Ramata Dia n’était pas une pestiférée, mais il fut un moment où les politiques préféraient l’éviter. Ainsi rappelle-t-elle comment en 1992 elle a tenté d’acculer le candidat Alpha Oumar Konaré lors d’une interview à la veille de la présidentielle. Invitée de la 1ere édition de la causerie-débat « Une vie, une expérience » initiée par l’Association des éditeurs de presse privée(ASSEP), la promotrice de la Radio Guintan s’est exprimée à cœur ouvert le samedi 3 novembre.
Entre Ramata Dia et la presse, il y a une histoire d’amour qui a commencé en 1985 alors qu’elle était étudiante en journalisme à Dakar. Une guerre venait de commencer entre le Mali et son voisin le Bukina Faso, le bruit circulait sur une attaque contre la ville de Sikasso, a-t-elle raconté. L’étudiante de première année en vacance de Noel au bercail saute dans un véhicule pour aller dans la capitale du Kénédougou où elle constate de visu les dégâts causés par l’attaque.
Ramata Dia écrit ainsi son premier article de presse sur cette guerre pour un journal sénégalais sous le pseudonyme de Rose Ly. Elle qui n’avait d’expérience que son baccalauréat scientifique et une passion débordante pour le journalisme. L’article qui eut un grand écho lui a valu de continuer d’écrire dans l’anonymat, la journaliste craignant le regard de ses professeurs de l’Université Cheick Anta Diop.
Cette ténacité n’est pas étonnante de la part d’une jeune dame qui a préféré renoncer à l’Ecole de médecine de Bamako où elle était orientée après son bac. «Vous pensez que quelqu’un qui parle beaucoup aurait fait un bon médecin ? Non, j’avais peur de voir du sang à l’époque », a-t-elle commenté.
Cette peur, elle la surmontera un peu plus d’une décennie après, en se portant à la tête du secours populaire lors des émeutes de 1991 contre le pouvoir du général Moussa Traoré. Le « dictateur » renversé, commencent ainsi « les années bonheur » où la jeune journaliste a travaillé pour le journal Fizan, La Cigale Muselée et la radio Kayira entre autres.
Des reconnaissances à l’international se font jour, et Ramata revient d’une visite aux Etats-Unis en 1995 avant de commencer l’aventure des radios dont Guintan, la voix des femmes. C’est une ère de libération dont elle profite en pilotant des programmes pour les radios rurales avec un penchant pour les droits des femmes.
Mais la promotrice de la radio Guintan a expliqué à quel point elle trouve incompréhensible que le Mali qui se targue d’être la 3eme économie de l’espace UEMOA soit à la traine en matière d’aide à la presse.
C’est peut-être une situation entretenue en haut lieu pour réduire la presse malienne à la mendicité, s’est interrogée Dia. Selon elle, le Niger qui est loin derrière le Mali dans l’espace UEMOA octroie 800 millions de FCFA à la presse. « C’est honteux que le Mali ne puisse même pas donner 200 millions de FCFA. L’aide à la presse la plus minable de la sous-région est celle du Mali. L’Etat doit accorder la subvention indirecte en accordant à la presse 20 à 30% de l’électricité, des frais de télécommunication ou des charges de location», a-t-elle dit.
Soumaila T. Diarra
Source: Le Républicain