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Dr Aly Tounkara sur la mission du Conseil de sécurité : « C’est une visite de réaffirmation des positions déjà connues…»

Une mission du Conseil de sécurité des Nations unies a séjourné au Mali les 23 et 24 octobre derniers. Dans les lignes qui suivent, Dr Aly Tounkara, directeur du Centre des études sécuritaires et stratégiques au Sahel (CE3S) livre son analyse sur les enjeux de cette visite pour notre pays et pour la suite de la Transition en cours

 

D’entrée de jeu, Dr Aly Tounkara fait remarquer que la visite régulière du Conseil de sécurité des Nations unies n’a rien de surprenant. Selon lui, les Nations unies sont engagées au Mali depuis le début de la crise de 2012. Et de ce fait, il est normal que des visites régulières soient conduites par les membres permanents et non permanents du Conseil de sécurité. Même s’il analyse cette visite sous cet angle, le chercheur fait cas du contexte.

Selon lui, aujourd’hui, entre le Mali et la France de même que le Niger, le courant ne passe pas ou passerait très difficilement. Or, les membres qui composent cette délégation comprennent un Français et un Nigérien. De ce fait, il dira qu’il serait difficile que cette visite aboutisse à des compromis qui soient salués. Pour Dr Tounkara, les positions des ténors de la délégation sont déjà affichées et connues du public. C’est pourquoi, il serait étonné que le Mali soit compris par la France et le Niger même si le Kenya et les états-Unis font partie de la délégation.

«C’est une visite de réaffirmation des positions déjà connues de tout le monde notamment celle du Niger, de la France et des états-Unis. Mais ce serait aussi une occasion pour les membres du Conseil de sécurité de réaffirmer leur attachement au pouvoir civil, de dire aux militaires qu’il est extrêmement important que le pouvoir transitoire ne perdure et ne s’éternise», a analysé Dr Tounkara.

Sans être dans le secret des discussions, le chercheur estime que les points de vue ne vont pas s’accorder sur le calendrier électoral de même, sur la manière dont le Mali entend clairement s’autonomiser vis-à-vis des partenaires, en termes d’offre et de demande de sécurité.

CONTRADICTION- S’agissant du calendrier électoral, le directeur du CE3S pense qu’au regard de la situation sécuritaire délétère avec l’expansion de la menace terroriste, vouloir aujourd’hui tenir les élections au nom de la démocratie serait une contradiction. Pour lui,qui parle de démocratie, parle nécessairement de la volonté populaire affichée et exprimée dans les urnes.

Or, au Mali, une bonne partie du territoire échappe au contrôle de l’état. Ainsi, si les élections venaient à être faites, beaucoup de localités notamment le monde rural seraient exclues du scrutin.

Le chercheur souligne qu’on ne peut pas résumer la sortie de crise à la tenue des élections. Il rappelle à cet effet que la crise a commencé avec le régime démocratiquement élu d’Amadou Toumani Touré et qu’elle s’est métastasée sous celui démocratiquement élu d’Ibrahim Boubacar Keïta.

C’est pourquoi, il estime que l’argumentaire qui consiste à vouloir réduire la normalité à la tenue des élections dans le contexte malien est difficilement soutenable. Toutefois, Dr Tounkara dira qu’il faut écouter les voix dissidentes qui pensent qu’il faut aller aux élections. Selon lui, les Maliens doivent s’écouter et s’accorder sur une position commune.

Dans ce sens, il a fait référence aux grandes puissances militaires comme la France, l’Allemagne ou d’autres pays, tels que le Canada et les états-Unis qui, chaque fois que la vie de la nation est menacée, forment un bloc homogène tout en mettant de côté, les querelles partisanes et politiques. Pour Dr Tounkara, les Nations unies n’agissent pas de façon désintéressée car ce sont des états qui ne se battent que pour leurs propres intérêts.

D’après lui, il est de la responsabilité des Maliens de comprendre qu’au bout du tunnel, ils sont les seuls maîtres de leur sort. « Ce n’est ni la France, ni la Russie, ni les Nations unies qui viendront bâtir le nouveau Mali, tant réclamé par les Maliens. Il est extrêmement important que les Maliens aient cet esprit de solidarité à des périodes dures où l’état est aux abois », insiste le chercheur, qui déplore le fait que les autorités ont du mal à inculquer cette culture de solidarité aux populations.

PROROGATION- Parlant de la Transition, le chercheur estime qu’elle vaêtre prorogée, ajoutant que nier cela revient à nier l’évidence. Cependant, le directeur du CE3S pense qu’il faut emmener les Nations unies à comprendre l’utilité d’une telle prorogation. Pour ce faire, il préconise que le ministre des Affaires étrangères et de la Coopération internationale essaye de convaincre ou, à défaut, expliquer la démarche entreprise par les autorités de la Transition, en termes de reconquête du territoire national.

Mais aussi, qu’il fasse des parallèles entre la situation actuelle et la tenue des élections précédentes, notamment sous le président Ibrahim Boubacar Keïta en vue d’amener un certain nombre de puissances à comprendre le Mali. «Le nationalisme est une réalité, l’optimisme pour un avenir grandiose est une bonne chose. Mais lorsque le pays est aux abois, nous devons rester dans un optimisme prudent, très mesuré», insiste le chercheur, qui conseille aussi le dialogue avec les partenaires qui sont au chevet du Mali.

Pour Dr Aly Tounkara, que ce soit la Force Barkhane ou la Minusma, ce sont des partenaires qui comptent même pour une partie de la souveraineté du Mali. «On ne peut pas parler d’élections sans ces partenaires parce qu’ils sont sur le territoire à la demande du Mali», souligne-t-il. Même si les autorités maliennes ne sont pas d’accord avec ces partenaires sur un certain nombre de choses, le chercheur trouve qu’il est de la responsabilité de l’élite militaire au pouvoir d’emprunter une approche pédagogique allant vers eux et ne pas les voir comme des ennemis.

Dr Tounkara estime aussi qu’il est important que les autorités de la Transition cherchent à avoir le soutien d’un grand nombre de partis politiques dans la perspective du report des élections. Si cela est fait, dit-il,ce serait un gage de légitimation aux yeux de la Cedeao et même des Nations unies.

Dieudonné DIAMA

Source : L’ESSOR

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