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Du peuple comme réel acteur politique

L’idée de la souveraineté populaire n’est pas un nouveau débat en politique, elle a de tout temps existé. Beaucoup d’intellectuels au rang desquels des philosophes en ont fait leur cheval de bataille. Qu’à cela ne tienne, dans l’histoire de la philosophie française, le plus grand représentant de cette idée est Jean Jacques Rousseau. Celui-ci prône la souveraineté du peuple afin d’éviter l’individualisme du pouvoir politique. À cet effet, Rousseau se hisse contre toute idée de représentation du peuple. Car une fois qu’il accepte de se représenter, il sacrifie sa liberté, il ne sera jamais libre. Alors, c’est à lui de définir les lois qui doivent être appliquées sur lui.

Cette idée de Rousseau trouve ses confirmations chez Popper qui attribue un pouvoir magique à la politique, un pouvoir susceptible de corrompre n’importe qui, même le plus vertueux des hommes. Nul ne peut être à l’abri de ce pouvoir corrupteur. Par conséquent, il revient aux citoyens de veiller sur les dirigeants, ils doivent les contrôler dans l’exercice de leur fonction.

Au Mali, ces dernières années, les dirigeants sont devenus des monarques qui ont réduit le peuple aux élections. Si le peuple peut s’exprimer, c’est uniquement pendant les élections. Mais, même là, il n’est pas libre puisque les candidats démocratiques courent en ce moment derrière lui avec du  thé et du  sucre, des t-shirts, des ballons, et plein d’autres objets d’une nécessité limitée pour qu’il vote pour eux. Cette corruption à grande échelle est ce qui constitue de nos jours le plus grand danger de la  démocratie malienne.

Une fois les élections terminées, les citoyens sont ipso facto voués au second plan, ils deviennent des épaves sans utilité et n’ont plus le droit de s’exprimer.  Ce comportement est ce que Popper appelle de la « Tyrannie » puisqu’elle conduit  irrémédiablement à des émeutes au sein de la nation.

Le monarque se sentant le seul dépositaire du pouvoir s’arroge le plein pouvoir ou se donne un pouvoir incontesté. Cela peut se corroborer par les diverses tentatives que font beaucoup d’entre eux afin de changer les constitutions en place. Dans la plupart des cas, ces constitutions sont changées afin de sauvegarder certains de leurs intérêts personnels. C’est ce qu’a compris le peuple malien en 2017. Bien vrai qu’entrée en vigueur, la nouvelle constitution tchadienne continue à semer le désordre.

Tous ceux-ci dénotent d’une volonté de centralisation du pouvoir. La politique ne doit pas être une question de spécialisation, chacun peut y avoir son mot à  dire si le problème auquel il doit s’entretenir lui est clairement expliqué. Alors, les dirigeants maliens doivent prendre le soin et le courage d’expliquer clairement tous les problèmes auxquels la nation est confrontée pour permettre aux citoyens d’apporter leur contribution, de faire leur proposition même s’il va falloir aux dirigeants de créer des sites web sur lesquels les citoyens peuvent intervenir pour proposer leur solution face à tel ou tel problème de la nation.

La discussion doit alors être au centre de la gouvernance politique. Cependant, le rôle du peuple doit être celui de critiquer ; il doit dénoncer tout ce qui est mauvais pour la nation. Il doit imposer aux dirigeants une gestion au « coup par coup » leur permettant de s’intéresser aux problèmes réels de la nation et non pas à ceux de leur famille ou de leur parti politique. Alors, le peuple doit être actif pour empêcher toute corruption du pouvoir. C’est d’ailleurs pourquoi Jacques Rancière pense qu’il n’y a pas de peuple sans action. Le peuple existe du moment où il fait sa « deuxième naissance », c’est-à-dire sort de lui-même pour se libérer d’une dictature.

Par ailleurs, c’est ce qui amena Rancière à faire une distinction entre ce qu’il appelle « politique » et ce qu’il nomme « police ».  La politique est alors vue par ce dernier dans le sens d’une subjectivation c’est-à-dire qu’elle suppose l’existence d’un sujet politique prêt à agir au nom de la liberté et de l’égalité de tous. La politique vise à rendre visible ce qui était invisible, à rendre audible ce qui n’était que du bruit. La politique est alors cette activité grâce à laquelle nous donnons une part aux « sans-parts », c’est-à-dire aux pauvres. C’est une activité visant l’instauration d’une égalité grâce à laquelle le peuple devient un véritable acteur dans la gestion du pouvoir politique.

Outre ceux-ci, il faut noter aussi  qu’une autre alternative de  sortie  de crise s’offre au Mali. Si nous voulons donner au Mali un développement durable,  débarrassé de tous ces groupes instrumentalistes, il faut favoriser  la cohésion sociale. Car comme on le dit généralement : « C’est l’union qui fait la force ».

Cependant, le Mali, dans ses actions, doit privilégier le dialogue dans la Résolution de toutes ces crises qui sévissent sur le territoire national. Cela est une condition sine qua non au développement.  Sans paix, pas de développement. Il existe un rapport étroit entre ces notions. Lorsqu’un pays compte sur tous ses habitants pour l’instauration de la paix, alors, cela démontre qu’il y’a une union parfaite entre ses citoyens. Cette solidarité fera que chacun luttera pour la sécurité de tous et aussi pour un développement durable. C’est d’ailleurs ce que nous dit Boutros Boutros-Ghali : « La paix, l’économie, l’environnement, la justice sociale et la démocratie constituent les piliers du développement. »

La prise en compte de ce quinquivium est nécessaire pour redonner au Mali, mais aussi à toute l’Afrique le développement souhaité, un développement sans guerres,  dans un environnement sain, dans la cohésion sociale et la participation citoyenne aux affaires de la nation.

Il faut la promotion des droits de l’homme. La protection des droits amène forcément le développement puisque ce respect empêcherait un groupe d’hommes d’exploiter un autre. C’est ce que Popper appelle le protectionnisme. L’État doit intervenir pour protéger les faibles contre toute exploitation des riches. Cela revient à souligner l’importance qu’il y’a à protéger les droits des uns et des autres. Nul ne doit être contraint à se soumettre à l’esclavage. Tous les hommes ont les mêmes droits et doivent agir librement les uns envers les autres.

En conséquence de cette égalité juridique des hommes, il revient aux gouvernants de soutenir la concertation, le débat doit être au centre des prises de décisions  démocratiques. Aucune couche sociale ne doit être négligée dans les prises de décisions. Cela constitue une valeur traditionnelle de notre pays communément connue sous le nom de « l’arbre à Palabre ».  Cet arbre qui existait quasiment dans chaque village était une sorte d’assemblée nationale où les notables du village se retrouvaient pour discuter de tous les problèmes touchant la survie du village.

Ibrahim Boubacar Kéïta et son gouvernement ainsi que tous les dirigeants ou gouvernants à venir ne doivent pas négliger le rôle du peuple dans la bonne gouvernance. Ce groupe longtemps défavorisé, ces « déclassés sociaux », ces « sans voix », doivent être comptés désormais parmi le rang des décideurs politiques de la nation. Cela constitue une sorte de démocratie participative imposant la participation des citoyens aux affaires de la nation.

Cette participation citoyenne et surtout à travers le dialogue est une condition sine qua non du développement du Mali et constitue une solution amiable pour mettre un terme au terrorisme. Des faits nous démontrent la puissance des arguments dans la résolution des crises. Nous avons été témoins du cas Yahya Jammeh en Gambie. Un candidat malheureux à sa propre succession, mais qui refuse de céder sa place à son successeur démocratiquement élu, Adama Barow . Alors, dans un premier temps, c’était la violence qui était l’option choisie, mais plus tard la communauté internationale a eu peur de faire tomber la Gambie dans une forme de guerre civile comme celle de la Côte d’Ivoire. Par conséquent, le dialogue a été privilégié et Yahya Jammeh a cédé  la place.

Fousseni TOGOLA

Source: Le Pays

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