L’Occident semble avoir voulu surtout protéger ses intérêts et a dépassé le mandat de l’ONU, estime l’expert en droit international Daniel Lagot dans une tribune au « Monde ».
Tribune. On a beaucoup parlé ces jours-ci de sommes d’argent que l’ex-président Sarkozy aurait reçues du régime Kadhafi pour financer sa campagne électorale en 2007. Il est difficile de savoir ce qu’il en est. Si les faits étaient confirmés, ce serait effectivement très grave.
Mais il y a beaucoup plus grave de la part de Sarkozy et curieusement on n’en parle moins : la guerre qu’il a lancée en 2011 contre ce même régime Kadhafi avec les Etats-Unis et le Royaume-Uni, jusqu’à sa destruction et l’assassinat de Kadhafi.
Cela pose des problèmes toujours d’actualité directe, par exemple dans les cas de la Syrie, de la Birmanie (aurait-on dû y intervenir à propos du sort des Rohingya ?) : à partir de quelle ampleur de crimes ou de violations des droits de l’homme, vérifiés, et non seulement affirmés, doit-on intervenir militairement, avec ou sans l’accord de l’ONU, au lieu d’utiliser la diplomatie et la négociation ?
Massacres et « fake news »
Une majorité des Français continue à penser que la guerre en Libye était justifiée par les massacres généralisés commis par le régime Kadhafi contre sa population. Il ne s’agit pas ici de défendre ce régime, probablement responsable de graves violations des droits de l’homme et de crimes, mais le problème est que ces massacres sont l’une des plus grosses « fake news » de notre époque (avec celle des Etats-Unis contre l’Irak en 2003) pour justifier une guerre ayant eu probablement d’autres motifs : c’est là la conclusion du Parlement britannique (pourquoi n’y a-t-il pas l’équivalent en France ?) dans un rapport de 2015 à ce sujet.
Les pays occidentaux, et en premier lieu Sarkozy, ont poursuivi la guerre jusqu’au bout, en violation très probable de la résolution de l’ONU
Des organisations humanitaires telles qu’Amnesty ou Human Rights Watch, qui ont pourtant largement soutenu la guerre contre un régime criminel à différents égards selon elles, évaluent entre 100 et 400 le nombre de morts…
Source: Le Monde