Le Bureau du Vérificateur Général (BVG), lors de sa mission de vérification des contrats d’acquisition de l’avion présidentiel et de matériels militaires, a rencontré à de multiples reprises l’ancien ministre de la Défense Soumeylou Boubèye Maiga. L’entretien du 23 juin 2014 a rassemblé l’ancien ministre et l’équipe du BVG dirigée par son patron, Amadou Ousmane Touré. Il a fait l’objet d’un procès-verbal signé des parties présentes.
Parlant de l’acquisition de l’avion, Boubèye explique que le gouvernement du Mali a souhaité acquérir un« avion de commanadement » car les déplacements fréquents du président de la République étaient assurés à travers des locations d’avions qui engendraient des coûts exorbitants. Dans les analyses du gouvernement, l’acquisition d’un avion par umprunt remboursable sur 5 ans était beaucoup plus rentable que la location continuelle d’avions.
Ainsi, à l’initiative de l’ancien Premier Ministre Oumar Tatam Ly, l’ancien ministre délégué au Budget, Madani Touré, en relation avec son collègue des Investissements, Moustaphe Ben Barka, ont procédé au« montage » du dossier d’acquisition de l’avion présidentiel. Ils ont, à cette fin, recouru à l’article 8 du Code des marchés publics qui offre des dérogations au droit commun de la passation des marchés. Boubèye reconnaît que contrairement à la loi, aucune expression de besoin n’a été formalisée; le mode de financement de l’avion a été décidé au cours d’une réunion restreinte regroupant Oumar Tatam Ly, la ministre des Finances Bouaré Fily Sissoko, et Boubèye lui-même. Ce dernier souligne que « l’ingénierie financière relative au financement de l’aéronef a été assurée » par l’ancien ministre du Budget, Madani Touré et madame Bouaré Fily Sissoko. Quant à Ben Barka, ministre délégué aux Investissemnts, il a, selon Boubèye, « conduit le processus de négociation avec le groupe d’intermédiaires ».
Du coup, selon Boubèye, Madani Touré et Ben Barka sont « les mieux placés » pour expliquer le rôle de celui qui fut recruté comme « conseiller du gouvernement » dans l’opération d’acquisition de l’avion. Le ministère de la Défense, qui a la « propriété administrative de l’avion », a signé le contrat d’acquisition pour le compte de l’Etat malien. Les formalités administratives, notamment l’immatriculation de l’avion, n’étaient pas terminées avant la mise en place du gouvernement actuel. A ce jour, l’immatriculation n’est pas finalisée.
Selon Boubèye, l’acquisition de l’avion résulte d’une « décision de souveraineté » et son ministère n’a servi que de « couverture » pour la placer sous l’empire de l’article 8 du Code des marchés publics.
A ses dires, le ministre Ben Barka fut « le principal négociateur » gouvernemental. Marc Gaffajoli, représentant de « Sky- Colour », a joué divers rôles dans le processus d’acquisition de l’avion. C’est Gaffajoli qui a effectué l’audit de l’ancien avion présidentiel (celui d’ATT) et a servi d’intermédiaire entre le gouvernement et le vendeur du nouvel avion.
Par ailleurs, le contrat d’acquisition de l’avion a été co-signé par Marc Gaffajoli. La signature du contrat a eu lieu dans le bureau de Boubèye. Celui-ci précise que Marc Gaffajoli est aussi le représentant de Tomi Michel, l’homme d’affaires corse auquel appartient la société « Afrijet ». La même société qui louait déjà un avion« Bombardier BD-700 Global Express » à la présidence de la République du Mali pour un montant de 500.000 euros (325 millions de FCFA).
Selon Boubèye, « Akira Investment » est une « société-écran » créée uniquement pour l’opération d’acquisition de l’avion présidentiel. C’est pourquoi la BDM a viré 17,5 milliards de FCFA (prêtés à l’Etat) dans le compte du trésor public car elle estimait que les références bancaires d’« Akira Investment » n’étaient « pas fiables ». Le montant réel de l’acquisition de l’avion est, selon Boubèye, de 7,470 milliards de FCFA : c’est cela qui explique la recente immoblisisation de l’appareil en Suisse, à la demande des autorités fiscales des Etats-Unis d’Amérique. Boubèye, qui ne se fait guère prier pour balancer du beau monde, suggère au Vérificateur Général de prendre contact avec Tiénan Coulibaly, ministre des Finances sous la Transition, pour obtenir plus de précisions sur le prix d’achat réel de l’avion présidentiel. Il révèle que l’Etat malien loue les services d’un équipage étranger à chaque déplacement de l’avion. Pour lui,« il faut tout mettre en œuvre pour transférer les titres de propriété de l’avion au nom du Mali afin de sauvegarder les intérêts de l’Etat ».
Fourniture des matériels militaires
Boubèye produit un mandat en date du 5 novembre 2013 signé du directeur de cabinet d’IBK, Mahamadou Camara: par ce mandat, la Présidence de la République commet Sidi Mohamed Kagnassy pour négocier toutes transactions relatives à l’acquisition de matériels pour les forces armées du Mali. Sachant que le Mali ne dispose pas de ressources financières suffisantes pour faire face à un besoin immense en équipements militaires, une liste de besoins a été communiquée à Kagnassy, à charge pour lui de trouver les financements nécessaires. C’est dans ce cadre qu’un protocole d’accord pour l’achat de véhicules, d’uniformes et de matériels militaires a été signé avec la société « Guo Star SARL ». En prévision de l’élaboration d’un budget-programme pluriannuel par le Mali, il a été obtenu auprès de la Banque Atlantique-Mali un financement du protocole d’accord sur une durée de trois ans, avec un différé d’un an. Le remboursement des sommes empruntées à la banque devait débuter en 2015. L’Etat malien a offert à la banque une garantie de 100 milliards de FCFA. Le schéma de financement retenu est l’ouverture de lettres de crédit par la banque afin de rassurer les fournisseurs et sécuriser les différentes livraisons de matériels. La charte des banques ne permettant pas à la banque Atlantique de financer l’achat de certains types d’armes ou de véhicules militaires, il a été convenu qu’une partie du montant emprunté sera versé dans le compte bancaire de « Guo-Star SARL »en vue de l’achat direct desdits équipements.
L’existence de deux contrats de fourniture signés pour le compte de « Guo-Star », l’un signé par Sidi Mohamed Kagnassy, l’autre par Amadou Baiba Kouma, est expliquée par Boubèye de la manière suivante : le premier contrat a été signé par Sidi Mohamed Kagnassy alors qu’il n’avait pas la capacité juridique de représenter « Guo Star SARL »; cette anomalie ayant signalée par la Banque Atlantique, un nouveau protocole d’accord a été signé par le directeur général de la société: Amadou Baïba Kouma.
Abdoulaye Koné