La visite du président américain Barack Hussein (comme il a aimé le souligné cette fois-ci) Obama, en Afrique, était émouvante sans l’ombre d’un doute. Il s’agissait de la première visite officielle du président au Kenya et en Ethiopie où des milliers de personnes l’ont accueilli chaleureusement et lui ont rendu hommage avant de l’écouter.
Ses discours combinaient l’émotionnel et le rationnel. Il a beaucoup parlé de son rapport personnel avec l’Afrique, de la patrie de son père mais aussi du futur du continent au potentiel énorme et de sa croissance économique qui devrait s’accroître dans le futur. Il a également insisté sur le changement nécessaire de la condition de la femme appelant ses hôtes à ne pas renoncer à la moitié de leurs populations et à ne pas laisser les femmes dans une position d’infériorité par rapport aux hommes.
Néanmoins nous avons droit à un Obama très différent de celui qui prononça le discours du Caire, le 27 juin 2009 au cours de sa première visite en Afrique. Le monde attendait d’écouter celui qui était entré en fonction quelques mois auparavant. Il était en effet audacieux et subjuguait les foules. Il est fort probable qu’une partie des jeunes qui ont brandi la bannière de la révolution un an et demi plus tard faisait partie de l’auditoire alors que le président américain s’adressait au-dessus d’eux aux dirigeants de leur pays.
Le président égyptien de l’époque, Hosni Moubarak craignait la visite d’Obama et n’avait pas pris la peine de le recevoir à l’aéroport alors que le président américain déclarait ne pas vouloir entrer en conflit avec l’Islam. Obama souhaitait que les droits de l’homme soient respectés et qu’une démocratie soit mise en place dans le plus grand et plus important des pays arabes.
Le chef de la superpuissance américaine, issue d’une minorité défavorisé, aurait pu conseiller ou même exiger de son hôte un changement de régime. Son message n’était pas aussi subliminal qu’on le pense : l’alliance stratégique entre l’Egypte et les Etats-Unis ne peut pas couvrir les atteintes aux droits civils et aux principes démocratiques de cet Etat. L’Amérique demandait aux dirigeants égyptiens un changement. Fidèle à lui-même, Obama s’était refusé à donner un coup de main à Moubarak lorsque la place Tahrir du Caire réclamaitle départ du vieux Raïs..
Le président américain a ainsi envoyé un signal aux autres alliés de son pays, comme l’Arabie Saoudite, à savoir que rien ne dure éternellement. Ces alliances ne l’empêcheraient pas de tourner le dos à leurs dirigeants si leur opinions publiques les rejetaient.
Le discours de Barack Obama à Addis Abeba le 27 juin 2015 était d’un tout autre genre. Non pas qu’il ait évité les sujets des droits de l’homme et des atteintes à la démocratie mais il est évident que ce n’était pas son message principal.
Son message central a eu trait à la nécessité de lutter contre le chômage, à la stimulation des investissements et à l’encouragement à l’innovation. Il a également souligné la condition de la femme dans la société et la nécessité de garantir les droits des citoyens mais lorsqu’il a évoqué le gouvernement éthiopien, il a rappelé à deux reprises que celui-ci a été élu démocratiquement.
Nombreux sont ceux, en Ethiopie comme à l’étranger, qui ont froncé les sourcils. Les dernières élections éthiopiennes ont été d’un point de vue “démocratique” parmi les plus bizarres de l’histoire. Tous les candidats élus au parlement font partie du parti politique au pouvoir ou sont membres d’un parti de la coalition. 100% des voix ! Il n’y a pas un seul représentant de l’opposition dans les assemblées parlementaires.
Il est difficile d’imaginer qu’Obama aurait tenu de tels propos il y a six ans. Aurait-il compris qu’il est impossible de garantir une coopération avec des pays étrangers et à la fois critiquer leurs gouvernements? Se pourrait-il qu’Obama, fervent supporter des droits de l’hommes, soit arrivé à la conclusion que la stabilité, même assurée par des conservateurs, est préférable à Boko Haram et à l’Etat islamique?
Il y avait quelque chose de triste face à cette réalité. L’homme qui scandait “Yes we can!” (“Oui nous le pouvons”) dit aujourd’hui “We can’t have it all” (“Nous ne pouvons pas tout avoir”). Barack Obama arrive au terme de son second mandat alors qu’il est obligé de faire face à la “real politik”. Le libéral dont les cheveux ont blanchi donne, involontairement, son meilleur atout aux conservateurs : deux cents ans après le Congrès de Vienne, il préfère en fait revenir aux principes conservateurs de ce Congrès plutôt que d’encourager les jeunes Africains à se battre pour la liberté.
Le Dr. Yossi Beilin est le président de Beilink Consulting Business. Il a été trois fois ministre. Il fut député de la Knesset pour les partis Avoda et Meretz. Il a été l’un des pionniers des accords d’Oslo, de l’Initiative de Genève et de Birthright (Taglit).
Source: i24news.tv