Au sortir d’une session, le 10 novembre, le bureau politique national de la Convention nationale pour une Afrique solidaire (Cnas-Faso-Hèrè) s’est insurgé contre la prorogation du mandat des députés et le nouveau projet de découpage administratif. «Par ces deux décisions, le gouvernement vient en rajouter au climat d’incertitude politique, voire institutionnelle, préjudiciable à tous les compartiments de la vie de l’Etat et à l’activité économique nationale», explique le parti de Zoumana Sacko.
Après avoir procédé à une analyse approfondie de l’actualité politique, économique et sécuritaire nationale, le Bureau politique national a porté à la connaissance des militantes et cadres du parti ses préoccupations. «Résultat d’une mauvaise appréciation de la situation politique nationale consécutive au scrutin présidentiel tenu cette année et du soi-disant Accord de Paix, les pouvoirs publics ont cru devoir repousser une fois de plus le calendrier des élections législatives. De surcroît, s’abritant de manière peu responsable derrière un avis non contraignant de la Cour Constitutionnelle, le Gouvernement entend proroger au moyen d’une loi organique la durée du mandat des députés. Or, la Constitution du 12 janvier 1992 fixant à 5 ans la durée du mandat parlementaire, aucune loi même organique ne saurait proroger ledit mandat en dehors d’une révision constitutionnelle aujourd’hui impossible au double plan juridique et politique», indique le rapport signé par le secrétaire général Soumana Tangara.
En outre, ajoute-t-il, en créant une situation où, au-delà du 31 décembre 2018, la légitimité des députés actuels sera fortement sujette à caution, le gouvernement vient en rajouter au climat d’incertitude politique, voire institutionnelle, préjudiciable à tous les compartiments de la vie de l’Etat et à l’activité économique nationale.
«L’ avant-projet de redécoupage administratif territorial dont la presse et les réseaux sociaux se font l’écho, alors même qu’il n’a fait l’objet d’aucune communication officielle aux acteurs politiques et sociaux, est manifestement mal inspiré, porteur de menaces graves et imminentes sur l’unité nationale et source non seulement de charges budgétaires structurelles ou récurrentes insupportables pour l’Etat ainsi que pour les collectivités, les opérateurs économiques et les populations elles-mêmes, mais aussi de lourdeurs administratives additionnelles et d’inefficacité économique tant pour les programmes publics de développement que pour l’investissement privé national ou étranger», relève le Bureau politique national.
Par ailleurs, qu’il s’appuie ou non sur la loi du 2 mars 2012, ledit «avant-projet» de redécoupage territorial administratif est en réalité un subterfuge pour introduire une gestion à base ethnique dans un pays où l’attachement à l’unité nationale et à l’intégrité territoriale demeure une constante de la vie politique et sociale, selon la Cnas Faso Héré.
«De surcroît, le découpage territorial administratif ainsi envisagé a pour effets pervers, entre autres, de créer en faveur de groupes et sous-groupes démographiquement minoritaires dans le Septentrion malien une représentation parlementaire artificiellement et arbitrairement majoritaire –avec ce que cela implique comme surpoids politique- aux dépens d’autres groupes ethniques pourtant démographiquement majoritaires. Résultat de calculs politiques à courte vue et d’une appréciation totalement erronée des causes profondes des vagues successives de rébellions irrédentistes dans le Septentrion malien (survivances féodales, esclavagistes et racistes attisées par des mouvements pseudo-djihadistes et interférences extérieures, y compris de la part de l’ex-puissance coloniale, etc.), le redécoupage territorial administratif proposé est aussi le reflet d’une tradition administrative encouragée par une certaine paresse intellectuelle ayant abouti, jusqu’à présent, à considérer que, pour l’élection des députés, circonscription administrative territoriale (niveau Cercle) et circonscription électorale sont nécessairement coextensives, ce que la Constitution n’impose pas», précise le BPN du parti de Zoumana Sacko.
Alors que la CNAS-Faso Hèrè a été, avec ses partenaires regroupés au sein de l’ADPS (Alliance des Démocrates Patriotes pour la Sortie de crise), la première formation politique ayant demandé, et ce dès le 5 avril 2012, que soit convoqué un Congrès extraordinaire du Peuple malien pour la sortie de crise, le Bureau politique national estime que, dans le contexte actuel, la tenue de «concertations régionales» est plutôt une fuite en avant précipitée sous la pression des évènements. «Mal préparées, ne s’appuyant sur aucune étude sérieuse, ces concertations régionales ne sont pas la voie de sortie de l’imbroglio créé autour de la question», constate-t-il.
Et de poursuivre : «Au plan sécuritaire, la situation d’insécurité et de violences interethniques qui continue à prévaloir notamment dans des zones du Centre du pays ainsi que les récents évènements de Banamba démontrent qu’à ce jour, nonobstant des déclarations officielles sans lendemain, les pouvoirs publics n’arrivent pas à concevoir et à déployer un dispositif sécuritaire dissuasif qui protège les populations et assure l’autorité de l’Etat républicain, laïc et démocratique sur l’ensemble du territoire national…»
Sur le volet économique, les tensions actuelles de trésorerie sur fond de revendications et de surchauffe sociale confirment l’impérieuse nécessité pour le gouvernement de concevoir un plan de relance et de restructuration économique incluant, entre autres, un programme national d’aménagement du territoire et de réponse au changement climatique. Le BPN du parti Cnas-Faso-Hèrè estime qu’il n’est pas encore trop tard pour le président de la République de tirer les leçons des errements de son premier mandat et de créer les conditions propices à un dialogue politique et social inclusif avec l’ensemble des Forces patriotiques, progressistes, républicaines et démocratiques autour des grands enjeux de la Nation.
Zan Diarra
Soleil Hebdo