La clôture de la phase finale du Dialogue inter-maliens a eu lieu, vendredi 10 mai au centre international de conférences de Bamako. Des fortes recommandations ont été formulées par les participants. Parmi lesquelles figurent, entre autres, la prorogation de la transition de 2 à 5 ans jusqu’à la stabilisation du pays ; l’élévation des 5 colonels au grade des généraux ; la candidature du colonel Assimi Goïta à la prochaine élection présidentielle.
La phase opérationnelle du DIM a démarré le 2 avril 2024 par une série de rencontres du Comité de pilotage. Des concertations ont eu lieu du 13 au 15 avril 2024 dans 763 communes dont 69 délocalisées, voire du 20 au 22 avril dernier dans le District de Bamako, les 19 régions administratives, les 48 ambassades et consulats du Mali et dans les universités de Bamako et de Ségou. Cette phase nationale a enregistré la présence de 160 délégués des régions et du District ; 26 délégués des Maliens établis à l’extérieur, 3 représentants des réfugiés, 8 délégués des universités…Les participants aux travaux ont formulé et adopté, par thématique, plusieurs recommandations et résolutions.
Des recommandations en lien avec paix, réconciliation nationale et cohésion sociale
A ce niveau, il est recommandé de prendre toutes les dispositions nécessaires pour le retour des réfugiés et déplacés dans leurs villages ou sites d’origine en leur apportant le soutien matériel, financier et moral pour leur réinsertion socio-économique ; instaurer un cadre de dialogue permanent intra et intercommunautaire ; apporter une assistance humanitaire aux populations affectées par la crise ; dissoudre les milices et les groupes d’auto-défense et assurer la réinsertion socioprofessionnelle de leurs combattants. Aussi, les participants recommandent de privilégier le recours à nos us et coutumes comme moyens de prévention, de gestion et de règlement des conflits ; respecter la réglementation en vigueur en matière d’utilisation des réseaux sociaux; renforcer l’éducation civique et morale à l’école pour développer l’esprit patriotique ; rendre obligatoire l’enseignement de l’histoire et de la géographie de notre pays dans tous les établissements scolaires et universitaires ; promouvoir la formation professionnelle, l’insertion des personnes vivant avec un handicap et leur prise en charge adéquate en activant le programme de Réadaptation à Base Communautaire (RBC). A cela s’ajoute le renforcement des capacités des autorités et légitimités traditionnelles dans la prévention, la gestion et le règlement des conflits communautaires ; la mise en place d’un cadre d’échange permanent entre l’administration et les usagers ; l’engagement du dialogue avec tous les mouvements armés maliens ; l’instauration d’une journée nationale du pardon ; l’intensification de la lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent ; le renforcement de l’implication des femmes, des jeunes et des personnes vivant avec un handicap dans la prévention, la gestion et le règlement des conflits ; le renforcement de la capacité des services de développement social et de l’économie solidaire pour, ajoute-t-on, prendre en charge les personnes vulnérables et personnes vivant avec un handicap ; la vulgarisation de la Charte Pastorale au sein des communautés ; l’érection d’un monument sur le site de l’attaque du bateau « Tombouctou » ; la mise en place des structures de déradicalisation. Ce n’est pas tout. Il est recommandé de rapprocher la justice des justiciables, au besoin, par le biais des parajuristes et des conciliateurs de justice ; la moralisation de la vie publique ; la communication dans les langues officielles sur les concepts de paix, de réconciliation nationale et de cohésion sociale. Lutte contre les stigmatisations sociales et raciales ; prévention du rapatriement et l’accompagnement des démunis désirant rentrer au pays ; mise en place des mécanismes de justice transitionnelle ; renforcement de la vigilance pour éviter l’amalgame et l’instrumentalisation des questions communautaires ; adoption des mesures d’accompagnement des couches vulnérables ; renforcement de la lutte contre l’impunité ; prise des mesures fortes pour mettre fin aux pratiques esclavagistes ; vulgariser la charte de cohabitation pacifique issue du forum régional d’entente sociale à travers le dialogue communautaire…, en font également partie. Notons que les mêmes participants recommandent l’instauration d’un cadre de rencontres intra et intergénérationnelles en faveur de la paix, de la réconciliation nationale et de la cohésion sociale ; faire respecter scrupuleusement la règlementation en vigueur sur les pratiques religieuses, (création et ouverture des lieux de cultes, organisation des prêches et sermons, programmes d’enseignement, réseaux sociaux, etc0) ; ériger un monument aux morts à la mémoire des victimes de la crise et des conflits….
Ouverture du dialogue avec les jihadistes
Pour enterrer la hache de guerre, l’accent a été mis sur d’autres aspects importants pour le pays. Ainsi, le document de 17 pages demande de procéder à la réforme institutionnelle de la Mission d’Appui à la Réconciliation Nationale, d’opérationnaliser les Equipes Régionales d’Appui à la Réconciliation et les Comités communaux de réconciliation. Il demande de promouvoir un financement adéquat et conséquent pour la réparation en faveur des victimes des crises au Mali ; ouvrir le dialogue doctrinal avec les groupes armés dits djihadistes et mettre à contribution les érudits maliens pour définir le corpus doctrinal des débats à mener avec ces groupes ; mettre en place une structure pour le suivi et l’évaluation des résultats du Dialogue inter-Maliens pour la Paix et la Réconciliation Nationale….
Mise en garde des leaders religieux et des politiques ; candidature du colonel Goïta et la prorogation de la transition !
Des recommandations portant sur des « questions politiques et institutionnelles » ont été formulées. Le Mali s’active, à nouveau, pour l’épisode 3 d’une transition éventuellement en cours jusqu’à la stabilisation de la Nation. Les recommandations en lien avec l’aspect politique et institutionnel consistent à prendre des mesures appropriées pour consolider les acquis démocratiques, faire respecter les principes et les règles du jeu démocratique et introduire dans les programmes éducatifs, l’enseignement de nos valeurs socioculturelles. Elles préviennent le monde politique et prévoient de relire la Loi N°05-047 du 18 août 2005 portant charte des partis politiques. En clair, lit-on dans le document, il s’agira désormais de « durcir les conditions de création des partis politiques, leur fonctionnement, leur nombre et la suppression du financement public des partis ». Il est recommandé de former les citoyens maliens aux respects des symboles de l’Etat et des biens publics ; cultiver l’esprit de civisme et de patriotisme chez les jeunes. Les leaders religieux mis en garde. C’est du moins ce qu’il faudra désormais cerner. Le document recommande d’interdire aux chefs religieux, aux chefs de village, de fraction et de quartier et aux responsables des Organisations de la Société civile de s’engager dans le militantisme politique. Il est aussi sollicité de relire la Loi N°04-038 du 05 août 2004, modifiée, relative aux associations afin de moraliser les conditions de création, de gestion, voire de renforcer les dispositions de l’Accord-cadre. Aussi, il est prévu de réviser la Charte de la transition ; proroger la durée de la transition de 02 à 05 ans jusqu’à la stabilisation du pays ; susciter la candidature du Colonel Assimi GOITA à la prochaine élection présidentielle ; élever au grade de Général, les Colonels Assimi GOITA, Malick DIAW, Abdoulaye MAIGA, Sadio CAMARA, Ismaël WAGUE et Modibo KONE ; créer un cadre de concertation entre les pouvoirs publics, les partis politiques, la société civile, les légitimités traditionnelles en vue d’un consensus autour de la transition. Les participants requièrent le contrôle de la ligne éditoriale des prêches par les religieux afin d’éviter la propagation des messages de haine, ou susceptibles de créer un conflit entre les différentes tendances religieuses ; former les maitres coraniques contre la radicalisation et l’enrôlement des enfants ; encadrer la construction des lieux de culte ; améliorer la gouvernance par le respect des textes en vigueur pour la lutte contre la corruption, le favoritisme, le clientélisme, l’enrichissement illicite, l’impunité, le népotisme et le tribalisme ; développer une stratégie de communication sur les méfaits de la corruption ; renforcer l’indépendance et la transparence de l’institution judiciaire pour une meilleure distribution de la justice ; opérationnaliser la Cour des comptes avec la création de ses chambres régionales ; renforcer les mécanismes de contrôle et de gestion des affaires publiques par la digitalisation et l’informatisation ; favoriser l’appel public à candidature pour certains postes de responsabilité ; rouvrir toutes les écoles en y assurant la sécurité, et améliorer la scolarisation des enfants dans les régions notamment du Nord, du Centre et du Sahel occidental ; opérationnaliser les groupes de sécurité universitaire ; créer une université et un institut de formation des maitres par région…
De l’espoir pour les femmes et les jeunes du pays !
Parmi les nouvelles mesures figure le respect rigoureux de l’application de la Loi n°2015-052 du 18 décembre 2015 instituant des mesures pour promouvoir le genre dans l’accès aux fonctions nominatives et électives en relisant son décret d’application. Les participants plaident pour l’accroissement de la représentativité des femmes, des jeunes et des personnes vivant avec un handicap dans les prises de décision ; la création des activités génératrices de revenus au profit des femmes et des jeunes ; la formation des jeunes aux métiers ; l’encouragement de l’entreprenariat jeune dans le secteur agro-sylvo-pastoral et halieutique ; l’ouverture des pôles d’orientation pour les jeunes afin d’éviter les grandes migrations vers l’étranger ; procéder au transfert effectif des compétences et des ressources aux Collectivités territoriales ; mettre en place des délégations spéciales dans les nouvelles Collectivités territoriales et partout où la nécessité s’impose ; diligenter la gestion des contentieux nés du découpage territorial ; accélérer l’opérationnalisation des nouvelles entités territoriales (régions, cercles, Arrondissements et Communes) ; opérationnaliser les coordinations de l’AIGE ans les nouvelles Régions ; créer des centres culturels dans les zones de forte concentration de Maliens à l’extérieur ; créer des circonscriptions électorales pour les Maliens établis à l’extérieur ; créer un cadre unique de concertation des associations des Maliens établis à l’extérieur….
Ce qu’il faut retenir de l’économie et le développement durable
A cela niveau, des recommandations ont été formulées. Il s’agit de renforcer la gouvernance et la planification économique ; promouvoir un développement économique durable et autocentré; créer des mécanismes d’intervention stratégique ; optimiser la gestion des ressources naturelles ; renforcer les capacités institutionnelles ; garantir l’équité et la transparence dans la gestion des affaires publiques ; assurer l’autonomisation et l’inclusion sociale des femmes, des jeunes et des personnes vivant avec un handicap ; stimuler des partenariats internationaux ; améliorer l’éducation et la sensibilisation à la citoyenneté ; créer une structure chargée des analyses prospectives et stratégiques du pays avec ancrage institutionnel à la présidence de la République ; renforcer la fiscalité intérieure ; réduire le train de vie de l’Etat ; assurer l’accès des populations à l’eau partout où cela est possible à partir des cours d’eau (le fleuve Sénégal, le Sankarani, le Bani, le Sourou, etc.) et des eaux souterraines (la Vallée du Serpent, du Système Faguibine, le Tamesna, le Tilemsi, etc.) ; réhabiliter et construire des centrales hybrides pour limiter la consommation en carburant dans les centrales thermiques ; réaliser des ouvrages de retenue d’eau pour soutenir la production agricole dans le pays (barrages, mares, points d’eau) ; élaborer des schémas directeurs d’urbanisation dans toutes les communes ; réhabiliter et développer des infrastructures hydroagricoles dans le pays ; aménager des ouvrages d’assainissement dans tous les cercles…
La problématique d’industrie au Mali
Ils se sont penchés sur l’aménagement et/ou la réhabilitation de toutes les plaines agricoles ; la mise en œuvre du schéma national d’aménagement du territoire avec une actualisation des Schémas Régionaux d’Aménagement du Territoire (SRAT) pour le développement équilibré du pays ; la création et la relance des unités industrielles relatives aux activités économiques, telles que l’exploitation du phosphate de Tilemsi, le manganèse d’Ansongo, le thé de Farako à Sikasso, l’HUICOMA, la transformation des déchets solides et liquides, etc. Du document ressortent la promotion de la création d’entreprises pour stimuler l’économie et réduire le chômage ; la modernisation de l’agriculture et le renforcement des filières locales ; la contribution à la sécurité alimentaire et nutritionnelle via la création d’unités de conditionnement, de transformation et de centres de formation ; la promotion du développement économique inclusif en soutenant les coopératives et les initiatives locales ; le renforcement des capacités de production et de transformation dans les régions de production par la création de Zones Economiques Spéciales ; l’encouragement de l’investissement local et la création de fonds de garantie pour l’agriculture ; la promotion de la culture, l’artisanat et le tourisme national pour améliorer leur contribution à l’économie ; la favorisation de l’émergence d’une économie locale diversifiée et durable ; développer une politique économique inclusive orientée vers une transformation structurelle des secteurs de production…
Les changements climatiques
Tous les sujets semblent être mis sur la table sans tabou. C’est du moins ce qui ressort de ce document sollicitant l’amélioration du niveau de connaissance et de prise de conscience des producteurs maliens sur l’environnement et les changements climatiques. S’y ajoutent la protection et l’amélioration de la gestion des ressources naturelles ; le renforcement des capacités d’adaptation des producteurs aux effets des changements climatiques ; celui de l’assainissement dans les milieux urbains ; la moralisation de l’obtention des permis de recherche, d’exploration et d’exploitation minière ; la stimulation de la création d’entreprises minières locales respectant l’environnement ; l’organisation des activités d’orpaillage traditionnel ; la promotion de l’exploitation pétrolière et gazière ; l’information et la sensibilisation des acteurs du secteur minier au respect du code minier et ses textes d’application ; la promotion de la formation professionnelle dans le domaine minier ; le développement des recherches et prospections des gisements gaziers, pétroliers, d’uranium, etc.
Mamadou Diarra
Source : LE PAYS