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Crise sociopolitique et institutionnelle au Mali

La crise malienne est en elle-même un fait social, qui est la résultante de plusieurs facteurs sociaux qui additionnés les uns aux autres l’ont provoqué. Cette vision dite s’oppose à celle minimaliste qui voudrait qu’elle soit surtout causée par l’intervention internationale en Libye. Cette intervention a plutôt agi comme accélérateur, les germes de la crise étant déjà présents, il manquait une étincelle, et la Libye fut.

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La plupart des conflits violents commencent de façon non violente, dans le cas du Mali, plusieurs signaux étaient palpables, et annonçait une crise d’une grande ampleur, d’une ampleur supérieure à celle que l’on avait déjà connu.

Et d’ailleurs la Sécurité d’Etat par exemple, en s’intéressant très tôt au Mouvement national de l’Azawad, mouvement alors politique qui entend défendre les droits des populations du nord, ne s’était pas trompée. Ce mouvement non violent, interpellait l’Etat sur les engagements non tenus, sur les difficultés rencontrées par les populations, mais aussi sur la pression qu’exerçaient le terrorisme et le narcotrafic sur les populations.

En 2011 c’est le MNA qui deviendra le Mouvement de libération de l’Azawad, un mouvement donc armé, qui entendait mener une lutte pour l’indépendance. Le passage du MNA au MNLA doit être vu comme un échec global.

On doit plutôt caractériser la crise malienne comme étant une crise de la structure politique et institutionnelle du pays et d’autre part une crise sociale, ce qui rend au passage la connaissance d’une société essentielle à la résolution d’une crise (Avis aux experts).

La crise polito-institutionnelle ne date pas d’aujourd’hui, elle est aussi ancienne que le Mali. Les institutions maliennes se sont caractérisées dès les années 90 par leur faiblesse, elles sont peu à peu devenues des gouffres financiers où ceux voulant faire fortune rapidement se battent pour obtenir des postes juteux.

Il n’y est jamais question de redevabilité, un mot absent du vocabulaire des différents gouvernements qui se succédaient, aucune institution ne rend des comptes à qui que ce soit, ce qui a conduit les citoyens à développer une méfiance vis-à-vis de ces dernières, qui plutôt que d’être serviables envers les populations, les exploitent via des mécanismes de corruption et d’extorsions bien ficelés.

La faiblesse des institutions est un élément déclencheur de crise, car elle crée des frustrations, elle est la preuve d’un système à tendance prédateur, qui se détourne de l’intérêt collectif pour promouvoir les intérêts personnels.

Prenons exemple sur les conflits opposant éleveurs agriculteurs, entre nomades et sedantaires. En période de transhumance les éleveurs font paître les animaux dans les pâturages, et afin d’éviter tout conflit l’Etat dans le Code domanial de 2000 et dans la Loi d’orientation agricole a pris les dispositions nécessaires pour protéger les zones de transhumance contre la prédation foncière.

On observe dans plusieurs zones de la Région de Mopti par exemple que des zones prévues pour la transhumance sont vendues par des institutions, provoquant ainsi des conflits entre fermiers et éleveurs, un conflit lié à l’accès aux ressources.

Avec des institutions fortes, qui respecteraient le principe de redevabilité, les violations des dispositions législatives ne seraient pas aussi flagrantes, et on éviterait sans doute la centaine de morts observée à chaque hivernage. On voit également aujourd’hui que les Groupes opérant dans cette Région se servent de ces conflits fonciers pour faire du recrutement.

L’Accord pour la paix et la réconciliation au Mali issu du processus d’Alger, propose un certains nombres d’artifices institutionnels, et notamment le développement d’une gouvernance locale. Ce n’est pas mauvais en soi, mais les experts qui se penchent actuellement sur la question n’ont pas oublié, que le pays avait déjà fait l’expérience de cette démocratie locale, et que cela fut un pathétique échec .

En effet, la décentralisation au Mali s’est traduite par la dilution des tares nationales au niveau locale. Les élites locales ont reproduit les comportements observés au niveau national, ce qui a conduit au même délitement, et à une rupture totale de confiance entre la population et les institutions, donc les gouvernants.

La bonne Gouvernance est la condition nécessaire pour recréer la confiance entre l’Administration et les administrés, pour cela il faut un certains nombres de reformes et des gardes fous à mettre en place pour instaurer une culture de la redevabilité. Rendre compte de sa gestion est indispensable pour résoudre la crise politico institutionnelle.

En effet il ne suffit pas de donner tous les pouvoirs aux communes ou au Région, il faut qu’elles soient responsables devant les citoyens et qu’elles puissent être sanctionnées en cas de défaut.

Le tissu social malien s’est délité au fil des années, avec une perte de repères pour toutes les générations. Certes la mondialisation en est une cause, mais pas seulement, les crises politico institutionnelles, ont conduit à un changement de comportement, faisant disparaître toutes les barrières que fixaient les traditions pour développer de nouveaux comportements.

En période de crise, on pourrait s’attendre à ce que la société malienne se repose sur ses fondements (Solidarité, famille, tradition) bien au contraire, elle semble, du moins dans les centres urbains, s’être renfermée sur elle-même, l’individualisme a pris le pas sur le collectif. A  chaque crise (surtout de 1997 à nos jours), les pouvoirs publics n’ont pas hésité à faire appel aux leaders religieux, ou aux chefs traditionnels pour tenter justement de jouer sur la carte des mécanismes traditionnels de résolution de crise.

N’a-t-on pas vu à la télévision lors du coup d’Etat du capitaine Sanogo en 2012, des dozo (chasseurs traditionnels) défiler et nous annoncer qu’ils allaient combattre les terroristes au nord, « car ce rôle leur revenait de droit ». Evidemment ils n’y ont jamais mis le pied au nord, et ces leviers prennent de moins en moins sur une population déjà désabusée par la corruption des élites traditionnelles.

L’argent est  devenu le principal levier de régulation des rapports sociaux de nos jours, il a pris le pas sur les relations sociales d’antan, et de nos jours les imams et les chefs traditionnels médiatisés sont parmi les premières fortunes du Mali, s’ils conservent encore un crédit auprès d’une frange de la population, une autre est critique vis-à-vis de cet enrichissement « express ».

N’en demeure pas moins que cette influence des leaders se monnayent, les hommes politiques rivalisent d’ingéniosité pour s’attirer la sympathie de ces blocs. Il ne s’agit pas simplement d’argent mais de plus en plus d’idéologie.
Nous n’en sommes pas encore à l’étape de la théologie, mais tout le monde a en mémoire les manifestations organisées en 2009 à l’occasion de la promulgation du nouveau code de la famille, celui-ci donnait visiblement trop de droits aux femmes pour être acceptable.

Cette reculade a conforté les « leaders » dans leurs idées qu’ils étaient la seule force organisée du pays, les hommes politiques et les institutions ayant perdu toute crédibilité. Ils comptent bien en profiter, les uns pour imposer leurs idées, les autres pour s’enrichir.

Le délitement des liens sociaux et la crise politico institutionnelle, sont les principales causes de la crise multidimensionnelle que traverse le Mali depuis 30 ans. 30 années de crise ou  de mutation pour l’appellation positiviste. S’il est vrai que tout n’est pas à jeter sur ces 30 dernières années, la crise s’est accentuée ces 15 dernières années, avec l’explosion de la corruption, qui a détruit les rapports sociaux et la confiance dans les institutions.

La crise dite du Nord, est une crise institutionnelle non réglée qui a abouti sur une crise militaire, et ce n’est qu’en résolvant la crise de confiance entre les citoyens et leurs institutions que l’on pourra voir un début de règlement de ce conflit. Pour cela il faut rapprocher l’administration des populations, en respectant les critères de transparence et de redevabilité.

L’Etat depuis longtemps est dominé par une élite (politique, religieuse, traditionnelle) à la recherche de la rente de la corruption. Les luttes de pouvoir ne se font pas dans le but d’imposer une vision, mais dans le but d’avoir le contrôle sur le pactole à se partager.

Cette entité dominée par un petit groupe d’individus, domine à son tour l’ensemble de l’économie malienne. Ce qui fait qu’aujourd’hui les opérateurs économiques, à leur tour ont intégré ce vaste système qui spolie sans discernement la frange la plus vulnérable de la population. On retrouve de la corruption et de la malversation dans toutes les sphères de l’administration, de la base au sommet, du racket pour une simple lettre à déposer, aux pots de vin pour l’attribution de marché. L’intérêt public ne compte plus.

Dans ces conditions comment voulez-vous bâtir une société harmonieuse, avec de la justice, dans laquelle tous les citoyens peuvent s’identifier. Au contraire, vous avez de la défiance, de la méfiance, et parfois de la violence.

Les solutions sont connues, la volonté est absente. Ceux qui profitent du système ne vont pas le changer, bien au contraire la crise est instrumentalisée pour accentuer les mauvaises pratiques, avec comme excuse la faiblesse de l’Etat pour lutter contre la corruption. On détruit l’Etat par la corruption, puis on dit ne pas pouvoir lutter contre la corruption efficacement du fait de la faiblesse de l’Etat.

Malheureusement ces comportements ont été intériorisés par la population, qui a fini par trouver ces pratiques « acceptables », du moins a fini par développer une certaine tolérance vis-à-vis de cela. Ces élites corrompues sont érigées en modèles de réussite, sont salués partout où ils passent pour leur générosité.

La promotion de contre-pouvoirs, l’éveil d’un esprit citoyen, ainsi que l’éveil des conscience sont les armes dont disposent ceux qui veulent dénoncer cet état de fait, malheureusement leur voix est bien inaudible.

Source: Askiamohamed

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