Chaque individu est doté d’une humeur qui varie en fonction des événements. L’humeur participe de la palette normale des émotions agréables, neutres ou désagréables. Emmanuel Kamaté, psychologue à l’hôpital du Point G, dit que face à une dépression, on recherche souvent des explications. Notre besoin de comprendre et de donner un sens à ce qui nous arrive est un processus naturel, en particulier à l’occasion d’expériences douloureuses. La dépression, comme la plupart des maladies psychiques, ne provient pas d’un facteur unique. Elle résulte au contraire d’un ensemble de mécanismes de diverses natures, encore imparfaitement connus. Au Mali, révèle-t-il, le contexte socio-économique, politique et sécuritaire a fait qu’il y a de plus en plus des cas de dépressions.
D’après notre spécialiste, la dépression est un trouble psychologique caractérisé par une baisse durable de l’humeur qui contraste avec l’état et le fonctionnement habituel de la personne. C’est un trouble mental caractérisé par un état dépressif persistant ou une perte d’intérêt pour tout type d’activité, ce qui produit des effets très néfastes dans la vie quotidienne. Elle peut être aussi définie comme un état de privation d’énergie s’accompagnant d’un fléchissement du tonus neuropsychique et d’un ralentissement psychomoteur. C’est une maladie qui peut toucher tout âge et niveau social.
Il explique que le plus souvent, cet état dépressif s’installe progressivement, en quelques semaines voire des mois. Sa gravité est liée au décès par suicide de ses patients et des conséquences de l’inactivité professionnelle, qu’elle soit temporaire (arrêt maladie) ou permanente (invalidité). Les tentatives de suicide surviennent dans 30% des cas. Qu’il s’agisse d’un acte impulsif (raptus anxieux) ou d’un acte prémédité, 15% des déprimés décèdent par suicide.
Le spécialiste révèle que le fait d’avoir des parents qui ont souffert de dépression augmenterait le risque d’être touché par la maladie. De même, le fait de vivre des événements traumatisants ou des conflits parentaux importants pendant la petite enfance serait associé à un risque accru de dépression dans la suite de l’existence.
Emmanuel Kamaté indique que la dépression se manifeste le plus souvent, sous forme d’épisodes. On parle alors d’épisode dépressif caractérisé ou épisode dépressif majeur. Quand elle s’installe dans le temps, on parle de dysthymie ou forme plus radicale de dépression chronique. Les dépressions sont considérées selon diverses classifications, surtout en fonction de leur intensité.
La dépression majeure est définie par une persistance quotidienne des signes pendant plus de 15 jours, une rupture du fonctionnement antérieur, la présence de plusieurs symptômes dépressifs et un retentissement invalidant sur la vie quotidienne. Quant à la dépression mélancolique (ou mélancolie), elle est la forme la plus grave de dépression. Selon le psychologue, elle possède un important risque suicidaire et un risque de dénutrition. Il précisera qu’elle peut aussi évoluer vers des formes délirantes nécessitant le cas échéant un traitement par électro-convulsivothérapie.
Les symptômes d’une dépression sont très variés. L’humeur dépressive est dominée par la souffrance morale, donc la tristesse. Elle s’exprime par une vision pessimiste de soi et du monde. La douleur morale favorise l’anxiété négative et les « idées noires ». L’ensemble de ces émotions négatives participe à la perte progressive de l’intérêt et du plaisir (anhédonie) pour les activités habituelles qui suscitaient un intérêt de la personne.
Le quotidien paraît terne, l’intérêt de la vie est remis en question, les contacts avec l’extérieur diminuent. La personne se dévalorise et perçoit l’avenir comme incertain, négatif voire bouché. La perception de l’érosion des relations sociales, le repli sur soi et l’incapacité à agir ou penser normalement est dévalorisante, culpabilisante voire vécue avec un sentiment de honte qui isole davantage la personne déprimée, l’empêchant de demander une aide pourtant indispensable.
Le ralentissement psychomoteur aggrave le sentiment d’insuffisance et d’inaptitude. Le ralentissement psychique se manifeste par des difficultés à organiser ses pensées. La capacité à soutenir une conversation est réduite, la personne déprimée a souvent l’impression de «radoter», de ressasser les mêmes difficultés. La pensée est non seulement émoussée, mais anormalement fatigable. La concentration, l’attention et la mémoire font défaut. La lecture devient difficile. La perte du dynamisme intellectuel peut rapidement avoir des conséquences professionnelles : performance diminuée, difficultés à faire ses tâches, retards.
Le ralentissement physique touche la gestuelle et le langage. Les mouvements et les déplacements sont limités et parfois laborieux. Tout est effort. La fatigue touche l’esprit et le corps. Cette lassitude intense, qui ne cède pas avec le repos, a la particularité d’être plus importante le matin que le soir. La voix devient monocorde soulignant et amplifiant l’aspect d’un visage peu expressif voire figé. La personne déprimée apparaît différente, méconnaissable. Elle souffre de ne plus être elle-même et se sent, en général, coupable d’être dans l’incapacité de faire les choses.
Les perturbations touchent la vie instinctuelle. C’est ce que l’on appelle les signes somatiques de la dépression. Le sommeil est perturbé. L’endormissement est gêné par les préoccupations anxieuses. L’existence d’une insomnie de deuxième partie de nuit, avec réveil précoce sans possibilité de se rendormir est très classique de la dépression.
L’insomnie est remplacée par une hypersomnie. Le manque d’envie est également alimentaire. La nourriture paraît fade, l’appétit diminue et cela peut entraîner une perte de poids importante. Un fort amaigrissement est un signe de sévérité symptomatique. également dans environ 10% des cas, il existe une augmentation de l’appétit pouvant être associé à une prise de poids. La sexualité est précocement perturbée, d’où l’asthénie sexuelle.
Dans certaines dépressions, les plaintes physiques sont au premier plan alors que les symptômes émotionnels sont peu importants voire absents. Dans ces formes de dépression principalement douloureuse, Emmanuel Kamaté observe que la difficulté est de savoir rapporter ces symptômes à l’expression masquée d’une douleur morale dépressive. La dépression peut s’accompagner également de déséquilibres hormonaux, notamment thyroïdiens se traduisant par une frilosité excessive.
Les troubles des menstruations et les aménorrhées sont fréquents. Les idées suicidaires sont fréquentes dans l’évolution d’une dépression. Pour sortir de la dépression, il dit qu’il faut un traitement basé sur des médicaments et des séances de psychothérapie. La durée du suivi dépend de la légèreté ou de la sévérité de la dépression qui ne peut être déterminée que par l’évaluation faite par un professionnel bien outillé.
Fatoumata NAPHO
Source : L’ESSOR