Après sa démission du gouvernement, le désormais ex-ministre de la Défense et des anciens combattants, Soumeylou Boubèye Maïga, ne veut pas demeurer l’agneau sacrificiel de la cacophonie qui entoure l’ordre donné à l’armée pour lancer l’offensive du 21 mai 2014 sur Kidal.
L’ancien patron des services de renseignements du Mali a beaucoup de révélations à faire dans le cadre de l’enquête parlementaire que les quatre députés de son parti, l’ASMA-CFP viennent de réclamer. Des SMS et des communications interceptés qu’il détiendrait permettront de savoir qui a donné l’ordre à l’armée nationale d’attaquer le 21 mai dernier.
Décidément, ce qu’il est désormais convenu d’appeler le feuilleton de l’offensive militaire du 21 mai continue de défrayer la chronique. Déjà, la semaine dernière, le Premier ministre Moussa Mara annonçait sur les antennes internationales que « d’autres mesures de redressement » seront bientôt prises en guise de sanction, après le départ de Soumeylou Boubèye Maïga du gouvernement. Celui-ci, pour sa part, avait le samedi dernier, à la faveur du forum des femmes de son parti, déclaré : » Nous ne laisserons personne tirer un profit personnel et politique de la tragédie de Kidal… Je n’accepterai jamais que certains responsables se servent de la tête des autres pour en tirer un avantage politique quelconque « .
L’ex-ministre de la Défense n’avait pas manqué de formuler des accusations à peine voilées : » Nous allons mettre à leur disposition toutes les communications ainsi que les derniers SMS échangés pendant les événements. Et tout le monde saura qui a dit quoi, qui a été la dernière personne à leur (aux officiers supérieurs sur le terrain) parler… « .
De sources proches du dossier, Soumeylou Boubèye Maïga a rassemblé beaucoup » d’éléments compromettants « sur la gestion qui a été faite des conséquences de la visite du Premier ministre Moussa Mara à Kidal le 17 mai 2014. En plus de cela, certains officiers de l’armée seraient prêts à témoigner devant cette commission d’enquête parlementaire lorsqu’elle sera créée. Ces témoignages pourraient permettre à l’opinion de connaître les dysfonctionnements ayant conduit à la tragédie du 21 mai avec à la clé une cinquantaine de morts.
Précisons que les quatre députés de l’ASMA-CFP, Aboubacar Bah, Lahassana Koné (élus à Ké-Macina), Idrissa Sankaré (Bankass) et Modibo Sogoré (Kayes) ont déposé hier au Secrétariat général de l’Hémicycle la lettre demandant la création de la commission d’enquête parlementaire. Dans cette correspondance, les députés écrivent : » le mercredi 21 mai 2014, des affrontements meurtriers ont opposé à Kidal l’armée malienne aux groupes armés du Nord, notamment le MNLA et ses alliés, affrontements au cours desquels notre armée a perdu une cinquantaine d’hommes et enregistré une quarantaine de blessés… face à ce très lourd bilan, c’est un droit pour le peuple malien d’être informé sur ce qui s’est réellement passé à Kidal. C’est aussi un devoir pour l’Assemblée nationale, l’institution la plus représentative du peuple de chercher à connaître les causes de cette tragédie et de situer les responsabilités afin d’informer la nation entière.
Aussi, nous députés signataires de la présente lettre, sollicitons avec insistance la création dans un bref délai par notre auguste Assemblée nationale d’une commission d’enquête parlementaire chargée de faire toute la lumière sur ces douloureux événements « .
Cette lettre a été examinée et adoptée hier par la conférence des présidents de l’Assemblée nationale. Les groupes parlementaires ont été saisis pour qu’ils désignent leurs membres au sein de cette commission. On n’attend que le retour du président de l’institution, Issaka Sidibé (en mission à Téhéran)
Par ailleurs, on signale que le groupe parlementaire RPM a aussi introduit hier une lettre similaire signée de son vice-président, Oumar Traoré, pour demander aussi la création d’une commission d’enquête parlementaire sur les derniers événements à Kidal.
Bruno Djito Segbedji