Si l’instauration du couvre-feu est une initiative du Conseil supérieur de la défense nationale du Mali pour éviter la propagation du Covid-19, son observation stricte sur le terrain est le fruit de l’engagement ferme du ministre de la Sécurité et de la Protection civile, le Général Salif Traoré et ses hommes qui conduisent jusque-là l’opération avec professionnalisme et transparence. Tel est le constat général des journalistes qui ont participé aux patrouilles policières dans certaines régions du Mali.
Suivre l’application du couvre-feu décrété par les plus hautes autorités du pays est une initiative de certains journalistes et Directeurs de Publication. Ils sont une dizaine de journalistes de la presse écrite, des radios et des réseaux sociaux à avoir effectué le déplacement pour voir comment les policiers appliquent le couvre-feu et comment se comportent les citoyens dans les régions en cette période.
Le rapport des reporters !
Nous sommes au commissariat de Ségou, le vendredi 3 avril 2020. Sur place, nous avons assisté au départ des agents de la police du 1er et du 2ème arrondissement de Ségou sur le terrain. Une équipe mixte a répondu présente au rassemblement. A 21 heures 00, des policiers, gendarmes et gardes étaient en place, respectant la distance réglementaire conformément aux mesures barrières. Après les consignes du chef de poste, nous avons accompagné les hommes du commandant Boubacar Traoré, chef de la Police Judiciaire du 1er arrondissement. Durant quatre heures d’horloge, nous avons sillonné la ville avec des agents professionnels et courtois. Les citoyens qui ne respectent pas le couvre-feu sont interpellés avec tact pour les conduire au commissariat. Parmi ces récalcitrants, certains prennent la tangente dès qu’ils aperçoivent les patrouilleurs. La police en ce moment ne fait que ramasser les chaises et théières qu’ils abandonnent dans leur fuite. C’est après que le commandant Boubacar M. Traoré, chef de la Police judiciaire, a répondu à quelques questions pour édifier les hommes de médias. D’après lui, le couvre-feu est une mesure de restriction de certaines libertés des citoyens pour l’intérêt national. Il dira que les instructions sont claires. A partir de 21 heures, tout le monde doit rester chez lui jusqu’à 5 heures, sauf ceux qui ont des dérogations. « Nous sommes obligés de faire respecter ce couvre-feu. Car, la vie de plusieurs personnes en dépend. Il fait partie des mesures barrières à respecter contre la propagation du corona virus», a-t-il dit. Selon l’adjoint au commissaire du 2ème arrondissement, le commissaire Adama Moussa Camara, ceux qui ne respectent pas le couvre-feu sont assujettis au payement d’une contravention qui varie de trente mille à dix huit mille FCFA. « Comme difficulté, c’est l’incivisme qui nous fatigue. Parce qu’il y a toujours des intervenants en faveur de ceux qui bravent la loi. Or, le social est très ancré dans nos cultures. Si les notables et les religieux pouvaient ne pas intervenir pour des récalcitrants, ça serait mieux », a-t-il expliqué. Tant bien que mal, la police de Ségou arrive à gérer la situation avec le professionnalisme demandé par la hiérarchie et la population commence à adhérer. De manière générale, le couvre-feu est respecté à Ségou. A Sikasso, la mesure est aussi appliquée à hauteur de souhait. Il y a cependant des militaires qui se promènent sans tenue et souvent sans la carte professionnelle. Ce qui rend le travail difficile pour la police. Le commissaire Bouba Samaké du 1er arrondissement de Sikasso a fait savoir que « ces mesures sont prises pour le bien-être de la population. Je demande aussi aux porteurs d’uniforme de nous rendre la tâche moins difficile. Ce qui est sûr, on fera respecter la loi ». A Sikasso, nous avons aussi assisté au rassemblement des troupes dans les mêmes circonstances qu’à Ségou dans la soirée du samedi 4 avril. C’était pratiquement les mêmes consignes. Nous avons aussi fait le tour de la ville avec les agents de patrouille de 21 heures à 2 heures. Le commissaire de police, Fousseyni Berthé du 2ème arrondissement de Sikasso dira que la situation est sous contrôle, mais il regrette le fait que ses agents n’ont toujours pas eu les bavettes et les gants pour être en conformité avec les mesures barrières. Le couvre-feu, d’après lui, « est une disposition de la constitution qui donne le droit au Président de la République de restreindre les libertés pour des besoins spécifiques, telle que la lutte contre la pandémie Coronavirus. L’objectif de ce couvre-feu est de protéger la population contre le virus. Il est à noter qu’il y a des catégories socioprofessionnelles qui bénéficient de dérogations au regard de la sensibilité de leurs activités».
Hormis cela, tous les citoyens doivent rester chez eux. « Personnellement, au 2ème arrondissement, on arrive à bien gérer ces mesures. Nous n’avons aucun cas de dérapage noté. Je fais tout pour éviter les bavures policières.
On ne frappe pas, on n’insulte pas, on est là pour la population. Toutes les personnes interpellées la nuit sont libérées le matin. Avant, on te verbalise et te conseille. D’autres payent les contraventions et ceux qui ont des antécédents seront déférés. Avec la pesanteur sociale, nous cédons souvent. On contribue à la sensibilisation et à l’éducation de la population », explique-t-il.
A Sikasso, nous avons aussi cueilli l’avis des populations sur la méthode des policiers. Pendant que les uns trouvent la mesure du couvre-feu opportune, d’autres disent ne rien comprendre. « Je n’aime pas ce couvre-feu. La police nous empêche de faire le ‘’grin’’. Or, la maladie n’est même pas encore arrivée à Sikasso. Vraiment, qu’elle revoit la situation », a laissé entendre B. Diamounténé. Pour Assan Berthé, vendeuse, le couvre-feu est une bonne chose dans la mesure où ça permet de lutter contre la pandémie.
Selon le commissaire du 2ème arrondissement Fousseyni Berthé, le couvre-feu est bien respecté à Sikasso. Seulement, il y a souvent de petites incompréhensions de la part de certains jeunes qui poussent à rafler et aussi, certains militaires qui ne comprennent pas qu’ils nous posent d’énormes problèmes. Je salue le sens de compréhension de la population de Sikasso pour l’observance de manière générale du couvre-feu et l’invite à rester sur cette voie », se félicite le commissaire.
N.D
Le Prétoire