de Mopti et la régularisation de la situation des arriérés d’heures supplémentaires d’encadrement de mémoire de thèse d’un professeur. Sur ces réponses données, 27 autres sont en souffrance et attendent de connaître un meilleur sort. C’est dire combien il y a encore des efforts à faire.
Il est vrai que lors de l’ouverture de cette 21e édition, le Médiateur de la République a fait de bonnes prospectives pour renforcer l’EID. Mais nous devons aller au-delà de ces déclarations d’intentions pour poser des actes plus concrets. En effet, en rapport avec le Secrétariat permanent, le Médiateur de la République doit mettre en place un mécanisme de suivi plus rigoureux des réponses données par les départements ministériels. Ce mécanisme doit faire le point des demandes satisfaites à chaque trois mois et rendre compte à l’interpellateur. Ce mécanisme doit aller au-delà d’un groupe de réflexion qui se limite simplement à des réunions et à des recommandations. Ses membres doivent aller sur le terrain, s’entretenir avec les ministres pour faire un rappel périodique des engagements que ces derniers auront pris devant le peuple. C’est comme cela que l’EID gagnera en crédibilité avec des résultats tangibles. C’est comme cela que nous allons entretenir l’engouement qu’il a suscité à ses débuts. En effet, l’EID était comme une fête nationale. A chaque édition, la salle était pleine. C’est loin d’être le cas ces dernières années, avec notamment les frustrations de plus en plus nombreuses.
Il est donc urgent que l’EID fasse son autocritique pour que notre pays gagne davantage en crédibilité aux yeux des partenaires et ainsi le Maliba pourrait être une source d’inspiration pour d’autres pays.
Youssouf Diallo
Source : La Lettre du Peuple