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Eaux souterraines au Mali : LES ENJEUX DE LA GESTION ET DE LA PROTECTION

Aristote disait : «Ce qui est commun au plus grand nombre fait l’objet des soins les moins attentifs». Face au défi du changement climatique, à l’urbanisation ainsi qu’à l’augmentation de la population, la ressource en eau subit. Cette problématique est l’une des plus graves de nos jours. On estime que les éventuelles guerres du futur auront pour source la recherche de l’accès à l’eau.

Pourtant l’aggravation du problème lié à l’eau n’est due qu’aux activités anthropiques. L’eau douce se fait rare. Ses usages se multiplient en fonction du développement et des besoins. Pendant ce temps, le niveau de pollution des cours d’eau et des nappes phréatiques ne cesse de croitre. Ainsi plusieurs cours d’eau ont déjà disparu et beaucoup sont à l’agonie. Les eaux des nappes dans beaucoup d’agglomérations sont contaminées donc impures à la consommation. Les pluviométries deviennent très aléatoires. En terme simple, il y a toujours plus de monde et de moins en moins d’eau pour les faire vivre tous.
Malgré une prise de conscience affichée par la mise en place de stratégies comme les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD) et encore plus spécifiques, les Objectifs du Développement Durable dont l’objectif 6 vise : «l’accès à l’eau salubre et à l’assainissement ainsi que la prévention de la pollution et du gaspillage tout en améliorant la conservation des sources, la coopération transfrontière, le transfert de technologies et la participation de tous les acteurs à l’échelle locale», la situation de la distribution et de la préservation des ressources en eau demeure un défi. Essentiellement, c’est dans les pays en voie de développement que la gestion des ressources en eau est des plus inquiétantes. Cette situation tient au fait que généralement dans ces sociétés au-delà du manque de moyens, les pouvoirs négligent ou méconnaissent les caractéristiques de la ressource en eau et ne considèrent que sa fonction production à savoir : pomper, traiter, distribuer, user collecter et rejeter. Pour certains, l’eau est naturellement infinie.
Dans le cas du Mali, il appert que la disponibilité de l’eau, en ce qui concerne sa quantité, ne pose pas problème. Selon les normes internationales, le seuil de pénurie est estimé à 1 000 m 3 d’eau par habitant et par an. Mais le Mali «pourrait offrir» plus de 10 000 m 3 d’eau par an à chacun de ses citoyens. Le pays dispose donc d’une grande quantité de ressource en eau. Aussi cet énorme potentiel n’est exploité qu’à 0,2%. De ce fait, c’est plus de 30% de la population malienne qui n’a toujours pas accès à l’eau facilement. Ce qui constitue un véritable obstacle au développement du pays.

POLITIQUE NATIONALE DE L’EAU. Relever le challenge de la mobilisation et de la préservation de la ressource en eau passe par l’appropriation du défi à travers la capacité de financement des politiques mises en place. Or il est important de noter qu’au Mali, 85% du financement total pour la valorisation de la ressource en eau, est pris en charge par les partenaires extérieurs. Est-ce un aveu d’impuissance? Sinon, pourquoi tant de bruit pour peu d’initiatives pragmatiques? Le Mali a participé à plusieurs échanges et rencontres pour signer plusieurs conventions qui consacrent directement ou indirectement l’importance d’une bonne gestion de l’eau. Ainsi dans le souci d’atteindre ses objectifs ou de respecter ses nombreux engagements, le pays a mis en place la Politique nationale de l’eau.
Cependant, l’analyse du régime institutionnel de la ressource au Mali montre que ce dernier n’est ni cohérent ni étendu. En sus, il y aurait un écart patent entre les règles en vigueur et les règles en usage, dû à un manque d’effectivité des lois. A titre d’exemple, certains principes de la Politique nationale du Mali comme «le pollueur payeur» ou «le préleveur payeur» ne trouvent pas leur applicabilité dans le contexte du pays. La participation du public dans les décisions reste vains mots. La gestion se veut intégrée mais manque toujours de représentativité des différents acteurs.
Les ressources en eaux souterraines du Mali sont estimées à 2700 milliards de m3 de réserves statiques avec un taux annuel de renouvellement évalué à 66 milliards de m3. Elles représentent la principale source pour l’alimentation en eau potable des populations. Le pays compte véritablement s’appuyer sur la mobilisation de cette ressource pour l’atteinte des Objectifs du Millénaires (OMD) qui est l’accès de 75% de la population à l’eau potable. Mais sa mobilisation se bute à des problèmes tels que son inégale répartition sur l’étendue du territoire ainsi que la pollution.
Il n’y a pas vraiment de données fiables quant à l’exploitation des eaux souterraines au Mali. Les seules informations dont nous disposons concernent réellement les réalisations dans le cadre des politiques d’Etat. Ainsi les informations provenant de la Direction nationale de l’hydraulique (DNH) donnent 15100 forages positifs et 9400 puits modernes à grands diamètres. Or la tendance est que la mobilisation des aquifères est véritablement à la mode.

LE NORD DU MALI. Le forage est devenu la solution d’accès à l’eau potable pour les zones en dehors de la desserte de la Société malienne de gestion de l’eau potable (SOMAGEP). Beaucoup de familles aisées ont aussi recours aux aquifères pour soit faciliter leur accès à l’eau, soit pour diminuer leur facture d’eau du service public. Dans les fermes, l’installation d’un forage est devenue un préalable, une condition à toute exploitation agricole. Cependant, ces nombreuses sollicitations conduisent à des problèmes tels que la gabegie, la pollution et/ou l’assèchement de poches d’eaux souterraines. Ainsi pendant que d’autres sont dans le besoin, d’autres gaspillent. De ce fait, il est urgent que le gouvernement prenne des mesures pour une meilleure gestion des aquifères au Mali.
Dans beaucoup de pays, l’Etat régule l’exploitation des eaux souterraines. C’est le cas du Maroc où chaque projet de forage doit sa réalisation à l’autorisation préalable des autorités. Cette politique permet au Royaume chérifien de contrôler les prélèvements et donc d’éviter tout risque d’assèchement des poches de nappe phréatique.
Selon Garrett Hardim, la tragédie des biens communs est inexorable tant que l’on garantira le libre accès à la ressource. La population malienne dans sa totalité consomme près de 107 millions de m 3 par an. La majeure partie provient des eaux de nappes. Ce qui nous pousse à nous poser certaines questions : Et si le Mali valorisait ses ressources aquifères? Si les eaux de nappe devenaient source de recettes pour l’Etat ? L’Etat pourrait organiser, réguler et même contrôler la mobilisation des aquifères comme il le fait avec les eaux de surface à travers la Société malienne de gestion de l’eau et l’Office du Niger. Dans cette optique, la création d’un office pour la gestion et la protection des aquifères serait l’idéale. Il s’agira d’imposer un compteur sur les bouches de forage pour retirer là encore des redevances. Cela ne devra pas néanmoins concerner les zones prétéritées. Ce nouvel office comprendra alors une police des eaux, comme recommandée dans la Politique nationale de l’eau, pour veiller aux respects des règles
Cette solution peut servir à créer des emplois dans un pays aux besoins incontestables. Enfin les ressources pourraient surtout permettre à l’Etat de financer les réalisations d’infrastructure dans le nord du Mali. Cependant, pour mieux profiter de la valorisation des aquifères au Mali, il est essentiel de connaître la ressource, c’est-à-dire l’emplacement des différentes poches d’eaux souterraines sur le territoire, leur quantité et leur qualité. Une estimation des recettes des redevances provenant de l’utilisation des eaux surfaciques pousse à considérer différemment la valeur des eaux souterraines. Lorsqu’on sait la valeur des eaux souterraines, on les gère différemment.

 

Source: Essor

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