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De Serval à Barkhane : 9 ans de présence française controversée

L’annonce de la France et ses alliés, le 17 février 2022, du retrait des forces Barkhane et Takuba du territoire malien met fin à neuf longues années de présence militaire. L’euphorie qu’avait provoquée l’arrivée des troupes françaises, en 2013, s’est estompée laissant place à un sentiment anti-français de plus en plus fort. Retour sur les grandes étapes des opérations Serval et Barkhane.

En effet, le 11 janvier 2013, la France lançait l’opération Serval au Mali pour stopper l’avancée des groupes séparateurs (Mnla) et ses djihadistes (Aqmi et Mujao). Plus de neuf années ont passé et la France reste fortement mobilisée militairement. Cependant, la situation sécuritaire s’est dégradée partout dans le pays.  Et  finalement  sous la pression des Autorités de la Transition, la France  a décidé  de retirer ses troupes.

De Konna à Kidal

L’opération Serval avait un triple objectif : arrêter l’avancée en direction de Bamako des forces djihadistes, sécuriser la capitale du Mali et permettre au pays de recouvrer son intégrité territoriale.

Entre le 11 et le 30 janvier 2013, les militaires français, en appui à l’armée malienne, chassent les groupes armés et libèrent l’ensemble des zones occupées, de Konna à Kidal en passant par Diabaly, Niono, Gao, Tombouctou. Partout, le modus operandi était le même : les Français frappent par les airs, balisent le terrain par le sol pour laisser les soldats maliens entrer et occuper la ville

sauf à Kidal.

En effet, dans la nuit du 29 au 30 janvier, les forces spéciales françaises prennent possession de l’aérodrome de Kidal, situé au sud-est de la ville, à la suite d’un raid héliporté et d’un poser d’assaut effectué avec un avion de transport. Mais, à la différence des  autres villes libérées, l’armée malienne est priée (sommé ?) de ne pas s’approcher de Kidal, « au vu du caractère particulier de cette ville et de ses populations ».

Pourquoi Kidal aurait-elle un statut différent ? Les Français n’ont jamais apporté de réponse satisfaisante à cette interrogation des Maliens, sinon qu’il fallait craindre un nettoyage ethnique. La situation est restée comme telle jusqu’à la signature de l’Accord préliminaire de Ouaga (le 18 juin) et son application, avec l’entrée des militaires maliens dans cette ville.

Mais, les suspicions à l’endroit de la France ont repris de plus belle quand on a constaté que les soldats maliens étaient cantonnés, contrairement aux rebelles qui se paradaient dans la ville tout en provoquant les maliens.

La situation pourrit quand le 17 mai 2014, plusieurs centaines d’habitants pro-Azawad manifestent à Kidal lors de la visite du Premier ministre, Moussa Mara. La situation dégénère et des combats opposent militaires maliens et combattants du Mnla près du gouvernorat et font plusieurs dizaines de morts. Le mercredi 21 mai 2014, l’armée malienne lance une offensive pour reprendre le contrôle de la ville de Kidal []. Mais, c’est la désillusion.
L’armée est mise en déroute, au nez et à la barbe de Serval et de Minusma. Mieux, la France est soupçonnée d’avoir laissé, voire même aidé des djihadistes venir appuyer les rebelles du Mnla. Certains Maliens en sont même convaincus. D’où les nombreuses manifestations anti françaises organisées, ce sentiment antifrançais persiste toujours.

2014, Serval devient Barkhane

Le 1er août, Serval est remplacé par Barkhane, une opération à vocation régionale forte de 3.000 soldats français au Sahel. Ils sont aujourd’hui 5.100 élements.

En mai-juin 2015, l’accord de paix dit d’Alger est signé entre le gouvernement et l’ex-rébellion touareg. Jamais appliqué, cet accord reste la référence pour une sortie de crise. Pour la première fois, le 11 février 2021, une réunion du Comité de suivi de l’accord d’Alger de 2015 a eu lieu à Kidal, ville du nord du Mali tenue par des ex-rebelles indépendantistes.

Depuis 2015, les violences se sont propagées vers le sud, puis le Burkina Faso et le Niger voisins. En février 2021, Bernard Emié, patron du renseignement extérieur français, confirme que les pays du golfe de Guinée, notamment le Bénin et la Côte d’Ivoire, sont eux aussi devenus des cibles d’Al-Qaïda.

À partir de 2015  les attaques avec des engins explosifs contre les forces sahéliennes ou étrangères se multiplient. Des lieux fréquentés par des étrangers sont aussi touchés par des attentats.

5100 soldats français sur le terrain contre 3100 en 2014

Le 20 novembre 2014, un attentat contre l’hôtel Radisson Blu à Bamako fait 20 morts, dont 14 étrangers. Depuis, l’état d’urgence est imposé quasiment sans interruption au Mali.
En mars 2017, les djihadistes liés à Al Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi), dont les groupes de l’Algérien Mohktar Belmokhtar et du prédicateur radical peul Amadou Koufa, se fédèrent en un “Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans” (GSIM), dirigé par Iyad Ag Ghaly.
La région est aussi aux prises avec le groupe Etat islamique au grand Sahara (EIGS), auteur d’une série d’attaques d’ampleur fin 2019 contre des bases militaires au Mali et au Niger. Il est désigné ennemi numéro un lors du sommet de Pau (sud-ouest de la France) de janvier 2020 entre Paris et ses partenaires du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Niger, Burkina Faso, Tchad).
Au sommet de Pau le 14 janvier 2020, face à la pression djihadiste dans la région de la zone dite “des trois frontières” (Niger, Mali, Burkina), la France du président Emmanuel Macron décide de passer son dispositif militaire de 4500 à 5100 hommes. C’est le plus grand déploiement de l’armée française à l’étranger depuis la première guerre du Golfe (août 1990-février 1991) avec l’opération Daguet. Outre l’accent mis sur l’EIGS, Barkhane poursuit en 2020 sa politique de “neutralisation” des cadres djihadistes. Le 4 juin, le chef d’Aqmi, l’Algérien Abdelmalek Droukdel, est tué par Barkhane au Mali. Un succès symbolique majeur. En novembre 2020, c’est au tour de Bah Ag Moussa, “chef militaire” du GSIM, d’être abattu par la France. Sur le terrain, notamment dans la zone “des trois frontières”, l’armée française a multiplié les opérations coup de poing contre les forces djihadistes avec la participation de plusieurs milliers d’hommes. Ce fut le cas avec l’opération “Bourrasque” en novembre 2020. Durant plus d’un mois, 3 000 soldats de la force Barkhane, des forces armées maliennes et nigériennes, ont mené ensemble une opération d’ampleur dans le Liptako-Gourma, faisant une centaine de morts chez les djihadistes. Du 2 au 21 janvier 2021, plus de 1 500 soldats français ont été mobilisés dans l’opération “Eclipse” dans le centre du Mali. Là aussi, une centaine d’insurgés ont trouvé la mort.

Mais les djihadistes ne laissent pas de répit à l’opération “Barkhane”. L’EIGS tue six humanitaires français en août 2020 au Niger. Et Al-Qaïda poursuit ses attaques : ses hommes tuent cinq soldats français en moins d’une semaine entre fin décembre 2020 et début janvier 2021, et attaquent en février un poste militaire malien, faisant dix morts parmi les soldats.
L’armée française a perdu 53 hommes au Sahel depuis le début de son intervention.

Hostile affichée

Incontestablement, l’opération Serval, qui a précédé Barkhane dans le nord du Mali, fut une réponse extrêmement contre différents groupes qui avaient occupé le Nord en 2012. Cette opération avait d’abord été perçue positivement par la grande majorité des Maliens.

Mais face à la gestion du cas de Kidal par l’armée française, les Maliens ont commencé à se poser des questions. Sur la présence française dans le pays. Dès lors beaucoup de maliens ont estimé que la France participe à la déstabilisation du Mali pour légitimer sa présence, mais surtout qu’elle a pris le parti des ex-rebelles touaregs qui continuent d’occuper cette localité. Ce dernier point a particulièrement contribué à installer un sentiment d’hostilités à l’égard de la France en général et des soldats de la force Barkhane en particulier.

D’autres actions sont venues conforter cette idée. Il s’agit, notamment de l’annonce par Emmanuel Macron de la visite prochaine du premier ministre malien à Kidal, lors de sa rencontre du 12 novembre 2019 avec les présidents du Mali, du Niger et du Tchad. On connaît très bien les difficultés qu’ont les autorités maliennes à s’y rendre, y compris les personnalités au premier plan de l’État. En quelque sorte, le fait que le président français fasse cette annonce en premier prouverait à certains Maliens qu’il détient la clé du problème de Kidal. Et en dépit de la présence de barkhane, la situation sécuritaire ne s’est jamais autant dégradée, avec les répercussions que l’on sait sur les populations civiles, notamment dans le Centre du Mali. Bon nombre de maliens reprochent à la France  son manque de volonté à  juguler la détérioration de la situation sécuritaire avec son lot de victimes civiles. D’autant plus que les violences se sont nettement dirigées vers ces dernières, avec des nombres record de victimes, dont des enfants et des femmes….

Il est clair pour chacun que le nord du Mali n’est aujourd’hui ni plus sécurisé, ni plus stable qu’au moment du déploiement de Barkhane. La quantité de victimes civiles et militaires du terrorisme est en constante croissance, et la zone d’action des groupes armés s’est considérablement élargie. La réalité est qu’il semble difficile pour de nombreuses populations de croire que Barkhane– eu égard aux moyens considérables dont elles disposent – soient réellement incapables de réduire le pouvoir de nuisance des groupes armés terroristes, ou du moins de les protéger contre ces groupes.

Le divorce s’est finalement soldé le  17 février 2022, de façon officielle, le président français Emmanuel Macron a annoncé le retrait des troupes françaises de Barkhane et européennes de Takuba.

Mémé Sanogo

Source : L’Aube

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