«On peut coudre la calebasse avec la main, mais on ne peut coudre la société qu’avec des intelligences», dit-on. C’est à cette conjugaison des intelligences que le président de la République semble appeler les Maliennes et les Maliens pour résoudre la crise sociopolitique à laquelle notre pays est confronté.
Les audiences accordées par le président IBK aux différentes forces vives du pays ces derniers jours vont dans ce sens. Ainsi, dans un souci d’associer le maximum des fils et filles du Mali à la gestion et de «ne jamais exclure personne», le président IBK a annoncé le 16 juin 2020 la formation «d’un gouvernement d’union nationale», «un gouvernement de changement, exclusivement, porté sur des résultats définis au préalable et mesurables». Cette offre politique suivie de sa main tendue constitue à notre avis un geste politique d’une très grande portée. Historiquement, un gouvernement d’union nationale ou gouvernement d’unité nationale est formé après une crise profonde qui a affecté l’ensemble du pays.
Tel que défini dans Wikipédia «il est constitué des principaux partis, voire de la majorité des partis politiques dits «de gouvernement» représentés dans un Parlement. La formation d’un tel exécutif se voit lorsque la situation politique, économique ou sécuritaire du pays requiert que cesse le schéma traditionnel de débats entre majorité et opposition». Notre histoire constitutionnelle s’inspirant beaucoup de celle de la France, on constate que les gouvernements d’union nationale ou d’unité n’apparaissent que rarement dans la pratique politique française :
– en 1934 avec le second gouvernement Gaston Doumergue ;
– en 1944 vers la fin de la 2è guerre mondiale, avec De Gaulle et le Conseil national de la Résistance ;
– en 1947-1951 sous la 4è République ;
– en 1958 en vue de préparer la 5è République et s’affranchir de la République instable des partis politiques que constituait la 4è République. Certains citent également les ouvertures faites à d’autres forces politiques et personnalités de rentrer dans le gouvernement avec Rocard en 1988 et Sarkozy en 2007. De nos jours, le débat sur la formation d’un gouvernement d’union nationale est également à l’ordre du jour avec Macron suite à la crise de la Covid-19.
Si au Mali, on a souvent parlé de gouvernement de consensus, de gouvernement de large ouverture, on n’a presque jamais parlé de gouvernement d’union nationale tel que cela a été formulé et proposé par le président IBK, sauf erreur de notre part. Le gouvernement d’union nationale n’est que la parfaite illustration de la citation de Ghézo d’Abomey «si tous les fils venaient de leurs doigts rassemblés boucher la jarre percée, le pays serait sauvé».
L’apparition de ce concept dans le champ sémantique politique malien et certainement bientôt dans la praxis politique malienne est une innovation digne d’intérêt pour les politologues. Mais témoigne également de la hardiesse avec laquelle le président de la République s’attaque à la résolution de la crise sociopolitique dans son pays. Cette offre politique inédite dans les annales de la chose politique au Mali, est une concession maximale faite à ses opposants par le président IBK.
Elle est l’illustration parfaite et politique du geste physique de la main tendue. La main du président n’est pas seulement tendue à ses opposants politiques, les bras leur sont désormais ouverts pour les accueillir dans un gouvernement d’union nationale. Tous les efforts de la communauté internationale, des partenaires et amis du Mali, de tous les médiateurs, devraient tendre vers l’acceptation de cette proposition par l’opposition politique et ce, dans un élan patriotique de conjugaison des intelligences.
Il incombe à tous de convaincre le M5-RFP qu’il s’agit là de la meilleure offre politique eu égard aux difficultés qui assaillent notre pays. Toutes les autres propositions : dissolution de l’Assemblée nationale, de la Cour constitutionnelle, etc. sont grosses de dangers pour notre pays, pour la République, pour la démocratie. Un gouvernement d’union nationale avec comme feuille de route, la mise en œuvre des conclusions et recommandations du Dialogue national inclusif, voici le chemin idéal pour le Mali.
N’Tji Koné
Fonctionnaire à la retraite
Source : L’ESSOR