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De la guerre de succession au sein du Pasj à l’élection d’ATT en mai 2002

Une crise grave survint après la démission du Premier ministre Ibrahim Boubacar KEITA (IBK), le 14 février 2000, et son remplacement à la tête du gouvernement par l’économiste Mandé Sidibé. M. Ibrahim Boubacar KEITA devenait alors président de l’Adema-PASJ malgré les nombreuses critiques des « rénovateurs », un important courant du parti conduit par Soumaïla CISSE, ministre de l’Équipement, et Soumeylou Boubèye MAÏGA, ministre de la Défense. Lors de la 6ème conférence nationale ordinaire de l’Adema-PASJ du 7 octobre 2000, les délégués s’accordaient, malgré l’opposition d’IBK, pour convoquer un congrès extraordinaire afin de clarifier la situation politique interne.


Mis en minorité, Ibrahim Boubacar Keita prenait la dimension de son isolement et démissionnait aussitôt de la direction du parti. Le congrès, tenu en novembre 2000, entérinait la victoire des rénovateurs et voyait leur entrée au Comité exécutif du parti où ils remportaient 95% des 35 sièges, tandis que la présidence de l’Adema-PASJ était confiée à Dioncounda Traoré. Devant cette situation, les proches d’IBK fondaient en février 2001 l’ébauche d’un nouveau parti dénommé Alternative 2002, consacrant ce que la presse malienne caractérisait par une « implosion du pouvoir ».
En juin 2001, IBK et les dissidents de l’Adema-PASJ créaient leur nouveau parti, le Rassemblement pour le Mali (RPM) et, emmenant trente-quatre députés du parti au pouvoir dans un nouveau groupe parlementaire dit des «Indépendants», rejoignaient l’opposition. Ils y retrouvaient, outre les partis du Coppo, le Parena, ancien allié de l’Adema-Pasj devenu très critique à l’égard du régime d’Alpha Oumar Konaré. Cet affaiblissement du parti au pouvoir se doublait de critiques multiformes dénonçant la corruption croissante des cadres politiques tout autant que de déchirements pour la nomination officielle de son candidat aux futures présidentielles.
En novembre 2001, l’Adema-PASJ voyait en effet quatre des siens faire acte de candidature : Mandé Sidibé, Premier ministre du Mali, Soumeylou Boubèye Maïga, ministre de la Défense et vice-président du parti, Soumaïla Cissé, ministre de l’Équipement, et enfin Ibrahima N’Diaye, maire du district de Bamako et 2ème vice-président du parti. Dioncounda Traoré décidait alors d’organiser des primaires au sein du parti, processus qui devenait rapidement un véritable feuilleton politique. La procédure adoptée passait par l’envoi des dossiers des candidats aux sections qui avaient à désigner les deux premiers d’entre eux. Une convention du parti devait ensuite départager ces derniers.
Mais, quelques jours après, l’ensemble de la procédure était suspendue par la direction du parti. Soumaïla Cissé critiquait alors ce gel des primaires, les députés l’Adema-PASJ se prononçaient à leur tour pour leur organisation, et la procédure était relancée en décembre. Ibrahima N’Diaye décidait de se retirer et de soutenir Mandé Sidibé, mais ce dernier abandonnait finalement les primaires tout en maintenant unilatéralement sa candidature à la présidentielle.
Deux candidats aux primaires restant seulement en lice, l’Adema-PASJ s’en tenait à la seule convention, qui investissait pour finir en janvier Soumaïla Cissé. L’affaire rebondissait encore en mars, une partie des membres du Comité exécutif du parti appelant, par la voix du ministre du Développement rural, El Madani Diallo, à soutenir le Général Amadou Toumani Touré.
El Madani Diallo décidait d’ailleurs peu après de se présenter lui-même à la présidence. Le bilan de ces atermoiements aboutissait en avril à son exclusion du parti, la même sanction étant imposée au candidat Mandé Sidibé. Il n’en restait pas moins que trois candidats officiels étaient finalement originaires de l’Adema-PASJ, du moins si l’on ne comptait pas Ibrahim Boubacar Keïta, lui-même dissident du parti.
La Cour constitutionnelle proclame les résultats définitifs le 9 mai 2002. Amadou Toumani Touré était crédité de 28,71% des suffrages (449 176 voix), Soumaïla Cissé de 21,32% (333 525 voix), tandis qu’Ibrahim Boubacar Keïta n’obtenait que 21,04% (329 143 voix), et était donc éliminé du second tour de la consultation. Malgré ces chiffres étonnants, les candidats exclus du deuxième tour décidaient d’accepter le verdict de la Cour constitutionnelle et s’engageaient aussitôt dans la préparation du second tour. Réunis dans une alliance dénommée «Espoir 2002», quinze partis politiques, rejoints par d’autres petites formations et les deux candidats dissidents de l’Adema-PASJ, décidaient de soutenir la candidature du Général Amadou Toumani Touré pour faire face au candidat du parti au pouvoir. La campagne, repoussée en raison de la proclamation tardive des résultats du premier tour, était très brève et ne durait que deux jours. Le 12 mai 2002, le scrutin s’ouvrait de nouveau et, s’il était caractérisé par une participation encore moindre qu’au précédent tour, n’était entaché que par peu d’irrégularités.
Il fallait néanmoins attendre jusqu’au 16 mai pour connaître les résultats du scrutin, validés seulement le 23 mai 2002 par la Cour constitutionnelle. Amadou Toumani Touré obtenait 65,01% des suffrages (soit 926 243 voix sur 1 424 746 suffrages exprimés) et était élu président. Son rival Soumaïla Cissé obtenait quant à lui 498 503 voix, soit 34,99% des suffrages. Dès les résultats connus, Soumaïla Cissé félicitait son adversaire en souhaitant que, durant son mandat, « le pays soit en paix ». Il ajoutait à ses félicitations, dans une phrase apparemment sibylline, que « certains camarades » l’avaient abandonné. Le candidat vaincu faisait en réalité allusion aux expressions diverses de la méfiance portée sur le rôle du président sortant, Alpha Oumar Konaré, dans la désignation de son successeur.
Dès la fin de l’année 2001, le président Konaré avait déclaré à la presse qu’il n’avait « ni dauphin ni candidat » et, de fait, son rôle dans la désignation du candidat officiel de l’Adema-PASJ avait été parfaitement mineur. Il n’était même pas réellement intervenu pour apaiser les dissensions qui s’étaient exprimées à cette occasion dans son propre parti, et nombre de militants le lui avaient reproché. Peu à peu, la rumeur enflait d’un arrangement secret entre Amadou Toumani Touré et lui. ATT lui ayant permis d’arriver au pouvoir en 1992, Konaré aurait décidé de lui retourner le service en favorisant l’élection du Général en 2002. C’est en tout cas ce qui se murmurait au sein de l’opinion entre les deux tours, quand les candidats éconduits avaient exprimé leur mécontentement : «fraude grossière », « manipulation » selon Ibrahim Boubacar Keïta qui ajoutait que « toute cette mascarade n’avait pour ambition que de procéder à la nomination d’un homme à la présidence de la République », évoquant ATT sans le nommer, mais étant parfaitement compris par les Maliens saisis par le doute. IBK était encore plus clair à la veille du second tour, lorsqu’il accusait le président sortant d’avoir préparé avec « organisation, méthode et cynisme le retour au pouvoir d’ATT ».
De son côté, Soumaïla Cissé évoquait le 11 mai la « trahison » et le « coup bas » dont il disait avoir été victime, suspectant le « deal » organisé au sommet de l’État contre sa candidature : «Peut-on croire que je n’ai même pas eu droit au traditionnel “bonne chance” de ceux-là même qui devaient défendre bec et ongles ma candidature ? », s’est-il exclamé, ajoutant : « à moins que le deal souvent murmuré existe et que le passage de témoin n’avait besoin que d’un habillage savant, comme chacun d’entre vous le sentait depuis de longs mois», évoquant l’appui présumé du président sortant à ATT. La presse n’était pas en reste, reliant ces rumeurs aux irrégularités du scrutin et à l’absence de soutien de Konaré à celui qui était le candidat officiel de son propre parti.
Inna Maïga

Source: Le Démocrate

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