Initié avec beaucoup d’espoirs, le Dialogue inter-malien a démarré sur fond de désistement. Des partis politiques et associations, non des moindres dont l’Adéma/PASJ, ont annoncé leur non-participation aux travaux après la suspension de leurs activités par les autorités militaires. Dans une telle divergence, se dirige-t-on vers un dialogue de sourds avec un point d’interrogation sur son caractère inclusif ?
Après avoir rejeté l’Accord pour la paix et la réconciliation issu du processus d’Alger au motif qu’il est “inapplicable”, le gouvernement du Mali a jugé salvateur d’initier le Dialogue inter-malien en vue du rétablissement de la paix entre des Maliens réconciliés. Pour mener à bien ce processus de réconciliation, il a été créé par décret présidentiel un Comité de pilotage dirigé par l’ancien Premier ministre, Ousmane Issoufi Maïga. Composé de plus d’une centaine de membres, le Comité comprend des politiciens, des magistrats, des hommes de médias, des religieux et plusieurs autres acteurs d’autres secteurs.
Alors que l’une des missions du Comité de pilotage consiste à “faciliter un dialogue ouvert permettant à chaque voix d’être entendue, dans le but de restaurer la paix et de consolider l’unité nationale”, comme l’a indiqué la présidence de la République, ses travaux ont déjà démarré sur une fausse note lorsque le coup d’envoi a été donné le samedi 13 avril par la phase communale.
En effet, estimant être privés de l’exercice d’un droit, certains partis politiques et associations ont renoncé à prendre part aux concertations. Une posture qui risque d’entacher, en quelque sorte, le caractère inclusif du dialogue dans la mesure où il a été indiqué que les toutes voix seront entendues afin de restaurer la paix tant recherchée.
Dans une déclaration commune, plus d’une dizaine de partis politiques et associations ont rejeté la décision gouvernementale de suspension de leurs activités et déclaré qu’ils vont non seulement l’attaquer devant toutes les juridictions nationales et internationales mais aussi qu’ils ne participeront pas, dans “ces conditions, à aucune activité organisée par le gouvernement, y compris le Dialogue inter-malien”.
Au-delà de cette déclaration commune, des poids lourds de l’arène politique malienne ont individuellement élevé le ton pour dénoncer et protester. Dans une lettre circulaire aux secrétaires généraux de sections, le secrétaire général de l’Adéma/PASJ a dit regretter la décision du gouvernement qu’il juge illégale et qui exclut de facto, à ses yeux, les partis politiques de l’animation de la vie politique et publique du pays dont le dialogue inter-malien.
En conséquence, Yaya Sangaré a instruit aux responsables de sections de “ne participer aucunement aux travaux du dialogue inter-Maliens”. Le parti de l’Abeille a été suivi dans sa démarche par le RPM ou encore le Parena. “Le RPM n’ayant pas de mécanisme de participation à ce dialogue en dehors de ses activités politiques, le président du parti demande aux responsables des structures de base de ne pas participer aux travaux des différentes phases dudit dialogue”, a fait savoir Bokary Tréta.
Ce boycott en masse n’est pas effet sur la tenue du dialogue notamment sa crédibilité dont certains objectifs spécifiques sont, entre autres, organiser un cadre de Dialogue inter-malien et avoir une compréhension commune des meilleurs choix relatifs aux voies du dialogue.
En laissant certains acteurs de ces concertations nationales en marge, ce dialogue qui risque de manquer d’exclusivité totale ne sera-t-il pas un dialogue de sourds où toutes les voix n’auront pas été entendues ?
Pour éviter une issue peu enviable au dialogue, les partis signataires de la déclaration commune du 31 mars 2024 ont exhorté les autorités à lever sans délai, la suspension des activités des partis politiques et celles des activités à caractère politique des associations, afin de permettre à toutes les composantes de la société malienne de participer à l’animation de la vie publique nationale, en vue de jeter les bases d’une véritable refondation des institutions.
En attendant de voir prêter une oreille attentive à cette doléance, les concertations continuent sur les cinq thématiques retenues (paix et réconciliation, questions politiques et institutionnelles, économie et développement, géopolitique et environnement international, défense et sécurité).
Après la phase communale, qui a commencé le 15 avril, les concertations vont se poursuivre dans les régions, ambassades et consulats (du 20 au 22 avril 2024) avant la phase nationale, prévue du 6 au 10 mai 2024 à Bamako à l’issue de laquelle le Comité remettra son rapport final au chef de l’Etat.
Alassane