L’un procède par tirs de roquette, attentats meurtriers, attaques à l’engin explosif improvisé, enlèvement et décapitation, quand l’autre sème la mort sous la forme d’une fièvre hémorragique virale aigüe, accompagnée d’une atteinte irréversible du système immunitaire. S’ils ne sont pas au même stade de développement en Afrique de l’Ouest, le virus Ebola et le virus terroriste emportent la même conséquence : la mort et la désolation dans les régions touchées. L’un et l’autre, après avoir détruit certaines zones, s’en prennent sans cesse à de nouveaux territoires. Tour d’horizon des sinistres similitudes entre les deux menaces majeures de notre temps.
On ne compte plus le nombre de villes, le nombre de pays touchés par ces deux virus mortels : quand le djihad s’attaque au Mali, à l’Algérie, à la Mauritanie ou au Niger, Ebola s’en prend au Liberia, à la Sierra Leone ou à la Guinée… Mais ni l’un ni l’autre ne semblent vouloir s’arrêter là. A la lisière de ces deux zones, le Burkina Faso fait partie de ces nouvelles niches. L’annulation ou le report de plusieurs salons et sommets internationaux, comme le Sommet extraordinaire de l’Union africaine sur « l’emploi, l’éradication de la pauvreté et le développement inclusif », qui devait se tenir le 2 septembre dernier, est le dernier témoignage de l’autre peur que fait désormais planer le virus Ebola.
Les chiffres qui traduisent l’ampleur de cette double menace sont éloquents. Au 1er octobre, l’OMS confirmait 2970 morts par Ebola depuis le début de l’épidémie, un chiffre qui correspond exactement au nombre de djihadistes engagés dans la sous-région. Le taux de mortalité des malades contaminés par Ebola peut atteindre 70 % dans les 3 pays les plus touchés en Afrique de l’Ouest, où 1000 nouveaux cas sont désormais recensés chaque semaine depuis début septembre. Ce taux risque d’être à peu près aussi élevé pour ceux qui se sont engagés dans le terrorisme et, malheureusement, pour ceux qui le combattent. Le virus djihadiste a déjà tué 30 soldats de l’ONU depuis juillet 2013, dont 20 depuis début septembre, et fait plusieurs centaines de morts dans les rangs terroristes, qui se nourrissent sans cesse de la venue de nouveaux candidats au suicide. Si la contagion se poursuit, on parlera bientôt en milliers ou même en dizaines de milliers, comme dans l’Etat Islamique, en Irak, autre foyer djihadiste proliférant qui compte aujourd’hui 30 000 membres, dont 10 000 venus hors d’Irak. 10 000 : c’est aussi le nombre de nouvelles victimes d’Ebola qui devraient être recensées chaque semaine à partir de décembre, d’après le dernier rapport de l’OMS.
Le coût économique de ces deux fléaux est là encore étrangement similaire. La Banque mondiale estime ainsi à 32 milliards de dollars les conséquences de l’épidémie Ebola, entre le ralentissement de la croissance, l’augmentation des déficits, la montée des prix et la mobilisation humanitaire exponentielle. 32 milliards, c’est pratiquement la somme que l’on atteint, aussi, en additionnant l’ensemble des budgets militaires des forces en présence et la valeur des trafics régionaux dont profitent directement les terroristes.
Quelles solutions pour arrêter l’un et l’autre ? D’abord une véritable mobilisation internationale, pour obtenir des résultats significatifs. Pour arrêter l’expansion de l’épidémie Ebola, les experts de l’ONU estiment qu’il faut assurer 70 % des enterrements et isoler 70 % des cas suspects. Pour arrêter le terrorisme, les forces de l’ONU opérant au Mali devraient passer de 8000 à 11 000 hommes, comme le ministre des affaires étrangères Abdoulaye Dop le réclamait le 9 octobre dernier. Les autres solutions envisagées laissent peu d’espoir à l’heure actuelle, qu’il s’agisse de la solution diplomatique dans la lutte contre le terrorisme, avec la reprise des interminables négociations d’Alger (les médiateurs sont allés présenter leur synthèse le 17 octobre dernier), ou bien des vaccins dans la lutte contre le virus Ebola. Un vaccin expérimental mis au point au Canada serait d’ailleurs sur le point d’être testé sur des humains volontaires aux Etats-Unis. Une expérimentation du vaccin ChAd3 a aussi commencé le 10 octobre au Mali, pays qui n’est pas encore touché par ce virus-là…
Comme les sept plaies d’Egypte d’autrefois, ce sont bien deux plaies qui se sont abattues sur l’Afrique de l’Ouest. Et même si des solutions semblent exister, rien de tangible ne permet de croire à des lendemains meilleurs. L’horreur d’Ebola devrait peut-être faire réfléchir ceux qui s’engagent pour une cause absurde au nom du Djihad. Il est temps aujourd’hui de mobiliser tout le monde pour lutter contre Ebola, y compris les populations en proie à la tentation djihadiste. Parce qu’un seul fléau suffit.
Patrick SCHWARTZ