Obsession névrotique de dissimulation de l’implacable réalité des chiffres, désinvolture et mépris souverain, les tergiversations sur le nombre de victimes de Sobane Da traduisent une gouvernance erratique qui mène le pays de Charybde à Scylla. Comparaison de deux communiqués diamétralement opposés.
Alors que le peuple malien est abasourdi par le drame de Sobame Da qui devrait heurter toute conscience, voici un Gouvernement, avec toute la grivoiserie qu’on lui connaît, qui en rajoute à la confusion.
C’est bien le Gouvernement de la République du Mali qui, dans son communiqué du 10 juin 2019, annonçait de la façon la plus solennelle possible : ‘’le bilan provisoire établi par une mission du Poste de Sécurité de Diankabou dépêchée immédiatement sur les lieux, en présence du maire de Sangha, fait état de 95 morts et de 19 portés disparus, plusieurs animaux abattus et des maisons incendiées. Des renforts sont actuellement déployés dans le secteur et mènent un large ratissage pour traquer les auteurs’’.
Le même Gouvernement de la même République du Mali, hier 12 juin, se fendait d’un deuxième communiqué (espérons que ce soit le dernier sur cette question) dans lequel il se dédie. ‘’Le Gouvernement de la République du Mali informe l’opinion nationale et internationale que suite à la mission des enquêteurs effectuée ce jour, mardi 11 juin 2019 dans le village de Sobame, le nombre de personnes tuées a été ramené de 95 à 35 (11 adultes et 24 enfants)’’.
Il explique ce nouveau décompte : ‘’ce nombre résulte d’un décompte minutieux effectué par une équipe constituée d’éléments de la protection civile, de médecins légistes du procureur de la République’’. Voici l’aveu type de culpabilité. Par cette justification, le Gouvernement reconnaît que le premier décompte n’était pas minutieux ; qu’il n’était pas sérieux. Il a donc cédé à la précipitation.
Mais va-t-on se contenter d’un tel discours aussi cousu de fil blanc ? Non, parce que c’est le même Gouvernement de la République du Mali qui annonçait des chiffres sur la foi du bilan provisoire établi par une mission du Poste de Sécurité de Diankabou dépêchée immédiatement sur les lieux. Non, parce qu’il y a une forte odeur de manipulation frauduleuse du bilan chiffré qui au lieu d’être revu à la hausse, avec la découverte de nouveaux corps, est diminué d’environ 75%. Ce, d’autant qu’une différence de 60 victimes ne relève nulle part au monde de la marge d’erreur, d’une proportion négligeable. Ce, d’autant plus que les Maliens ne feraient pas l’insulte aux soldats dépêchés sur les lieux d’être incapables de compter de 1 à 100. N’importe quel adulte, en pleine possession de ses facultés mentales (ce doit être le cas des militaires), pourrait faire un tel décompte. Alors, pourquoi le Gouvernement voudrait-il coûte que coûte cacher la vérité des chiffres ?
Le Gouvernement pousse son argumentaire poussif et bancal en précisant: ‘’au sujet des 95 précédemment annoncés, le chef du village de Sobame a témoigné que cela correspondait aux morts et disparus combinés’’. Ainsi, incapable d’assumer les conséquences fâcheuses de sa précipitation coupable, le Gouvernement met aux encans un chef de village traumatisé. Le bouc émissaire choisi est d’autant plus la mauvaise personne que dans le communiqué du 10 juin du Gouvernement, il n’est nulle part fait mention de lui. Ce n’est pas lui qui a affirmé qu’il y a eu 95 morts ; c’est bien la mission militaire qui a fait le décompte en présence du Maire de Sangha. Pour revoir le nombre de victimes à la baisse, le pauvre chef de village, dont on ne s’encombre même pas de prendre en compte l’affliction est chargé de l’impertinence des autres. Quel cynisme politique !
Une communication très mal maîtrisée, des intentions douteuses sur fond d’insulte à l’intelligence des Maliens, voici ce qu’on peut retenir de ces sorties abracadabrantesques du Gouvernement de la République du Mali. C’est affligeant.
PAR BERTIN DAKOUO
Info-Matin