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Des cigarettes plus nocives fabriquées en Suisse sont vendues en Afrique

La journaliste Marie Maurisse a enquêté pendant un an sur le double standard de tabac opéré par des multinationales installées en Suisse, dont une partie des produits, beaucoup plus nocifs que les autres, sont destinés à l’Afrique. Avec cette enquête, elle a reçu le prix d’investigation de l’ONG Public Eye.

Cigarettes are seen during the manufacturing process in the British American Tobacco Cigarette Factory (BAT) in Bayreuth, southern Germany, April 30, 2014. British American Tobacco, the world’s No. 2 cigarette maker, posted improved sales volume for the first quarter, though foreign exchange rates were a big drag on revenue. Picture taken April 30, 2014. REUTERS/Michaela Rehle (GERMANY – Tags: BUSINESS)

Durant un an, la journaliste Marie Maurisse a enquêté sur les multinationales du tabac installées en Suisse, dont les exportations de cigarettes suisses représentent 75 % de la production. Dans son enquête, publiée le 21 janvier sur le site de l’ONG Public Eye,la journaliste s’attaque au double standard de la commercialisation des cigarettes suisses à destination du marché africain.

Législation suisse

« Contrairement à la directive en vigueur dans l’UE, la législation helvétique permet en effet aux géants du tabac installés en Suisse de fabriquer et d’exporter des cigarettes plus nocives et plus addictives que celles commercialisées sur son territoire », note la journaliste indépendante. Le problème est posé d’emblée.

Quinzième exportateur de cigarettes au monde, la Suisse est un pays où les fabricants « ont le droit de fabriquer des cigarettes plus toxiques », révèle-t-elle. Si le pays ne met pas en place des contrôles pour les cigarettes fumées par ses habitants, « elle ne s’intéresse pas plus à celles produites sur son sol et exportées », confirme l’Administration fédérale des douanes (AFD). En effet, chaque pays a ses propres normes en matière de tabac.

Un « réservoir vivant de futurs fumeurs »

Des tests, réalisés à l’Institut de Santé au Travail, à Lausanne, démontrent que les cigarettes, vendues au Maroc, sont plus toxiques que celles fumées en Europe. Des cigarettes « beaucoup plus fortes » avec « plus de nicotine, plus de goudron ».

La journaliste indépendante nous confie que les multinationales souhaitent ainsi « s’adapter aux goûts de la population locale ». Toutefois, pour la nicotine « il peut y avoir une autre raison : augmenter la dépendance des jeunes fumeurs et fumeuses, afin de les convertir en consommateurs et clients fidèles ».

« Dans tous les cas, plus ces substances sont importantes dans la cigarette, plus celle-ci est nocive pour la santé » déplore Marie Maurisse. Ainsi, selon l’OMS, les décès liés au tabac vont doubler d’ici à 2030 dans le « réservoir vivant de futurs fumeurs » que représente l’Afrique pour les géants de l’industrie du tabac.

Une usine en Afrique

Les firmes transnationales du tabac possèdent une emprise importante sur le marché africain. « 2 900 tonnes de cigarettes suisses ont été exportées au Maroc », annonce la journaliste, pour un prix moyen de 33 dirhams, soit un peu plus de trois euros. Face à la baisse du nombre de fumeurs en Occident, les industriels du tabac se sont tournés vers des « relais de croissance dans les pays émergents et en voie de développement », selon Marie Maurisse.

Avec un milliard d’habitants et une population en forte croissance, l’Afrique est devenue « l’une des cibles privilégiées », explique-t-elle. C’est dans cette optique que la multinationale Philip Morris International, premier producteur de tabac au monde, s’est installée au Sénégal et a inauguré, en 2009, une usine où travaillent environ 300 salariés.

Cette usine est essentielle pour le développement de la firme en Afrique car elle « pilote l’ensemble de ses activités en Afrique de l’Ouest et Afrique centrale ».

Le Maroc, première cible

55 % des cigarettes fumées au Maroc sont importées, en majorité de Suisse. « Les contrôles portent uniquement sur le paiement des taxes : les composants des cigarettes, ou leur toxicité, ne font l’objet d’aucune surveillance, les contrôles portent uniquement sur le paiement des taxes : les composants des cigarettes, ou leur toxicité, ne font l’objet d’aucune surveillance », révèle la journaliste.

Marie Maurisse rappelle une étude du ministère marocain de la Santé qui note que 13 % des fumeurs y ont moins de 15 ans. Sur les paquets de cigarettes, « la mention « swiss made » est clairement affichée, ce que les fumeurs n’ignorent pas ». La journaliste assure que « pour eux, fumer suisse est chic, et [une cigarette suisse]serait de meilleure qualité », avant d’avertir qu’en réalité, « c’est l’inverse ».

Des pays en manque de moyens

Les groupes industriels profitent ainsi des États n’ayant pas « les moyens de mettre en place des politiques de santé proactives ». Explication majeure du succès actuel du tabac en Afrique, la politique commerciale des multinationales est « très agressive » et vise spécialement « les jeunes ».

« De manière générale, sur le continent africain il n’y a pas de limites aux quantités de nicotine, monoxyde de carbone et goudron – contrairement aux pays européens, avec aussi la Suisse », nous indique Marie Maurisse.

Au Kenya et en Ouganda, le groupe British American Tobacco tente « d’empêcher les États de prendre des mesures de prévention contre le tabac », a révélé le Guardian. Et les ONG et Programmes de prévention ont très peu de moyens de contrer les politiques commerciales de ces firmes.

En Afrique, « seul le Burkina Faso est équipé d’un laboratoire qui analyse systématiquement les cigarettes importées ».

Dans son enquête Marie Maurisse dénonce le double jeu dans sa communication de la multinationale Philip Morris International : « Ils se sont mis à dénoncer les effets néfastes du tabac ». En effet, la firme contribue financièrement au lancement de la fondation « pour un monde sans fumée ».

Des tests en laboratoire concluants

Les valeurs maximales qu’une cigarette peut contenir sont de « 10 mg de goudron, 1 mg de nicotine et 10 mg de monoxyde de carbone », comme le rappelle la journaliste d’investigation.

Seulement, les résultats des tests en laboratoire prouvent les doubles standards. Les cigarettes, fabriquées en Suisse et destinées au marché africain, contiennent plus de goudron, nicotine et monoxyde de carbone et sont donc plus addictives.

Pire, l’enquête révèle que certains industriels semblent mentir sur les chiffres indiqués sur les paquets de cigarettes. À ce jeu-là, la marque Winston est épinglée, elles « contiennent près de 1,5 milligramme, alors qu’elles affichent le chiffre de 1 ».

« De nombreux citoyens suisses se disent choqués »

Publiée le 21 janvier sur le site de l’ONG suisse Publie Eye, l’enquête « n’a pas encore suscité de réactions sur le plan politique ». Toutefois, alors que la Suisse « est en train de réformer sa loi sur le tabac », la correspondante en Suisse du journal Le Monde affirme que « le sujet sera bientôt sur la table au Parlement ».

Déjà l’enquête fait prendre conscience aux citoyens suisses de la situation. Ainsi Marie Maurisse souligne que « de nombreux citoyens suisses se disent choqués d’apprendre que les cigarettes fumées en Afrique, responsables de maladies et morts futures, ont été fabriquées à deux pas de chez eux ».

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