Comme dans d’autres pays sahéliens, les attaques de groupes armés contre les forces de sécurité se multiplient au Mali. Officiellement, Bamako et ses partenaires refusent de négocier avec les djihadistes. Des tentatives de médiation avec certains groupes radicaux ont toutefois été engagées, notamment dans le centre.
Mandaté par son association de défense des valeurs ancestrales « Faso Dambé Ton », Adama Coulibaly court dans Bamako de ministère en ministère. Entre deux rendez-vous, il raconte le périple qui l’a conduit jusqu’à Amadou Koufa, chef de la katiba Macina, laquelle, depuis 2017, fait partie d’une coalition djihadiste liée à Al-Qaida.
Alors que, comme dans d’autres pays sahéliens, les attaques de groupes armés contre les forces de sécurité se multiplient au Mali – elles ont tué environ 150 soldats maliens depuis octobre – pour contrôler le territoire, cette allégeance n’effraie pas Adama Coulibaly qui, en 2018, a entrepris des démarches pour rencontrer le terroriste et prédicateur radical. « Nous sommes restés trois jours avec lui cet été. Nous avons lu le Coran, débattu de la charia. Il nous a assuré qu’il continuerait à combattre l’État tant que la bonne et vraie justice ne serait pas instaurée », relate-il.
« Les chances de vaincre par les armes sont minces »
Dans la région de Mopti (centre) et jusqu’à la frontière du Burkina Faso, les partisans d’Amadou Koufa ont élargi leur sphère d’influence en zone rurale. Les civils sont les premières victimes de ce conflit et de la multiplication des attaques. Rien que celle, en mars, du village d’Ogossagou, a fait plus de 150 morts.
« Les chances de vaincre la katiba Macina par les armes sont minces », reconnaissait l’International crisis group (ICG) dans un rapport publié en mai. Aussi des acteurs de la société civile ou des chefs religieux multiplient-ils les appels au dialogue. Il est régulièrement question, depuis 2015, de contacts indirects, officieux, entre le gouvernement malien et les djihadistes. « Jusqu’en 2017, l’État ne voulait pas entendre parler de discussions. Finalement, à l’issue d’une large réunion au ministère de la réconciliation, les tractations pour rencontrer Koufa ont pu aboutir », poursuit Adama Coulibaly.
Son initiative n’est pas la seule à avoir obtenu le soutien implicite des autorités. L’avocat Hassane Barry et le colonel de l’armée Mamadou Lamine Konaré ont eux aussi rencontré le chef djihadiste afin de négocier, disent-ils, la libération de militaires détenus en otage. Les « discussions étaient parfaitement encadrées et connues des plus hautes autorités de l’État », écrit Hassane Barry dans un communiqué, le 26 novembre.
Officiellement, toute négociation avec les terroristes est rejetée
Pourtant « la position initiale du gouvernement n’a pas varié », argumente Yaya Sangaré, ministre de la communication. Officiellement, toute négociation avec les terroristes est rejetée. Elle a des effets « catastrophiques », insistait aussi le général François Lecointre, chef d’état-major des armées, le 27 novembre sur France Inter. De nombreux responsables maliens, y compris au sein de l’opposition, partagent ce point de vue. « Les discussions ne donneront pas grand-chose tant que l’ingrédient fondamental, la bonne gouvernance, ne sera pas là », fait remarquer Moussa Sinko Coulibaly, ancien général devenu homme politique.
« C’est pourtant le seul moyen pour ramener la paix dans le centre. Si l’État malien devient sérieux, si la France accepte que l’on discute dans le respect de nos valeurs traditionnelles, le problème aura disparu en un an », veut croire Adama Coulibaly. Cela semble vite dit, et sans compter sur le nord du pays, traversé par d’autres groupes terroristes, tel l’État islamique au Grand Sahara.