Deux mois après le début de la guerre au Mali, un bras de fer oppose le gouvernement à la presse. Les journalistes maliens ont décidé de lancer à compter de mardi une opération “presse morte” jusqu’à la libération d’un journaliste arrêté la semaine dernière par la sécurité d’Etat. “Nous avons décidé de ne pas paraître et de ne pas diffuser, par voie des ondes, jusqu’à la libération de notre confrère“, a déclaré à la presse, lundi, Sambi Touré, directeur de publication d’Info Matin, quotidien malien. Au cours d’une assemblée générale, plusieurs journalistes ont pris la parole pour “dénoncer les violations répétées de la liberté d’expression au Mali”. Interrogé par Metro, Cheick Dia, journaliste au quotidien national l’Essor précise que cette affaire “fait la Une des journaux depuis des jours”.
Le directeur de publication du quotidien Le Républicain, Boukary Dao, a été arrêté le 6 mars à Bamako en raison de la publication d’une lettre ouverte de soldats contre Amadou Haya Sanogo, chef du comité de réforme de l’armée. Dans cette lettre adressée au président par intérim Dioncounda Traoré, “des soldats au front” se disent “révoltés par les avantages accordés” au capitaine putschiste Sanogo, à l’origine du coup d’Etat du 22 mars 2012. “Nous avons appris que pendant que nous mourons, nous, dans le grand désert, le capitaine Sanogo, pour avoir fait un coup d’Etat et mis le pays dans la situation que nous connaissons, doit bénéficier d’un salaire de quatre millions FCFA” (plus de 6.000 euros) par mois, indique cette lettre signée d’un certain “capitaine Touré”.
“Pousser les troupes à déserter dépasse la liberté de la presse”
La lettre poursuit : “Si cette décision n’était pas annulée dans les deux semaines suivantes, nous cesserons de combattre”. Lors d’une conférence de presse lundi à Nouakchott (Mauritanie), le président malien a vivement dénoncé ces propos : “Nous sommes en situation de guerre, tout Malien doit avoir une conscience aiguë de la portée de ce qu’il peut dire ou écrire. Car pousser les troupes à déserter, à quitter le front (…) dépasse la liberté de la presse.”
Cheick Dia, dont le journal n’a pas encore reçu de consigne de mobilisation, a un avis mitigé sur l’opération “presse morte”. S’il est pour lui nécessaire de soutenir un confrère, c’est en revanche “une faute de la rédaction d’avoir publié une lettre en prétendant taire le prénom du signataire alors que seul le nom de famille permet de l’identifier”. Autre zone d’ombre relevée par Cheick Dia : le signataire de la lettre n’a toujours pas été identifié, alors que “tout le monde connaît les personnes au front”. Le Républicain a-t-il voulu propager ses idées sous couvert d’un “capitaine Touré” imaginaire ?