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Crise de confiance totale entre Gouvernants et Gouvernés : Le Mali avance à reculons

Depuis l’avènement de la démocratie avec la Révolution de mars 1991, le Mali n’avait connu une si profonde crise de confiance entre Gouvernants et Gouvernés. Dans tous les secteurs  clés de l’Administration, c’est le formalisme et le favoritisme qui sont sur les lèvres. Conséquences : le Peuple ne se sent plus le véritable électeur de l’Exécutif. Quels sont les germes de ce phénomène ? Comment l’éradiquer afin que ce pays puisse être au concert des nations ?

«Pour savoir d’où l’on va, on doit d’abord savoir d’où l’on vient». Ce vieux proverbe de nos aïeux mérite un regard critique objectif par les Maliens qui ne cessent de se demander les causes profondes  de cette crise multidimensionnelle qui va de mal en pis.

Des marches réprimées, des meetings, des éveils de consciences par-ci et par-là ; bref la démocratie est le fruit de toute une chaine de luttes à multiples colorations (par les associations, les syndicalistes, les partis politiques, etc.). Mais, malheureusement, ce pouvoir dit «du Peuple par le Peuple et pour le Peuple» fait face à une confusion nocive ; qui, si l’on n’y prend pas garde, n’engendrera que des déboires.

L’élection présidentielle pour ne pas dire la nomination présidentielle qui vient de se tenir a exhibé des preuves concrètes notamment  le taux de participation très faible des électeurs inscrits (3 000 000 sur 8 000 462) et la contestation des résultats par les 2/3 des candidats prouve à suffisance que les Gouvernants et le Peuple (si majoritaire que soit) sont de deux mondes différents. Une véritable crise de confiance nait entre les deux camps. « Les populations ne sont pas au courant des enjeux », nous a confié le célèbre écrivain panafricaniste Doumbi Fakoly.

Quelles sont, donc, les causes ?

C’est là d’ailleurs que doivent centrer les thèmes de l’exégèse de tout bon patriote. Malgré la multitude de nos ressources minières, la situation déplorable du pays se dégrade de plus en plus, après 58 ans d’Indépendance et une vingtaine d’années de démocratie. Il y a lieu de s’interroger sur les bases de départ lors des premières heures de cette démocratie ou sur la sincérité de l’esprit patriotique des acteurs du cheminement. Car, au-delà des incessants cris des populations contre la gouvernance ploutocrate et de formalisme érigés en système, il y a l’avenir de tout un peuple qui est mis en cause. Le caractère tripartite de la démocratie à savoir l’exécutif, le législatif et le judiciaire ne reste, dit-on, plus qu’une vieille façade qui enveloppe  un monarque et son clan qui ne cessent de trainer des casseroles.

Le Pouvoir à caractère monarque du Président IBK

En une vingtaine d’années, le vécu démocratique du Mali se limite à travers l’instauration du pluralisme, la mise en place et le fonctionnement des institutions de la République, la décentralisation et l’existence d’une opposition peu organisée et soumise à une forte pression du parti au pouvoir. Le Président de la République, selon la Constitution en vigueur et le système électif vicieux instauré, est vu comme un monarque. En plus de l’exécutif, sa main est officiellement ou officieusement dans toutes les deux autres structures de la démocratie ; c’est-à-dire le législatif avec la majorité à l’hémicycle et le judiciaire avec  son pouvoir nominatif (trois juges à la Cour Constitutionnelle et trois autres à la Cour Suprême  qui s’ajoutent à la présidence de l’AN qui lui reviennent naturellement) que lui confère la loi.

Un système  de Gouvernance délabré

Pendant ces vingt dernières années, le Mali a vécu sous l’emprise d’une gouvernance stérile et véreuse entretenue par une prédation politique bourrée de gabegies et de forfaiture des institutions par leur impartialité et  qui manipulent les opinions au service de la construction du destin singulier d’un clan politique ou d’une famille aristocratique. Assiégé, voire séquestré, le pays est menacé dans son évolution démocratique. Aujourd’hui, tout porte à croire que le peuple malien est sa seule victime expiatoire des prédateurs par son mutisme parfois coupable. « Le Mali est un grand pays avec des potentialités », affirme-t-on dans nos expressions. Mais, vu la déplorable situation humanitaire  généralisée due à la gestion clanique du pouvoir, cette affirmation se dénie malheureusement face à l’autre qui déclare que  « Le Mali n’est pas un pays pauvre ». À titre d’exemple, outre les cas de drames financiers révélés par le Bureau du Vérificateur Général sans suite pénale, rares sont les jeunes diplômés qui daignent, ce jour, s’aventurer dans un processus de recrutement public sans se rassurer  de ce qu’on appelle le soutien du « sous-couvert ».  Et ce phénomène, si attentatoire aux droits humains, stipule  l’égalité de la chance, est  visible  de tous.

Même lors des examens de passage dans les universités et autres structures. Et l’instrumentalisation des biens publics, dont la télévision nationale de l’ORTM, les véhicules de l’Etat par les Ministres lors des campagnes de l’élection présidentielle dernière au profit du Président sortant ne nous le démentira pas.

Une véritable politique rectificative est aujourd’hui plus que jamais nécessaire. Ce, afin que l’Exécutif revienne à son statut de serviteur  du Peuple au lieu de se servir du Peuple.

Un processus électoral discrédité ?

Le faible taux d’affluence des électeurs dans les urnes qui a fait son record lors du scrutin présidentiel de cette année 2018, malgré la multitude des candidats retenus par la Cour Constitutionnelle, nécessite une observation objective par tous les Maliens soucieux du devenir de notre pays afin de déceler les germes et prévoir des solutions adéquates.

La majeure partie de l’électorat pense que l’élection en Afrique n’est que  de simple formalité. «On n’organise pas une élection pour la perdre», avait déclaré feu Président Oumar Bongo du Gabon. Une déclaration fondée. Ce, dans la mesure où dans notre pays, lors des dernières élections présidentielles, le Ministère de l’Administration Territoriale et la Cour Constitutionnelle que relève l’organisation politique et juridique du scrutin ont été contraints de faire un passage de force en faveur du Président IBK, candidat à sa propre succession. Compte tenu de la tension postélectorale de cette année, il y a lieu de ramener le processus électoral au compte de la commission électorale indépendante plus inclusive (CENI) afin de redonner au peuple son vrai pouvoir d’élire son Président.

Une liberté d’expression menacée

Garantie par l’article 4, 5, 6,7par la Constitution du 25 février 1992 en vigueur et qualifiée souvent comme le quatrième pouvoir de la démocratie, la presse malienne faiblit pendant les périodes électorales. Le véritable moteur de la démocratie qu’est la presse  est de plus en plus victime des violations et des cas d’entorses intempestives par des mains «  pouvoiristes » et monarques qui, pour s’éterniser éventuellement aux affaires, ensevelissent les délits, les crimes financiers et les forfaitures, à travers la chasse à l’Homme des médias dont le seul crime est d’avoir osé jouer leur rôle régalien qui est d’informer le public. Les descentes musclées de la police d’État dans le milieu des journalistes en sont une preuve. La disparition du jeune Birama Touré du journal LE SPHINX, de Salif Diarra du journal en ligne   Mali actu, et la fermeture de la Radio Renouveau FM en disent long.

En outre, l’on déplore souvent des cas d’arrestations extrajudiciaires à travers la ville de Bamako. Bref, sous le Régime d’IBK, la presse malienne a toujours l’épée de Damoclès suspendue au-dessus de sa tête.

La société civile  instrumentalisée par les politiques

Tous les observateurs avertis de la scène politique et sociale  malienne savent que notre démocratie n’est que pour la forme. Le Mali, faut-il le souligner, est en panne au plan  politique et se trouve dans une profonde crise institutionnelle.

La société civile qui devait assurer la veille citoyenne est, malheureusement, réduite au silence coupable. L’ordre public et le pouvoir judiciaire sont soumis à l’ordre politique. D’où nos véritables valeurs démocratiques  sont toutes aujourd’hui dans l’abime et la monarchie s’installe lentement mais sûrement.

La gouvernance clanique et d’impunité  s’installe sous la couverture de la démocratie.

Au triple plan sécuritaire, alimentaire et judiciaire, rien ne va non plus. Dans les domaines de l’éducation, de la santé, des transports, de l’emploi et économique, etc., on avance à reculons.

Ce qui suscita une crise de confiance totale et sans précédent entre Gouvernants et Gouvernés à l’échelle nationale et dans tous les secteurs et au sein de toutes les couches socioprofessionnelles.

Seydou Konaté 

LE COMBAT

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