Quand j’ai écrit que la vraie révolution, ce n’est pas 500 mille personnes sur 20 millions, j’ai vu beaucoup de réactions dont certaines méritent d’être considérées, mais d’autres provoquent le rire parce que c’est à peine qu’on arrive à comprendre ce que les auteurs veulent dire. Evidemment, je suis d’avis avec ceux qui affirment que la révolution n’est pas une question de nombre, mais de détermination à atteindre le but fixé. Voyons la définition du terme, Wikipédia :
«Le mot « révolution » est issu du bas latin et latin chrétien revolutio « révolution, retour (du temps); cycle, retour (des âmes par la métempsychose) » ; latin médiéval « révolution (astronomique) », dérivé du latin revolvere « rouler (quelque chose) en arrière ; imprimer un mouvement circulaire à, faire revenir (quelque chose) à un point de son cycle ». Une révolution est un renversement brusque d’un régime politique par la force. Elle est aussi définie par le Larousse comme un «changement brusque et violent dans la structure politique et sociale d’un État, qui se produit quand un groupe se révoltant contre les autorités en place, prend le pouvoir et réussit à le garder ».
La magie des chiffres
Dans le cas du Mali, l’exemple le plus éloquent est le capitaine Amadou Aya Sanogo qui, avec sa petite bande de militaires en bérets verts, a réussi en quelques heures à déloger toute une armée de généraux maliens, à mettre en fuite les plus hautes institutions de la République et d’en prendre le contrôle. Quand il s’agit des militaires, nous parlons de coup d’Etat, quand c’est une partie du peuple, nous disons que c’est une révolution. Dans tous les cas, c’est un changement de régime. Cette révolution d’un groupe d’individus a-t-elle été bénéfique pour le Mali en 2012?
Laissons la révolution, et revenons au Mali. Sur une population de deux millions d’habitants à Bamako, nous aimons parler de démonstration de force lorsque 60 mille personnes se réunissent au stade de Bamako, ou que 300 ou 500 mille autres se retrouvent à la place de l’Indépendance. 60 mille personnes, c’est une goutte dans la mer, mais, je n’en disconviens pas, 300 ou 500 mille personnes, c’est déjà plus sérieux et pas si facile à soulever. Aucun homme politique malien de nos jours n’est capable de mobiliser même 10 mille personnes, car ils se sont tous discrédités par leurs actes et leurs paroles creuses ! La classe religieuse le fait facilement, donc elle a plus de poids sur l’arène. Elle le sait, et elle en profite pour affermir ses positions.
L’erreur persistante
L’erreur que nous faisons chaque fois, c’est de croire que Bamako est toute la République du Mali. Quand les soldats maliens tombent par dizaines sur le front, Bamako est en fête d’anniversaire au haut sommet, en mariages du dimanche, à prendre tranquillement du thé au « grin », ou à suivre des matches de football. La dernière fois à Diabali, il y a seulement quelques jours, 40 soldats maliens tombaient, pendant que tout Bamako était sur un débat entre Sarr et Ras Bath. C’était la une sur les réseaux sociaux. Mais, il suffit que le Réal de Madrid marque un but, que la pauvre Dame de Paris brûle, que quelques journalistes de Charlie Hebdo soient tués, que quelques soldats français tombent au Mali, pour que tout le pays se mette en branle, avec des images de funérailles sur les profils ! La question qui se pose est celle de savoir si nous vivons réellement la peine des veuves de soldats et des orphelins maliens. A Bamako, on ne le sent pas.
Lors des meetings, politico-religieux, il faut le souligner, la parole n’est jamais donnée à ces veuves ou à ces orphelins qui sont l’expression éloquente des souffrances du peuple, la parole n’est jamais donnée aux déplacés des zones de conflit, qui sont à Bamako et dont les abris précaires viennent d’être détruits par un incendie criminel. Combien d’hommes politiques et de leaders religieux, ceux-là qui déclarent représenter la Nation, leur ont rendu visite ?
Lors des meetings des vendredis, nous voyons au micro des hommes politiques, ayant perdu leurs postes, mais qui ont mangé et défendu auparavant avec hargne le pouvoir en place, jusqu’à parler du «lever du soleil». Il suffit qu’ils perdent leurs postes, pour prendre ensuite la tête des marches et se fondre en critiques expertes. Quand ils reviennent aux affaires, ils changent de langage de nouveau ! Combien de temps cela va-t-il durer ? Nous voyons des religieux qui ont mangé des milliards de nos francs avec tous les régimes, d’ATT à IBK, et dont le langage change selon les circonstances, et selon les milliards qu’ils obtiennent, pour défendre ou pour condamner le régime en place. Le 19 juin dernier, nous avons vu quelques bus des régions arriver à Bamako. Et quoi ? Les a-t-on vus au micro ? Même s’il est accusé de ne pas payer les impôts, le Chérif de Niono, force est de le lui reconnaître, vit de son petit commerce, comme le Prophète en son temps. Les autres vivent de quoi, en ne rien faisant ? Nous avons donc tout intérêt à nous poser la question d’où vient l’opulence dans laquelle ils vivent sans travailler, alors que les Maliens qui travaillent sous le soleil chaque jour sont toujours dans la merde ! Les Maliens sont sur des routes cassées, alors que la route natale de certains est bitumée jusqu’au village natal. Les Maliens sont dans de vieilles voitures, alors que certains sont dans des V8 avec tout le confort. Dire que c’est Dieu qui donne tout cela revient à cracher sur le budget malien et sur les Maliens ! Du reste, si les vendredis ne marchent pas, essayons donc les dimanches ou autres jours de la semaine.
Intimidation n’est pas révolution
Pour exemple, en Tunisie, la mort de Bouazizi, un simple vendeur d’oranges, a déclenché la colère. A la base, ce n’était ni les hommes politiques ni les religieux. C’était le peuple. Nous ne devons pas confondre donc «révolution» avec des règlements de comptes au sommet que nous voyons au Mali. Tout le bruit qui se fait est pour obtenir des concessions et des gains personnels. Ni plus ni moins. Et cela, sur le dos des Maliens qu’on jette dans les rues pour une démonstration de force. Ce n’est pas une révolution au sens propre, c’est plutôt une intimidation avec déjà deux penalties au poteau. Si les religieux souhaitent un changement réel dans le pays, ils devraient, à mon avis, prendre leur distance avec ceux, hommes politiques, qui ont les mains sales. S’ils ne le font pas, c’est donc que les oiseaux du même plumage volent ensemble. En s’associant à des hommes politiques pareils, la CMAS en donne la confirmation. Son intention réelle n’est pas de prendre le pouvoir, mais d’y placer des guignols qui feront ceux qu’ils veulent, de placer ses hommes aux postes-clés. Quand tu veux l’expliquer à certains Maliens, ils ont la question facile : «Qu’est-ce que tu as fait pour le Mali ?» En revanche, je pose la même question à ceux qui ont fait tout pour le Mali : «Pourquoi le pays est tombé alors ?»
Sans nul doute, IBK a failli à sa mission. C’est le président le plus calamiteux que le Mali ait connu. Il faut le dégager, et le plus tôt sera le mieux. Pour ce faire, si l’on a vraiment envie, pas la peine de rassembler 500 mille personnes sur la place de l’Indépendance. Cet effectif colossal pourrait marcher sur Sébénicoro ou sur Koulouba. Ni la police ni l’armée ne prendront la responsabilité d’ouvrir le feu sur un tel nombre de personnes. Pour éviter un bain de sang au moins, il suffirait de décréter la grève générale et la désobéissance civile qui sont garanties par la Constitution malienne. Pourquoi on ne le fait pas ?
Pour finir, j’ai bloqué certains sur ma page. Si c’est pour des discussions constructives, j’admets les opinions contraires que je lis avec un grand plaisir. Mais, si c’est des insultes ou des impolitesses, je ne permets pas. A mes 54 ans, je ne permettrai jamais à de petits impolis dont je peux être le père ou l’oncle de le faire. C’est la raison pour laquelle je ne vais plus dans les groupes. L’amitié sur Facebook m’est très chère. Mais, je vivrai comme je vis, sans celle des impolis. Un petit téléphone chinois de seconde main ne doit pas faire de nous des héros derrière le clavier.
Respectons-nous vivants !
Sekou Kyassou Diallo.
Alma-Ata, Kazakhstan.
INFO-MATIN