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Démission force du président de la république : Entre condamnation et sanctions

Après les événements du mardi, 18 août dernier, La France, l’Union africaine et l’Algérie ont été parmi les premières à condamner le coup de force qui a conduit à la démission du président Ibrahim Boubacar Keïta. L’Union africaine a condamné, elle, la détention du président déchu et de son Premier ministre. Le président de la Commission a réclamé leur libération immédiate. Du Sénégal au Niger, en passant par le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire, les pays voisins ont condamné le coup d’Etat au Mali.

La communauté internationale a accentué, mercredi, la pression sur les militaires qui ont pris le pouvoir au Mali. Les Etats-Unis, l’Union européenne (UE) et l’Union africaine (UA) réclament aussi la libération « immédiate » du président Ibrahim Boubacar Keïta, toujours détenu depuis le lendemain de son arrestation par l’armée.

La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), médiatrice dans la crise malienne, a été la première à condamner, dès le mardi 18 août dans l’après-midi, les événements survenus à Bamako. Dans un communiqué, l’organisation régionale « condamne avec la plus grande fermeté le renversement par des militaires putschistes du gouvernement démocratiquement élu du président Ibrahim Boubacar Keïta », confronté depuis plusieurs mois, précise le même communiqué, à une vague de contestations sans précédent depuis le coup d’Etat de 2012.

Même condamnation du coup d’Etat de la part du chef de la diplomatie de l’Union européenne, Josep Borrell. L’UE rejette “tout changement anticonstitutionnel”, estimant qu’un coup d’Etat “ne peut, en aucun cas, être une réponse à la profonde crise socio-politique qui frappe le Mali depuis plusieurs mois”. Emmanuel Macron a, quant à lui contacté, les présidents sénégalais, ivoirien, nigérien notamment. Ces chefs d’Etat étaient impliqués dans la tentative de médiation de la Cedeao au Mali.

Le chef de la diplomatie allemande, Heiko Maas, a appelé dans la nuit à la cessation de toute violence et les mutins à rentrer dans les casernes.

Pour le directeur de la fondation allemande Konrad Adenauer au Mali, Thomas Schiller, ce coup de force risque de renforcer l’instabilité politique que traverse le Mali depuis plusieurs mois. Il déclare : « La situation sécuritaire au Mali et dans le Sahel est déjà très critique depuis des années. Or, il est à craindre que cette crise à Bamako ne va pas renforcer la stabilité et la sécurité dans la sous-région. Il va falloir attendre de voir la réaction de la communauté internationale face aux putschistes. Il faut une solution rapide car le Mali ne peut pas se permettre une situation de contestation politique éternelle. C’était le cas depuis des semaines avec le mouvement M5-RFP. Maintenant, avec le putsch militaire, c’est encore pire ».

Jean-Yves Le Drian a déclaré que la France a pris acte de l’annonce de la démission du président Ibrahim Boubacar Keïta. Elle appelle à sa libération immédiate ainsi que des membres du gouvernement actuellement retenus. « La France se tient, comme elle l’a toujours fait, aux côtés du peuple malien. Elle s’est engagée, à la demande de ce pays, en poursuivant deux priorités : l’intérêt du peuple malien et la lutte contre le terrorisme. Elle réaffirme son attachement à la souveraineté, au respect des institutions, à la vie démocratique et à la stabilité du Mali. Elle encourage toutes les forces politiques et sociales au dialogue pour trouver une solution à la crise profonde que traverse le pays et appelle au rétablissement sans délai d’un pouvoir civil… », a indiqué le ministre français.

La réaction d’Alger ne sait pas attendre. Les autorités ont condamné ce mercredi le coup d’État au Mali, appelant à des élections et au « respect de l’ordre constitutionnel », selon un communiqué du ministère algérien des Affaires étrangères. « L’Algérie réitère son ferme rejet de tout changement anticonstitutionnel de gouvernement », a déclaré la diplomatie algérienne dans le communiqué cité par l’Agence France Presse. Alger suit avec « préoccupation » la situation dans ce pays avec lequel elle partage près de 1 400 kilomètres de frontière et qui est déjà en proie à des violences djihadistes. L’Algérie « appelle toutes les parties au respect de l’ordre constitutionnel et au retour à la raison pour une sortie de crise rapide », selon le texte.

De son côté, l’Union africaine a réagi à travers les voix de Moussa Faki Mahamat, le président de la commission de l’UA, puis le chef de l’État sud-africain et président en exercice de l’UA, Cyril Ramaphosa, est monté au créneau, exigeant la « libération immédiate » du dirigeant démissionnaire. Dans un communiqué publié par la présidence sud-africaine, Cyril Ramaphosa a « condamné le changement inconstitutionnel de gouvernement au Mali » et « exigé la libération immédiate du président, du Premier ministre et des autres ministres ». Les militaires ont pris le pouvoir mardi au Mali à l’issue d’une mutinerie et placé en détention le président IBK, poussé à annoncer sa démission quelques heures plus tard. Les membres du Comité national pour le salut du peuple (Cnsp) ont promis, par la voix de leur porte-parole, le colonel-major Wagué, qui s’est exprimé à la télévision publique, d’organiser une « transition politique civile » et des élections générales dans un « délai raisonnable ».

Au nom de l’UA, le président sud-africain leur a demandé « un retour immédiat à un gouvernement civil » et a prié les militaires « de retourner dans leurs casernes ». Il a également « exhorté le peuple du Mali, ses partis politiques et sa société civile à respecter l’État de droit et à engager un dialogue pacifique pour résoudre leurs différends », selon son communiqué. Le président en exercice en l’UA a enfin intimé à ses « partenaires africains et à la communauté internationale de dénoncer et de rejeter le changement inconstitutionnel de régime conduit par les militaires et d’aider le peuple malien à revenir à la démocratie civile ».

La Cedeao isole le Mali

Du Sénégal au Niger en passant par le Burkina Faso et la Côte d’Ivoire, les pays du bloc régional ont condamné le coup d’Etat au Mali. Les dirigeants de la CEDEAO qui se penchaient, le jeudi dernier, sur la situation au Mali ont jugé “grave” la situation trois jours après le coup d’Etat qui a renversé le président Ibrahim Boubacar Keïta.

L’ancien président du Mali est toujours aux mains des militaires putschistes. “Nous avons devant nous une situation grave dont les conséquences sécuritaires sur notre région et sur le Mali sont évidentes”, a déclaré le président en exercice de la CEDEAO, le nigérien Mahamadou Issoufou. Il a demandé à ses pairs d’examiner les différentes mesures (…) dans la perspective d’un retour rapide à l’ordre constitutionnel”. A la fin de la conférence, la CEDEAO a exigé le retour à l’ordre constitutionnel. “Nous demandons le rétablissement du président Ibrahim Boubacar Keita en tant que président de la République” du Mali, a déclaré le chef de l’Etat nigérien Mahamadou Issoufou, qui assure la présidence de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao).

“Le Mali est dans une situation critique, avec des risques graves qu’un affaissement de l’Etat et des institutions n’entraîne des revers dans la lutte contre le terrorisme et le crime organisé, avec toutes les conséquences pour l’ensemble de notre communauté”.

“C’est dire que ce pays a plus que jamais besoin de notre solidarité”, a poursuivi le président nigérien, rappelant aux putschistes “leur responsabilité sur la sûreté et la sécurité du président Ibrahim Boubacar Keita et des officiels arrêtés”.

La CEDEAO a aussi réaffirmé et maintenu ses sanctions contre le Mali notamment le blocus financier et économique ainsi que la fermeture des frontières.

“Seuls les produits de première nécessité, le carburant et l’électricité” ne sont pas concernés par ce blocus “pour des raisons humanitaires” a indiqué Alpha Barry, ministre burkinabé des affaires étrangères. L’organisation a aussi décidé d’envoyer au Mali une mission urgente qui sera conduite par l’ancien président du Nigeria Goodluck Jonathan.

Il avait déjà été désigné par ses pairs comme médiateur dans la crise malienne et sera accompagné par le ministre nigérien des Affaires étrangères en sa qualité de président du Conseil des Ministres de la CEDEAO.

Il s’agissait pour les deux hommes d’évaluer la situation et obtenir la libération du président Ibrahim Boubacar Keïta et des officiels arrêtés par la junte.

Les voisins du Mali et les autres pays du bloc régional semblent s’inscrire dans la dynamique de leur organisation commune, exigeant le retour à un ordre constitutionnel. Le gouvernement nigérian a exprimé son indignation face au coup d’État militaire contre l’ancien président malien Ibrahim Boubacar Keita. Dans un communiqué, le ministre nigérian des Affaires étrangères, Geoffrey Onyeama, a déclaré que le gouvernement nigérian militait en faveur d’une restauration urgente de la démocratie dans le pays. Il a déclaré en plus que le gouvernement nigérian salue l’action de la CEDEAO au Mali. Bien avant le ministre nigérian des Affaires étrangères, le président Muhammadu Buhari avait indiqué que “les événements du Mali constituent un grand revers pour la diplomatie régionale, avec de graves conséquences pour la paix et la sécurité en Afrique de l’Ouest”. “Il est temps que l’”autorité” anticonstitutionnelle du Mali [la junte militaire] agisse de manière responsable et assure le rétablissement de l’ordre constitutionnel, de la paix et de la stabilité” a-t-il tweeté. Il a réaffirmé que le Nigeria soutient fermement les efforts du président de la CEDEAO, le président Mahamadou Issoufou, en faveur de consultations régionales et continentales plus larges avec la CEDEAO, l’UA et l’ONU, et  l’adoption de mesures fortes pour apporter une solution rapide à la situation. Pour le président du Sénégal, Macky Sall, il y a également urgence à agir pour restaurer l’ordre constitutionnel au Mali, pays où le coup d’Etat constitue une violation du protocole de la CEDEAO.

Autres réactions dans la sous-région

Le site d’information guinéen, LeDjely.com, est catégorique : «La démission forcée» d’IBK «illustre l’échec des dirigeants africains. Ils sont sourds aux revendications de leurs peuples et ivres de pouvoir», particulièrement au sein de la très contestée Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), «devenue un syndicat de chefs d’Etat». Au Burkina, L’Observateur Paalga juge aussi qu’«en Afrique, les présidents doivent résister à la tentation du pouvoir». Les commentaires des internautes sur site LeFaso.net sont, à cet égard, éloquents.

C’est l’insensibilité notoire de la Cedeao «au cri du cœur des Maliens qui débouche sur cette image humiliante pour tout le continent, où l’on voit un président en fonction, les traits tirés et la gorge nouée par l’émotion, rendre le pouvoir, contraint et forcé». Mais au Mali, si les soldats sont sortis de leur caserne, c’est dû aussi à la lancinante insécurité qui règne depuis sept ans dans un pays en proie aux luttes djihadistes qu’il se révèle incapable de juguler.

Une opinion parue sur le site DakarActu.com rappelle en effet que «paradoxalement, ni le déploiement des 10 000 hommes de la Minusma (Mission de l’ONU au Mali), ni les 3000 de l’opération militaire française «Barkhane» et/ou l’intervention de l’armée française «Serval» pour chasser des djihadistes liés à Al-Qaida ne parviendront à faire revenir la paix dans cette partie de l’Afrique de l’Ouest. Au contraire! Rébellions et djihadistes finiront par échapper au pouvoir central. De chef de l’Etat d’un vaste territoire, Ibrahima Boubacar Keïta était devenu ou presque, président de la République de la seule capitale: Bamako»…

Adama B konaté

Source: Le Soft

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