Après son échange avec la presse, le Haut représentant du président de la République pour les régions du Centre, Pr. Dioncounda Traoré, a rencontré hier jeudi 30 janvier 2020 au Cicb les organisations de la société civile et les diplomates pour les informer des missions à lui confiées par le président de la République Ibrahim Boubacar Kéïta. Il leur a demandé de se mobiliser et d’aider les Forces armées maliennes (FAMAs) pour sauver le Mali.
Au cours de sa rencontre avec les représentants des organisations de la société civile et des diplomates accrédités au Mali, le Haut représentant du président de la République pour les régions du Centre, Pr. Dioncounda Traoré, a demandé à ces forces vives maliennes de mettre de côté leurs contradictions et de se mobiliser pour le Mali. Pour lui, le seul combat qui vaille, c’est la sauvegarde du Mali. Et pour cela, il a leur a demandé d’aider les Forces armées maliennes (FAMAs) qui sont engagées dans des combats difficiles pour sauver le Mali.
Le Haut représentant du président de la République pour les régions du Centre a fait savoir ses missions qui sont, entre autres, instaurer et maintenir un climat de confiance entre toutes les communautés impliquées et entre ces communautés et l’Etat ; faciliter les échanges intra-communautaires et contribuer au rapprochement des points de vue à la lumière de l’intérêt exclusif du peuple malien ; favoriser et soutenir le redéploiement des forces de défense et de sécurité dans les régions du Centre et désarmer toutes les milices et forces hostiles ; contribuer au rétablissement des services sociaux de base ; élaborer et mettre en œuvre une stratégie globale axée sur la protection des civils et la réduction des violences intercommunautaires ; veiller à ce que les responsables de violations des droits de la personne humaine ainsi que du droit international humanitaire aient à répondre de leurs actes et soient traduits en justice ; assurer le suivi du sort réservé aux crimes perpétrés à Koulongo, Ogossagou et Sobane Da, ainsi qu’à tout autre crime semblable commis au centre du pays.
Il a informé que sa mission a mené de nombreuses activités, des rencontres et audiences pour parler des problèmes des régions du Centre. Sa mission a enregistré environ 500 contacts répartis entre les personnes ressources (cadres et personnalités politiques et religieuses, etc.), missions diplomatiques, associations culturelles, groupements d’associations, organismes nationaux et internationaux.
Il est revenu sur les causes des conflits au Mali. Et parmi ces causes, il a parlé des conflits entre éleveurs et agriculteurs qui ont été mal gérés ou pas gérés par l’Etat. Il a aussi avancé la mauvaise gouvernance, la défaillance et le retrait de l’Etat, voire son absence totale dans certaines zones. Ce qui a fait que les populations étaient livrées à elles-mêmes et ont perdu toute confiance en l’Etat dont elle n’attend plus rien. Et les conséquences ont été catastrophiques.
“L’heure de règlements de vieux conflits a sonné, engendrant des violences intra et intercommunautaires qui devaient rapidement conduire à la création de milices, de groupes d’auto-défense dont certains évolueront rapidement quant à leur première vocation”, a-t-il regretté. Et de rappeler que ces violences ont contribué à créer un banditisme opportuniste et à renforcer les trafics et la criminalité transfrontalière. Ce qui a conduit à des amalgames, à la stigmatisation trop rapide qui ont fabriqué un terreau pour tous ceux qui se nourrissent de cette situation de désordre, de conflit et de la peur ; un terreau fertile pour le terrorisme religieux, le djihadisme. Et les djihadistes, mis en mal, ont compris toutes les parties qu’ils pouvaient tirer de la manne qui leur avait été offerte par Iyad Ag et Amadou Kouffa (chef de la Katiba Macina). Ces djahidistes sont financés par des moyens orientaux qui ont choisi de semer la terreur, la misère et la désolation au Mali au nom de l’Islam.
“Ces djihadistes sont venus au Centre par des opérations de charme pour rendre la justice, aider certains habitants à récupérer leur bétail volé, par des terreurs, l’endoctrinement religieux. Ce qui a permis d’enrôler des éléments de toutes les ethnies du Centre, Dogonons, Bozos, Peulhs, Dafings, Bambara, etc. Et les ressortissants de ces ethnies sont utilisés pour des opérations ciblées. Pour attaquer un village dogon, les Peulhs sont utilisés. Et ces Dogonons pensent qu’ils sont massacrés par des Peulhs. Pour attaquer un village peulh, les Dogonons sont utilisés. Et ces peuhles pensent être massacrés par des Dogonons. Ce scénario avait pour but de montrer qu’il y avait un conflit ethnique au Centre du Mali. Ce qui a conduit les membres de ces ethnies dans le reste du pays et même dans la diaspora.
Et la conséquence a été l’armement des différentes ethnies et la recrudescence des violences qui a donné une situation favorable aux djihadistes qui, de par leur silence, font croire que les forces de défense et de sécurité s’adonnent à des massacres de civils. Le destin avoué des djihadistes est de détruire l’Etat malien démocratique et laïc”, a-t-il expliqué.
Dioncounda Traoré a conclu que le conflit au Centre n’est pas un conflit intercommunautaire. Il espère qu’avec le Dialogue, sa mission va rétablir la confiance entre l’Etat et les Communautés. Ce qui permettra d’atténuer les conflits inter et intracommunautaires. Il s’est dit prêt à dialoguer avec tout le monde, y compris Iyad et Kouffa. Des émissaires ont été envoyés à ces deux chefs djihadistes.
Pour les actions à mener, Dioncounda Traoré a proposé, entre autres, le dialogue entre les vrais acteurs qui sont en train d’être identifiés ; l’action militaire commune contre le terrorisme. Il a précisé que le Mali seul ne pourra jamais arriver à bout du terrorisme et qu’il faut une lutte menée par une coalition. Car, a-t-il ajouté, si les terroristes réussissent au Mali, ils vont s’équiper, s’armer pour atteindre n’importe quel pays. “Ceux qui viennent aider le Mali doivent comprendre qu’ils viennent s’aider eux-mêmes. Il faut une coalition prête à poursuivre cette guerre et à la gagner. Cette guerre ne sera pas facile, elle sera longue. Le terrorisme ne sera pas supprimé par un coup de baguette magique car il est partout et il épouse des formes extrêmement différentes, imprévisibles et imaginables. Il faut une synergie de toutes les actions”, a-t-il précisé. Il a dit que sa mission a des plans et des solutions, des propositions et des suggestions à faire au président de la République pour leur mise en œuvre.
Des intervenants ont proposé de mieux équiper les FAMAs, surtout en motos pour traquer les terroristes qui circulent aussi en moto. Le représentant de Ginna Dogon a proposé d’impliquer les forces vives dans la démarche de dialogue du Haut représentant du président de la République pour les régions du Centre.
Dioncounda Traoré a réagi qu’il a déjà rencontré Irganda, Tabutaal Pulaaku, Ginna Dogon. Il a demandé à chacune de ces associations de jouer leur partition auprès de leurs communautés pour ramener la paix. Il a dit qu’il n’est pas admissible que des groupes et milices armés portent des armes. Cette prérogative est dévolue aux seules FAMAs.
Le représentant du Haut islamique du Mali (Hcim) a clairement dit que le conflit au Centre du Mali n’a rien à voir avec l’Islam et qu’il n’y a pas de guerre ethnique au Centre. “Dieu va punir ceux qui tuent les populations innocentes au nom de l’Islam”, a-t-il dit. Il a proposé de réviser les programmes d’enseignement dans les écoles coraniques qui ne font que former des djihadistes.
Parlant de la présence des forces étrangères dans notre pays, le Haut représentant du président de la République pour les régions du Centre a indiqué que le Mali a besoin de ces alliés. A ses dires, la guerre au Mali n’est pas la guerre du Mali seulement. “Si les forces étrangères n’aident pas le Mali, le théâtre des opérations peut se déplacer chez elles. Et si ces alliés quittent le Mali, cette situation profitera aux djihadistes. La propagande pour chasser les forces étrangères du Mali ne profite qu’aux terroristes. Aidons donc nos FAMAs en leur fournissant des informations. Attention aux groupes et milices armés qui rançonnent les populations des villages. Il n’est pas admissible que des groupes et milices portent des armes”, a-t-il souligné.
Siaka DOUMBIA
Source: Journal Aujourdhui-Mali