L’espoir avait soufflé, le 20 janvier 2009, sur les centaines de milliers de personnes rassemblées à Washington pour célébrer l’investiture du premier président noir des Etats-Unis. Le pays avait-il tué les démons du racisme, au moins en politique? Dix ans après, sous Donald Trump, le bilan est mitigé.
« Trump incarne une très forte réaction à la présidence d’Obama, mais en même temps, la population est devenue beaucoup plus multiculturelle », souligne Lara Schwartz, professeure à l’American University.
D’un côté, le républicain Donald Trump a été accusé d’employer des termes racistes, d’alimenter les doutes, chargés de xénophobie, sur les origines de Barack Obama, ou encore de laisser les nationalistes blancs « propager la haine », selon les démocrates, en ne condamnant pas clairement les manifestations néonazies de Charlottesville.
De l’autre, les Américains viennent d’élire le Congrès le plus cosmopolite de leur histoire, avec un nombre record d’élus noirs, hispaniques et issus d’autres minorités, surtout du côté démocrate.
« Nous avons fait un progrès extraordinaire » en dix ans, confie à l’AFP une élue démocrate noire de la Chambre des représentants, Joyce Beatty. Le Congrès « reflète beaucoup mieux le pays », se réjouit-elle.
Au Sénat, seuls trois élus noirs siègent, sur 100. Mais les deux démocrates, Kamala Harris et Cory Booker, sont pressentis pour être candidats à la présidentielle de 2020, tandis que l’ex-maire de San Antonio Julian Castro vient officiellement de se lancer dans la course pour devenir le premier président hispanique des Etats-Unis.
Après Donald Trump, le pays serait-il prêt à élire une nouvelle fois un commandant en chef venant d’une minorité?
« Rien ne suggère que cela puisse être un handicap, au moins pour la primaire démocrate », estime Jennifer Lawless, politologue à l’université de Virginie.
Chez les républicains, le panorama est bien moins divers, offrant d’ailleurs un contraste visuel frappant lorsque les nouveaux élus, surtout des hommes blancs, siègent à la Chambre.
Certains n’excluent toutefois pas de voir l’ex-ambassadrice américaine à l’ONU, Nikki Haley, une quadragénaire d’origine indienne, en colistière de Donald Trump en 2020, voire se lancer elle-même dans la présidentielle plus tard.
Mais la rentrée parlementaire républicaine, début janvier, a surtout été marquée par les commentaires de Steve King, élu de la Chambre, où il est connu de longue date pour ses opinions racistes.
« Nationaliste blanc, suprémaciste blanc, civilisation occidentale. Depuis quand ce langage est-il devenu offensant? », s’interrogeait-il dans un entretien au New York Times.
Influente élue républicaine de la Chambre, Cathy McMorris Rodgers affirme à l’AFP que les remarques de Steve King « n’ont pas leur place » dans le parti, qui a réagi en lui retirant ses fonctions dans les puissantes commissions parlementaires.
Mais elle reconnaît que les républicains « doivent faire plus pour s’adresser aux minorités, aux femmes et aux jeunes ».
– Les racistes sortent « du placard » –
« Je ne dirais pas qu’il existe un parti (républicain) de racistes et un autre qui fait toujours tout à la perfection », tempère Lara Schwartz. Et « Donald Trump n’a pas inventé le racisme aux Etats-Unis ».
Mais à travers sa campagne électorale abrasive, lorsqu’il traitait les Mexicains de « violeurs », puis à la Maison Blanche, le républicain a comme ouvert un espace dans cette Amérique divisée, où les opinions extrémistes peuvent désormais s’exprimer plus librement, avance-t-elle.
Le pourcentage d’Américains considérant le racisme comme un « grand problème » est ainsi passé de 50 à 58% entre 2015 et 2017, essentiellement chez les démocrates, selon l’institut Pew.
Et les Etats-Unis ont enregistré en 2017 une hausse de 57% des incidents antisémites par rapport à 2016, la plus forte augmentation depuis les années 1970, selon l’Anti-Defamation League.
Les racistes « étaient toujours là lorsque Barack Obama était président, mais ils avaient peur et se cachaient », renchérit Gregory Meeks, élu noir et démocrate de la Chambre.
« Trump leur a donné le courage de croire qu’il était désormais acceptable de sortir du placard », affirme-t-il à l’AFP.
Pour Tim Kaine, sénateur démocrate et colistier malheureux de Hillary Clinton face à Donald Trump lors de la présidentielle de 2016, les deux mandats de Barack Obama ont représenté « un gigantesque pas en avant ».
« J’ai l’impression que chaque fois que nous faisons des avancées, il y a un retour de bâton », concède-t-il. Mais « on ne retourne jamais aussi loin qu’on ne l’était. Et puis on recommence à avancer ».
Journal du mali