Depuis que l’imam Mahmoud Dicko et le mouvement du 5- Juin ont sonné la charge en mettant la démission du président Ibrahim Boubacar Kéïta (IBK) sur la balance, la météo soico-politique s’est chargée de vents violents qui font tanguer dangereusement le Mali. En effet, entre la légalité brandie par les partisans du locataire du palais de Koulouba et la légitimité que lui renient ses contempteurs, le Mali se cherche un chemin de dialogue pour une sortie de crise négociée. Seulement, les acteurs de la crise semblent se livrer à une danse du tango qui n’augure rien de bon, si ce n’est de plonger davantage le pays dans l’incertitude des lendemains qui déchantent. En effet, le rejet, par les acteurs de la mouvance présidentielle, des propositions de l’opposition visant à dépouiller le chef de l’Etat de ses pouvoirs constitutionnels pour le réduire à un simple rôle honorifique, a vu la réaction des contestataires qui ont remis au goût du jour la démission du chef de l’Etat avec en ligne de mire, la reprise des manifestations dont la prochaine est prévue pour le 10 juillet 2020.
Tant que les acteurs politiques seront dans la logique de leurs intérêts égoïstes, le Mali risque de voler de crise en crise
Avis de tempête donc sur Bamako, tant la ligne de démarcation semble à présent clairement tracée entre les « dialoguistes » qui semblent se parler sans vraiment s’entendre sur les rives du fleuve Djoliba. Comment peut-il en être autrement quand on voit les risques de radicalisation dans les deux camps, qui sont autant de menaces réelles pour ce début de dialogue qui a déjà du mal à prendre forme ? A ce propos, tout porte à croire que plus que tout autre chose, c’est l’insincérité des acteurs, qui est le nœud gordien de la crise au Mali. Dès lors, l’on comprend pourquoi les accords de paix d’Alger n’ont jamais eu de chance d’aboutir aux résultats attendus. Car, quand on fait un pas en avant aujourd’hui et qu’on en fait deux autres dans le sens contraire demain, il est clair qu’on n’avance pas. Dans ces conditions, il est difficile de convaincre que l’on n’est pas guidé par des raisons inavouables. Cela semble malheureusement être la situation que vit le Mali dans cette énième crise qui est en train de déchaîner les passions et qui risque de détourner le pays de l’essentiel alors que les défis sont immenses, à commencer par celui de la lutte contre le terrorisme. C’est à se demander si dans un camp comme dans l’autre, on ne vient pas négocier avec un couteau dans le dos. Mais tant que les acteurs politiques seront dans la logique de leurs intérêts égoïstes au détriment de la Nation, le Mali risque de voler de crise en crise tant que les acteurs politiques seront dans la logique de leurs intérêts égoïstes sans jamais voir le bout du tunnel. Et le changement d’hommes n’y fera rien. C’est dire si aujourd’hui plus que jamais, le Mali est à la croisée des chemins. Mais au-delà du président IBK qui est aujourd’hui sur la sellette, c’est toute la classe politique qui devrait faire son autocritique, au lieu de continuer, pour certains, à donner le sentiment de chercher des raccourcis pour arriver au sommet de l’Etat dans la logique du « ôte-toi que je m’y mette ». Le Mali a besoin de mieux que ces tensions sociopolitiques qui contribuent à fragiliser davantage ce pays déjà marqué au fer rouge par les djihadistes.
Il est temps, pour la classe politique malienne, de cesser de jouer à la roulette russe
C’est pourquoi il est impératif que les protagonistes de la crise puissent mettre de l’eau dans leur… thé pour donner une chance à la paix dans leur pays. Autrement, à l’allure où évoluent les négociations que le radicalisme des uns et des autres semble avoir vouées à l’échec avant d’avoir même bien commencé, rien ne pourra faire retomber la bourrasque annonciatrice de pluies diluviennes sur Bamako. De quoi donner largement des raisons d’intrusion à un troisième larron en kaki, pour siffler la fin de la récréation. Ce qui serait un véritable recul démocratique. En tout état de cause, une fois de plus, la classe politique malienne est mise face à ses responsabilités. Il lui appartient de faire la preuve de sa maturité et de se montrer à la hauteur de l’Histoire pour éviter d’entraîner le pays qui est déjà sur la pente raide, dans le précipice. Autant dire qu’il est temps, pour elle, de cesser de jouer à la roulette russe. Dans le cas d’espèce, la rue n’est pas la solution. La question est maintenant de savoir jusqu’où ira le bras de fer entre IBK et ses adversaires qui semblent jouer tour à tour à se faire peur. Une situation qui prêterait à rire si ce n’était pas, malheureusement, l’avenir de toute une Nation qui était en jeu.
Editions Le Pays